dimanche 5 juillet 2015

OLEAGINEUX: ALGERIE, DERNIER DE LA CLASSE AU MAGHREB.

OLEAGINEUX
ALGERIE, DERNIER DE LA CLASSE AU MAGHREB.
L'huile consommée en Algérie provient non pas de graines de colza ou de tournesol triturées localement. Une étude du marché locale montre que nous consommons esentiellement de l'huile de soja. Cette huile est importée principalement d'Ukraine à l'état brut. Puis elle est raffinée localement. Une telle situation nous met bon dernier au Maghreb. En effet, Maroc et Tunisie triturent localement déjà des oléagineux. Sommes nous condamnés à rester dernier de la classe ? Et si le développement de la production d'oléagineux était l'occasion de laisser plus de place au monde paysan ? XXXXX

UNE SITUATION DESASTREUSE
Les importations de graines oléagineuses, huiles végétales brutes et tourteaux sont de l'ordre de 1,4 milliards de dollars en 2011. Les huiles brutes occupent 61% de cette valeur et les tourteaux 36%. Après les céréales (4,4 md $) et le lait en poudre (1,5 md $), il s'agit là du troisième poste d'importation de produits alimentaires. Cette situation est désastreuse en matière de finances publiques.

Elle est désastreuse également en matière d'aliments du bétail. Une trituration locale de graines importées permettrait une production de tourteaux. Rappelons que les tourteaux sont très utilisés en alimentation du bétail. Mieux, il s'agirait de tourteaux frais, non oxydés, et donc de meilleure qualité.
Différentes études marocaines montrent qu'en matière d'aliment volaille, pour remplacer en partie le maïs importé par de l'orge, il est primordial d'augmenter les doses de tourteaux d'oléagineux.
Par ailleurs, habituer les agriculteurs locaux à produire du colza, c'est aussi les initier à la possibilité de semer du colza fourrager. Il s'agit là d'un fourrage à pâturer à forte croissance. Il est possible de le semer dès le mois d'août avec, au début, une irrigation d'appoint.
Rajoutons que les tourteaux de soja sont utilisables en alimentation humaine. Ils sont très consommés en Asie. En France, ils sont présents à raison de 15% dans certaines marques de steaks hachés.

Enfin, cette situation est désastreuse du point de vue agronomique. Dans les rotations actuelles, les céréales à paille reviennent trop souvent. Cela est à l'origine de problèmes de désherbage, de maladies ou de ravageurs. Le colza ou le tournesol permettraient de rallonger les rotations. Afin de faire progresser les rendements céréaliers, les agriculteurs algériens ont un besoin pressant de diversification de leur système de culture.
Au Maroc et en Tunisie, les situations sont différentes. Colza et tournesol sont beaucoup plus présents qu'en Algérie.

DES OLEAGINEUX MADE IN DZ
Pour répondre à une consommation de 12 kg/tête, l'Algérie dispose d'une industrie du raffinage conséquente. On compte pas moins de 5 opérateurs : Cevital (50 à 60% du marché), Afia International Algeria (20%), Groupe La belle (15%), Prolipos (6%) et Safia.

Afin de réduire les importations d'oléagineux, une stratégie des pouvoirs publics pourrait être d'obliger ces industriels à s'approvisionner en partie en oléagineux produit localement. Le groupe Cevital a même déposé auprès des pouvoirs publics une demande en ce sens. Ce projet comprend la construction d'une usine de trituration de graines oléagineuses d'une capacité de 3,3 millions de tonnes par an. Le volet agricole de ce projet prévoit la production locale de graines oléagineuses et de tourteaux. Ce projet serait en stand-by.

La société SIM a prévu de développer la production d'aliments de bétail avec un partenaire français Sanders. Comme la production d'aliments de bétail requiert l'emploi de tourteaux, cette société aurait intérêt à contribuer au développeemnt d'oléagineux dans son bassin d'approvisionnement : la région Centre.
Par ailleurs, comme pour l'industrie des oléagineux, les pouvoirs publics devraient imposer à tout producteur d'aliments de bétail de s'approvisionner, au moins partiellement, en matière premières locales.



PRODUCTION D'OLEAGINEUX : MODE D'EMPLOI
Colza : une culture d'hiver, mais tournesol, une culture de printemps.

Ces denières années les progrès techniques en matière d'oléagineux sont nombreux.
Le colza présente le net avantage de se semer à l'automne et de se récolter en même temps que l'orge. Son cycle de culture est court et se correspond à la période la plus arrosée par les pluies. Le colza valorise cependant bien une irrigation d'appoint. Traditionnellement, le semis se fait fin septembre. L'idéal est donc d'utiliser la technique du semis direct afin de valoriser les premières pluies automnales. C'est une culture qui attire un grand nombre d'insectes ravageurs.

A l'étranger la cultures du colza enregistre des progrès constant. C'est le cas avec des nouvelles variétés plus résistantes à l'égrenage, valorisant mieux l'azote ou résistantes aux herbicides (technologie Clearfield).

Le gros problème de la culture de tournesol vient de ce qu'il est semé au printemps. Son cycle se déroule donc en été. Il s'agit donc de choisir des sols profonds à bonne réserve hydrique. Une autre solution est de le semer sans labour par semis direct. Cette technique préserve l'humidité du sol en évitant une trop grande évaporation.
En matière de désherbage, cette date de semis présente un avantage. Elle permet l'élimination des plantes adventices difficiles à détruire dans une culture de blé. L'écart entre rangs de tournesol est plus important qu'en culture de blé. Il permet donc un binage mécanique. Des avancées techniques actuelles portent sur le semis sous couvert, des variétés plus résistantes aux maladies ainsi que sur le développement de la technique Clearfield.


La réussite de ces deux cultures nécessitent l'établissement de références techniques adaptées auix différentes zones de culture. Outre des essais en micro-parcelles en station ou en parcelles agriculteur, la solution peut consister à réaliser des enquêtes cultures. Après la récolte, il s'agit d'enregistrer l'itinéraire technique des parcelles agriculteurs afin de déterminer ce qui, lors d'une campagne agricole, concourt aux meilleurs rendements.

Une telle approche nécessite un encadrement de terrain performant. Contrairement avec ce qui se fait dans la filière céréales, la recherche-développement pourrait se faire par un organisme co-géré par l'interprofession. Ainsi, au lieu du recrutement d'ingénieurs et de techniciens par un organisme public, ce serait les élus paysans et agro-industriels qui s'en chargeraient.


CONTRACTUALISATION OU PRODUCTION D'HUILE A LA FERME

Les grands groupes agro-industriels de transformation sont les partenaires naturels des agriculteurs. Ces industriels ont besoin de matières premières. Une politique de contractualisation pourrait leur assurer une source d'approvisionnement en quantité et qualité. Cela se fait déjà concernant la tomate industrielle. La contractualisation garantit le rachat de la production de l'agriculteur par le transformateur. Selon les types de contrat sont garantis également un appui technique, la fourniture de semences certifiées ainsi que différents intrants.

Indépendemment de l'agro-industrie, les agriculteurs peuvent mettre sur pied des structures coopératives afin de maîtriser la production d'oléagineux et leur transformation. Cela existe par exemple en France. Ainsi, Sanders, le partenaire de SIM, appartient à un grand groupe coopératif français. Certes, au vu de la situation de la paysannerie algérienne de tels projets peuvent paraître très ambitieux. On le voit avec la filière lait où les agro-industriels sont majoritairement privés ou étatique, à l'exception de la Coopsel de Sétif. On peut imaginer que dans des régions fertiles, de grandes et moyennes exploitations privées et des fermes pilote du secteur public développent une production de colza ou de tournesol ainsi qu'une activité de trituration. A plus petite échelle, de telles initiatives pourraient également être prises individuellement par des exploitations agricoles. Il existe sur le marché local des presses à huile. Elles peuvent convenir à une pression à froid des graines oléagineuses.
AGRICULTEURS DZ, CAPTER UN MARCHE DE 1,4 Md $.
Face à l'absence de stratégie cohérente des pouvoirs publics,
c'est aux agriculteurs et investisseurs de développer des ateliers de trituration.

Une analyse de la filière huile en Algérie montre l'absence de toute stratégie cohérente de la part des pouvoirs publics. Cette incohérence se traduit par une hémorragie en devises ainsi qu'un manque dans la création induite d'activités et d'emplois en amont et en aval de la filière. A ce titre, on peut dire que les tenants de la ligne du « tout importation » ont une lourde responsabilité dans le marasme actuel de la filière. Des mesures simples telle l'obligation d'une trituration locale complétée d'une obligation d'approvisionnement partiel en graines produites localement auraient pu permettre un début d'intégration nationale.

L'argument selon lequel il s'agit de hiérarchiser les priorités ne tient pas. On ne peut prétendre réussir l'intensification céréalière et ensuite développer les oléagineux. Les deux doivent progresser ensemble car agronomiquement, ils sont complémentaires. C'est le cas lorsqu'on considère les rotations culturales ou l'alimentation animale.
A ce propos, il est regrettable que le projet proposé par Cevital n'ait reçu aucun écho de la part des autorités.

L'absence de stratégie actuelle fait que les agriculteurs n'ont rien à attendre des pouvoir publics. Les oléagineux sont des productions de grandes cultures. Il revient tout naturellement aux céréaliers d'en avoir la charge. Déjà 20 000 ha sont plantés en colza. Ils ont permis en 2012 la production de 50 000 t. A eux de s'emparer de ce dossier et d'un juteux marché de 1,4 Md $. Depuis 2011, le prix plafond de l'huile est de 120 DA/l. En cas de réduction des marges suite, par exemple à une hausse des cours mondiaux de l'huile brute, un mécanisme de compensation étatique indémnise les industriels. Pourquoi les paysans producteurs d'oléagineux développant une activité de trituration à la ferme ne pourraient-ils pas profiter d'un tel mécanisme ? Ce serait là un puissant encouragement au développement des oléagineux.

Les récents progrès techniques en matière d'itinéraires techniques (semis direct, désherbage, irrigation d'appoint) permettent des marges rémunératrices. Surtout en comptant avec des circuits courts de commercialisation excluant les intermédiaires et en comptant avec la valorisation des sous-produits tel les tourteaux.

DES ATELIERS DE TRITURATION PAYSANS
Aux côtés de groupes agro-industriels, il y a de la place
pour des ateliers ruraux de trituration des oléagineux.
S'ils ne le font pas, d'autres le feront à leur place comme Danone dans le cas de la filière lait. Déjà, par rachat d'entreprises locales le groupe Sofiprotéol/Lesieur-Cristal est présent au Maroc. Il compte relancer la production locale d'oléagineux et développe déjà avec succès une huile associant soja, colza et tournesol. En Algérie, la marque d'huile Afia appartient à une filiale du groupe saoudien Savola. Certes, une société telle Lesieur-Cristal dispose d'un savoir faire technique certain. Cependant, les profits générés profitent avant tout aux actionnaires. L'idéal serait des partenariats plus équilibrés de type win-win.

L'agriculteur ne doit pas se contenter d'une courte vue. Son horizon ne doit pas être limité à la parcelle et encore moins à sa seule exploitation. Il doit viser le marché. C'est à des leaders paysans audacieux de se préoccuper du marché et de tracer la voie vers la culture des oléagineux.A eux de créer de mini-bassins de production et de fédérer les composantes d'une future interprofession. A partir d'un noyau de producteurs, il est possible de développer une politique d'essaimage d'autant plus que le matériel de culture des oléagineux est quasiment identique à celui des céréales. En association avec des agriculteurs privés ou des ingénieurs agronomes et techniciens des EAC, les élites rurales (diplômés sans emploi, fonctionnaires en reconversion, jeunes retraités, bénéficiaires de l'Ansej) peuvent mettre sur pied des huileries approvisionnées par des oléagineux produits localement. Avec les huileries approvisionnées en olives, les agriculteurs locaux disposent déjà d'un modèle de production d'huile. A eux d'imposer aux pouvoirs publics un rapport de force leur étant favorable. Rapport pouvant permettre par exemple, de disposer de postes budgétaires afin de recruter du personnel qualifié et de créer des cellules agronomiques de recherche-développement et d'appui technique aux producteurs. Une collaboration avec des partenaires étrangers tel Cetiom.fr permettrait la mise au point plus rapide de référentiels techniques. Quant à la coopération inter-maghrébine cela pourrait être l'occasion de bénéficier notamment de l'expérience marocaine en matière de variétés de colza.

Enfin, la consommation d'huile ayant tendance à augmenter, une éducation nutritionnelle devrait concerner les consommateurs.

La filière oléagineux en Algérie a besoin de visionnaires paysans, ruraux et agro-industriels… patriotes.

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