AGRICULTURE
LES
MINISTRES PASSENT, LE FELLAH RESTE
djam.bel@voila.fr
24.07.2015
Par un communiqué de presse, il a été annoncé un changement
ministériel. Ainsi le ministre de l'agriculture, Mr Nouri a été
remplacé par le ministre de l'hydraulique. Il n'était en place que
depuis quelques mois. Que restera-til de son passage boulevard
Amirouche ? Que restera-t-il du passage de Mr Nouri et de ses
prédécesseurs ? Ainsi, les « responsables » de
l'agriculture, les uns après les autres, passent. Chacun avec sa
politique propre, même si les grandes tendances sont pour le moment
fixées dans le marbre, notamment la politique de renouveau agricole
avec de fortes subventions au secteur agricole. De tout ce
remue-ménage, qu'en tire le fellah ?
DES
POLITIQUES CHANGEANTES
La
conséquence de ces changements ministériels sont des alternoiements
qui peuvent modifier le contexte agricole. Quelles conséquences pour
les exploitations agricoles ? Comme politique spécifique d'un
ministre, il y a eu le « club des 50 quintaux ». L'actuel
possesseur du portefeuille axera son travail vers l'irrigation du
fait de ses responsabilités antérieures. En l'absence d'une
communication ministérielle, seuls les proches du ministère
pourraient préciser les caractéristiques de chacun des occupants à
ce poste.
Ces
mouvbements laissent un quelque chose d'inachevé et un sentiment
d'incertitude.
Mais au fait, quel est le poids réel d'un Ministère sur l'agriculture du pays ? Est-ce vraiment les ministres qui font évoluer la vie des exploitations agricoles ?
Mais au fait, quel est le poids réel d'un Ministère sur l'agriculture du pays ? Est-ce vraiment les ministres qui font évoluer la vie des exploitations agricoles ?
Dans le
cas de l'intensification céréalière et de la production de lait,
la fixation de prix rémunérateurs a certainement un effet sur le
revenu des agriculteurs. Mais concernant les décisions techniques et
l'amélioration des marges des exploitations agricoles, il nous
semble que l'administration du boulevard Amirouche peut actuellement
peu de choses.
Et cela
n'est pas propre à l'Algérie. Au Maroc ou en Tunisie, les
agriculteurs sont confrontés à la dure loi du marché. Aussi
tempérons l'effet de ces changements ministériels sur l'avenir des
exploitations.
Il nous
semble que s'il y a changement profonds, le changement viendra plus
de la baisse de la rente gazière.
POUR UNE
REPRENSATION PAYSANNE
Ainsi
donc, les exploitations agricoles peuvent être impacter par des
changements brusques et majeurs (baisse des subventions publiques
agricoles) et des changements tout aussi importants mais impliquant
les exploitations sur le long terme (diffusion du progrès technique,
organisation du marché, représentation des élus paysans).
Aussi, la
solution pour les exploitations est de développer des associations
agricoles représentatives capables de défendre leurs intérêts. La
solution est également de construire des filières agricoles solides
dont les représentants peuvent dialoguer avec les pouvoirs
agricoles.
Actuellement
le contexte est marqué par un soutien massif aux principales
productions. Le blé dur est ainsi acheté par l'OAIC aux céréaliers
40% au dessus du prix mondial. Les éleveurs laitiers perçoivent un
prix du lait qui permet de maintenir en équilibre maintes
exploitations, notamment les élevages en hors-sol.
Cette
politique s'accompagne de l'émergence d'un secteur agro-industriel
privé avec parfois des capitaux étrangers.
L'agriculture
algérienne actuelle est marquée par l'absence d'une représentation
forte des paysans dans les organes de décision et l'absence de
subsidiarité. En Algérie, les paysans n'ont pas voix au chapitre.
Où sont les groupements de producteurs, les coopératives, les
syndicats, les associations professionnelles représentatives ?
Où sont les cadres paysans dans les organes agricoles ?
Certes,
dans des organisations professionnelles agricoles commencent à
émerger des cadres paysans. Il y aurait à écrire sur les luttes
que mènent des responsables paysans dans la défense du bien public.
Des sujets de mémoire d'études seraient à proposer afin de décrire
la progressive émergence du monde paysan dans les organes de
décision du terrain.
Mais
quelles sont les responsabilités confiées à ces cadres ?
Notamment, concernant l'attribution de budgets, le recrutement, le
poids dans des commissions d'évaluation de projets
d'investissements. Car, c'est là que se manifeste le pouvoir réel.
Certes,
nous ne sommes pas naïf au point d'oublier les dysfonctionnements
pouvant provenir de dirigeants paysans. Mais cela ne permet en aucune
manière d'exclure des centres de décision le monde paysan. On ne
peut développer le secteur agricole sans participation du monde
paysan à la prise de décision.
LE REGNE
DU DIRIGISME ADMINISTRATIF
L'agriculture
algérienne est actuellement le règne d'un dirigisme administratif.
Mais elle est aussi marquée par un fort libéralisme ou souvent le
profit immédiat l'emporte sur toute autre considération1.
Une telle
situation ne profite pas aux producteurs. Chacun peut le constater
dans le domaine du maraichage, ou du marché de la viande, mais cela
est également le cas dans le domaine laitier et céréalier. Or, il
nous semble que cette situation n'est pas prise en considération par
les occupants actuels du Boulevard Amirouche. Comment expliquer cette
situation ?
Il nous
semble que la non-association de cadres paysans aux décisions
provient du manque de connaissances en développement agricole des
cadres du MADR, de leur origine sociale ainsi que de leur statut de
fonctionnaire d'Etat. Cela, bien sûr lorsqu'il ne s'agit pas d'un
parti pris en faveur d'une option ultra-libérale. Examinons ces
trois points.
Le
développement agricole peut se faire en partie par une politique
d'orientation graâce aux subventions et à la fiscalité. Mais, il
existe un pilier fondamental, c'est celui de la participation des
premiers concernés. Or, ces notions sont très peu enseignées dans
le cursus universitaire. La plupart des cadres agricoles ne
connaissent pas par exemple le modèle coopératif français
poyurtant très proche culturellement.
Pour la
plupart d'entre eux, les cadres du MADR sont issus des classes
moyennes. Aussi, souvent sont-ils dans des attitudes paternalistes
certes confortées parfois par des dysfonctionnement observés sur le
terrain2.
Par ailleurs, ils ont peu participé à des luttes sociales et de ce
fait n'ont pas conscience des notions d'évolution de rapport de
forces. Trop souvent, ils restent dans des attitudes figées.
Enfin,
même en étant de bonne volonté, ces cadres sont influencés à
leur insu par l'assurance de l'emploi et donc de leur revenu. De ce
fait, ils ne peuvent correctement appréhender la notion de prise de
risque continuelle dans laquelle évoluent journaliérement les
exploitations agricoles.
UN
POUVOIR ECONOMIQUE PAYSAN
Au
lendemain d'un énième changement de ministre, le monde agricole se
doit voir plus loin. La protection des marges des exploitations
agricoles passe par plusieurs points : peser sur la politique
des prix à la production, la commercialisation des produits
agricoles et la transformation de ces produits.
Il s'agit
ainsi pour le monde paysan d'acquérir un véritable pouvoir
économique. Un tel poids passe par la mise sur pied de groupements
de producteurs. Différentes formes existent : depuis la simple
entente ponctuelle pour vendre la production de plusieurs
exploitations, en passant par le Groupement d'Intérêt Economique
(G.I.E) ou la coopérative3.
(à
suivre)
1C'est
le cas dans la filière tomate industrielle.
2El
Watan note en ce mois de juillet 2015 que des agriculteurs ne
touvant pas de pièces détachées de moissonneuse-batteuses en ont
prélevé sur celle qu'il avait loué à la CCLS locale.
3Nous
ne donnons pas au terme « ccopérative » le sens
attribué couramment en Algérie mais plutôt le sens originel avec
notamment le fait que les sociétaires acquièrent des parts
sociales.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire