samedi 25 juillet 2015

MADR: LES MINISTRES PASSENT, LE FELLAH RESTE.

AGRICULTURE
LES MINISTRES PASSENT, LE FELLAH RESTE
djam.bel@voila.fr 24.07.2015
Par un communiqué de presse, il a été annoncé un changement ministériel. Ainsi le ministre de l'agriculture, Mr Nouri a été remplacé par le ministre de l'hydraulique. Il n'était en place que depuis quelques mois. Que restera-til de son passage boulevard Amirouche ? Que restera-t-il du passage de Mr Nouri et de ses prédécesseurs ? Ainsi, les « responsables » de l'agriculture, les uns après les autres, passent. Chacun avec sa politique propre, même si les grandes tendances sont pour le moment fixées dans le marbre, notamment la politique de renouveau agricole avec de fortes subventions au secteur agricole. De tout ce remue-ménage, qu'en tire le fellah ?

DES POLITIQUES CHANGEANTES
La conséquence de ces changements ministériels sont des alternoiements qui peuvent modifier le contexte agricole. Quelles conséquences pour les exploitations agricoles ? Comme politique spécifique d'un ministre, il y a eu le « club des 50 quintaux ». L'actuel possesseur du portefeuille axera son travail vers l'irrigation du fait de ses responsabilités antérieures. En l'absence d'une communication ministérielle, seuls les proches du ministère pourraient préciser les caractéristiques de chacun des occupants à ce poste.
Ces mouvbements laissent un quelque chose d'inachevé et un sentiment d'incertitude.
Mais au fait, quel est le poids réel d'un Ministère sur l'agriculture du pays ? Est-ce vraiment les ministres qui font évoluer la vie des exploitations agricoles ?
Dans le cas de l'intensification céréalière et de la production de lait, la fixation de prix rémunérateurs a certainement un effet sur le revenu des agriculteurs. Mais concernant les décisions techniques et l'amélioration des marges des exploitations agricoles, il nous semble que l'administration du boulevard Amirouche peut actuellement peu de choses.

Et cela n'est pas propre à l'Algérie. Au Maroc ou en Tunisie, les agriculteurs sont confrontés à la dure loi du marché. Aussi tempérons l'effet de ces changements ministériels sur l'avenir des exploitations.
Il nous semble que s'il y a changement profonds, le changement viendra plus de la baisse de la rente gazière.
POUR UNE REPRENSATION PAYSANNE

Ainsi donc, les exploitations agricoles peuvent être impacter par des changements brusques et majeurs (baisse des subventions publiques agricoles) et des changements tout aussi importants mais impliquant les exploitations sur le long terme (diffusion du progrès technique, organisation du marché, représentation des élus paysans).

Aussi, la solution pour les exploitations est de développer des associations agricoles représentatives capables de défendre leurs intérêts. La solution est également de construire des filières agricoles solides dont les représentants peuvent dialoguer avec les pouvoirs agricoles.

Actuellement le contexte est marqué par un soutien massif aux principales productions. Le blé dur est ainsi acheté par l'OAIC aux céréaliers 40% au dessus du prix mondial. Les éleveurs laitiers perçoivent un prix du lait qui permet de maintenir en équilibre maintes exploitations, notamment les élevages en hors-sol.
Cette politique s'accompagne de l'émergence d'un secteur agro-industriel privé avec parfois des capitaux étrangers.
L'agriculture algérienne actuelle est marquée par l'absence d'une représentation forte des paysans dans les organes de décision et l'absence de subsidiarité. En Algérie, les paysans n'ont pas voix au chapitre. Où sont les groupements de producteurs, les coopératives, les syndicats, les associations professionnelles représentatives ? Où sont les cadres paysans dans les organes agricoles ?
Certes, dans des organisations professionnelles agricoles commencent à émerger des cadres paysans. Il y aurait à écrire sur les luttes que mènent des responsables paysans dans la défense du bien public. Des sujets de mémoire d'études seraient à proposer afin de décrire la progressive émergence du monde paysan dans les organes de décision du terrain.

Mais quelles sont les responsabilités confiées à ces cadres ? Notamment, concernant l'attribution de budgets, le recrutement, le poids dans des commissions d'évaluation de projets d'investissements. Car, c'est là que se manifeste le pouvoir réel.
Certes, nous ne sommes pas naïf au point d'oublier les dysfonctionnements pouvant provenir de dirigeants paysans. Mais cela ne permet en aucune manière d'exclure des centres de décision le monde paysan. On ne peut développer le secteur agricole sans participation du monde paysan à la prise de décision.


LE REGNE DU DIRIGISME ADMINISTRATIF

L'agriculture algérienne est actuellement le règne d'un dirigisme administratif. Mais elle est aussi marquée par un fort libéralisme ou souvent le profit immédiat l'emporte sur toute autre considération1.

Une telle situation ne profite pas aux producteurs. Chacun peut le constater dans le domaine du maraichage, ou du marché de la viande, mais cela est également le cas dans le domaine laitier et céréalier. Or, il nous semble que cette situation n'est pas prise en considération par les occupants actuels du Boulevard Amirouche. Comment expliquer cette situation ?

Il nous semble que la non-association de cadres paysans aux décisions provient du manque de connaissances en développement agricole des cadres du MADR, de leur origine sociale ainsi que de leur statut de fonctionnaire d'Etat. Cela, bien sûr lorsqu'il ne s'agit pas d'un parti pris en faveur d'une option ultra-libérale. Examinons ces trois points.

Le développement agricole peut se faire en partie par une politique d'orientation graâce aux subventions et à la fiscalité. Mais, il existe un pilier fondamental, c'est celui de la participation des premiers concernés. Or, ces notions sont très peu enseignées dans le cursus universitaire. La plupart des cadres agricoles ne connaissent pas par exemple le modèle coopératif français poyurtant très proche culturellement.

Pour la plupart d'entre eux, les cadres du MADR sont issus des classes moyennes. Aussi, souvent sont-ils dans des attitudes paternalistes certes confortées parfois par des dysfonctionnement observés sur le terrain2. Par ailleurs, ils ont peu participé à des luttes sociales et de ce fait n'ont pas conscience des notions d'évolution de rapport de forces. Trop souvent, ils restent dans des attitudes figées.

Enfin, même en étant de bonne volonté, ces cadres sont influencés à leur insu par l'assurance de l'emploi et donc de leur revenu. De ce fait, ils ne peuvent correctement appréhender la notion de prise de risque continuelle dans laquelle évoluent journaliérement les exploitations agricoles.

UN POUVOIR ECONOMIQUE PAYSAN
Au lendemain d'un énième changement de ministre, le monde agricole se doit voir plus loin. La protection des marges des exploitations agricoles passe par plusieurs points : peser sur la politique des prix à la production, la commercialisation des produits agricoles et la transformation de ces produits.

Il s'agit ainsi pour le monde paysan d'acquérir un véritable pouvoir économique. Un tel poids passe par la mise sur pied de groupements de producteurs. Différentes formes existent : depuis la simple entente ponctuelle pour vendre la production de plusieurs exploitations, en passant par le Groupement d'Intérêt Economique (G.I.E) ou la coopérative3.

(à suivre)

1C'est le cas dans la filière tomate industrielle.
2El Watan note en ce mois de juillet 2015 que des agriculteurs ne touvant pas de pièces détachées de moissonneuse-batteuses en ont prélevé sur celle qu'il avait loué à la CCLS locale.
3Nous ne donnons pas au terme « ccopérative » le sens attribué couramment en Algérie mais plutôt le sens originel avec notamment le fait que les sociétaires acquièrent des parts sociales.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire