dimanche 5 juillet 2015

SUBVENTION DU PAIN EN EGYPTE : UNE REVOLUTION TRANQUILE.

PAIN
SUBVENTION DU PAIN EN EGYPTE : UNE REVOLUTION TRANQUILE.

En Egypte, depuis août 2014, le prix de la farine est libre. Cela s'est traduit par une augmentation du prix du pain. Pourtant nulle trace de révolte populaire. Comme expliquer qu'une telle réforme passe sans faire de vagues dans un pays où, comme en Algérie, le pain constitue un aliment de base ? Et si une telle réforme pouvait s'appliquer chez nous ?

LE MIRACLE DE LA CARTE A PUCE
Cette libéralisation du prix du prix de la farine s'est accompagnée de l'attribution d'une carte à puce aux familles à revenu modeste. Elle est délivrée en fonction de critères sociaux et permet de délivrer à chaque membre d'une famille 5 pains par jour.

Auparavant les pouvoirs publics subventionnaient directement la farine. Depuis 1980, les boulangers étaient tenus de vendre le pain à 5 piastres (moins d'un centime d'euros) avec un maximum de 20 pains par personne. Il s'agit de pains de 130 grammes de forme circulaire, des galettes. Devant les boulangeries, les files d'attente étaient interminables. Les trafics étaient nombreux. Certains boulangers revendaient la farine sur le marché informel.
Mais depuis cette décision, plus de files d'attente devant les boulangeries. Chacun semble satisfait. Les ménages modestes arrivent à se procurer du pain au prix modique de 5 piastres contre 30 pour les consommateurs ne possédant pas le fameux sésame ou désirant acheter plus de 5 pains par personne.
« Avant la mise en œuvre du système, certaines familles envoyaient plusieurs de leurs membres pour acheter pour une livre, des galettes de pain (plafond fixé par personne). Aujourd'hui, chaque membre de la famille peut se procurer en une seule fois la part de la famille pour trois jours », explique Ahmad Kamal, propriétaire d'une boulangerie dans le quartier d'Al-Khalifa au Caire (1).

Pour chaque pain vendu à 5 piastres, le Ministère de l'Approvisionnement en reverse 25 au boulanger afin de couvrir le coût de production. Les boulangers peuvent dorénavant acheter la farine au prix du marché. Il y a une libéralisation du prix de la farine. Les quantités de farine pouvant être achetées par les boulangers ne sont plus rationnées. Chaque boulangerie est par ailleurs dotée de 2 lecteurs de carte à puce de marque SMART.

UNE REFORME MUREMENT REFLECHIE
Ce projet a été longuement réfléchi par les autorités égyptiennes. Il avait été imaginé dès 2003. Et le président Mohamed Morsi avait même annoncé sa future mise en place avec seulement 3 galettes à prix subventionné par personne. Il faut dire que les dernières tentatives d'augmentation du prix du pain s'étaient soldées par des émeutes. En 1977, le président Sadate avait été obligé d'annuler une augmentation du prix du pain suite à de violentes émeutes. Et en 2011, lors de la révolution qui a entrainé la chute de Hosni Moubarak, les manifestants scandaient « Pain, liberté, justice sociale ». C'est dire si le sujet est sensible. L'utilisation de cartes à puces a d'abord était testée dans les villes de Port-Saïd et d'Ismaïlia dès janvier 2013 avant d'être élargie aux autres provinces.
Maintenant que les derniers gouvernorats ont été concernés par la réforme, c'est 69 millions d'Egyptiens sur 86, soit 80% de la population, qui utilisent cette carte à puce. Résultats, dans les premières villes où la réforme a été lancée, les suventions ont été réduites de 30%. Quant au sac de farine de 50 kilo, il est passé de 16 livres Egyptiennes à 155 (1).
La majorité des consommateurs sont satisfait et ne tarissent pas d'éloges quant à cette réforme décidée par Sissi.
«Cela marche maintenant. Que Dieu bénisse Sissi » lance à l'envoyée spéciale du journal Le Monde (2) Zeinab une vielle dame en sortant d'une boulangerie du quartier pauvre d'Imbaba au Caire.

« ON NE SUBVENTIONNE PLUS LE PRODUIT, MAIS LES PERSONNES »
Cependant, il existe encore quelques dysfonctionnements. Al-Ahram relate « Nous sommes quatre dans la famille alors que trois seulement figurent sur la carte de subvention, ma fille de 8 ans n'est pas inscrite » explique Rawya mère au foyer. Mahmoud Sayed, responsable d'une famille de six personnes, réclame au moins 8 galettes par jour pour manger à sa faim. « Doit-on prendre le petit-déjeuner , le déjeuner ou le dîner ? » se demande-t-il ironniquement. En outre, le programme n'a pas prévu qu'un lot de 5 000 galettes par mois au prix subventionné et par boulangerie pour les personnes ne possèdant pas encore de carte. Mais la demande est supérieure à ce quota. Et des migrants tels ces ouvriers journaliers d'un autre gouvernerat venus travailler au Caire sont obligés d'acheter le pain au prix fort. « Les plus riches peuvent s'en sortir. Ils mangent de tout mais les familles nombreuses et les pauvres ne le pourront pas » lance Oum Shahd au journaliste d' Al-Ahram.

Pour Mahmoud Diab, porte-parole du Ministère égyptien de l'Approvisionnelment : « on ne subventionne plus le produit, mais les personnes ». Une maxime que les décideurs Algériens devraient considérer. L'étude du cas égyptien est à étudier. Rappelons que la dotation de cartes à puce a concerné 69 millions d'Egyptien. Il s'agit là d'un bel exploit.
Par ailleurs, le montant des subventions économisé pourrait être affecté à la production. On peut imaginer ainsi une augmentation des prix à la production ou des subventions pour l'emploi de techniques plus modernes (irrigation d'appoint, semis-direct).



NOTES :
(1) « Pain : la rationalisation mal comprise ». Al-Ahram Hebdo en ligne. Marwa Hussein. 16.07.2014.
(2) « En Egypte, la révolution silencieuse du pain ». Le Monde Economie. Moina Fauchier-Delavigne. 14.04.2015

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