LAIT
VERS UN SECOND SOUFFLE DU MODELE DZ?
Djam.bel@voila.fr 12.06.15
Nous ne sommes pas des
déclinistes à la Nicolas Baverez. Mais force est de constater que dans
sa version actuelle, le modèle laitier DZ s'essouffle.
C'est vrai que c'est un pari osé que d'essayer de copier les pays à
climat tempérés. C'est à dire vouloir offrir aux consommateurs d'un pays
semi-désertique telle l'Algérie, les mêmes produits
laitiers qu'en Europe.
Sur le site d'El-Watan, suite à un article consacré à la production de lait, un lecteur laisse ce commentaire désabusé: « Impensable
qu'en 2015,
l'Algérie qui veut produire du lait localement à partir des vaches à
lait, utilise encore de la PAILLE! Ce sous-produit de la céréaliculture,
utilisé en l'état, sans aucun préalable traitement, n'a
presque aucune valeur nutritive. Pour produire du lait Messieurs, faut
développer la production fourragère de bonne qualité (pâturages et
ensilages) en passant nécessairement par la mobilisation de
quantités importantes d'eau ».
MODELE LAITIER DZ, A BOUT DE SOUFFLE?
Dans plusieurs régions
d'Algérie, la colère gronde parmi les éleveurs laitiers. A Tizi-Ouzou
des éleveurs ont même organisé une manifestation publique
font la grève des livraisons de lait. Ils ont même distribué
gratuitement du lait cru aux passants.
Un éleveur témoigne: « Oh
que si, monsieur, ce sont les obstacles que je rencontre et que
rencontre de milliers d’éleveurs en Algerie. Ce sont
vraiment les obstacles limitant la productivité. Avant on payait
l'aliment à 2900 Da/q et la botte de foin d'avoine à 350 DA la botte. On
s'en sortait très bien. Et à cette période on a démarré par
une seule vache. Et au bout de 3ans on s'est retrouvé à 10 vaches et
aujourd'hui avec 30 têtes dont 16 vaches laitières. On y arrive
difficilement avec le prix du concentré à 3700Da et la botte de
foin à 900 Da en pleine saison ».
Dans des laiteries,
l'optimisme est à la baisse. Là, où la collecte était toujours
croissante, on note une stagnation des livraisons de lait par les
éleveurs. C'est le cas chez le groupe Soummam comme le note Samir Amar
Khodja dans les colonnes d'El-Watan ce jour: Le lait cru constitue
désormais 37% de sa production totale. Une croissance
remarquable, générale à toutes les laiteries mais qui est vouée à
disparaître, selon Seddik Saâdi, le dynamique responsable de la collecte
: «Nous sommes en phase de stagnation, nous sommes arrivés
au stade limite.» Aujourd’hui, Soummam possède une capacité de stockage
de 1 200 000 litres par jour mais n’en utilise que la moitié.
Certains collecteurs de
lait sont désabusés et arrêtent leur activité. Elle n'est plus rentable
au vu de la faiblesse actuelle du nombre de litres
collectés. En fait la filière est soutenue par les subventions
publiques. Or, l'augmentation récente des prix des fourrages renchérit
les coûts des éleveurs dont beaucoup sont en
« hors-sol ». Des éleveurs déclarent remarquer une hausse inhabituelle
des bottes de paille et de fourrage de vesce-avoine alors que nous
sommes en pleine saison. « Qu'en sera-t-il des
prix en hiver » se demandent certains. Même l'aliment concentré subit
ces augmentations. Face à cette situation, des éleveurs vendent des
vaches laitières ou arrêtent leur élevage.
LAIT DE SOJA ET DE RIZ A LA RESCOUSSE?
Les statistiques fiables
manquent, mais nombre de laiteries fonctionnent jusqu'à 70% au lait en
poudre. Poudre de lait importée et de plus en plus chère
pour les finances publiques en ces temps de baisse de la rente gazière.
La solution serait d'incorporer à cette poudre de lait une certaine
proportion de poudre de soja. Pour leur production de
yaourts ou autres déserts à base de lait ce serait autant de poudre de
lait qui pourrait être économisée. Idem concernant le lait. Les laits
végétaux à base de soja, avoine ou riz devraient être
incorporés au lait en poudre. Une réflexion en ce sens est
indispensable. Toutes les variantes de mélanges sont possibles. Bien
sûr, les étiquettes devraient mentionner la composition de ces nouveaux
produits.
Récemment la presse a
rapporté qu'une usine destinée à la production de lait de soja devrait
être implanté à Bechloul (Bouira) par le groupe industriel,
Soja Prod International. De tels projets pourraient permettre de
soulager la demande en lait et les finances de l'Etat.
LES FOURRAGES A LA RESCOUSSE
Le problème principal de
nombreux élevages est de ne pas disposer de fourrages produit sur
l'exploitation. Et pour cause, de nombreux éleveurs sont des
ruraux sans terre qui ont installé des ateliers dans de simples garages.
Ils sont pris à la gorge par la hausse des prix.
Or, le marché des
fourrages fait l'objet d'une forte spéculation. Chacun tentant de
récupérer la manne injectée par les pouvoirs publics au niveau des
éleveurs. La solution à cette crise passe par l'augmentation de la
production de fourrages. Les services agricoles misent sur le
développement de l'irrigation. De nombreux élevages y ont recours et
arrivent à améliorer leur autonomie fourragère. Ainsi, la culture de la
luzerne connait un bel engouement. Que ce soit pour leurs bêtes ou pour
vendre quand les prix sont au plus haut, nombre
d'agriculteurs produisent ce fourrage si recherché.
Mais les augmentations de
fourrages ne suffisent pas tant est encore forte la demande. La solution
passe par l'amélioration de la production au niveau
des superficies en sec. Or, à part demander aux agriculteurs de mettre
des engrais, améliorer la disponibilité en semences fourragère et moyens
de récolte, les services agricoles ne savent pas faire.
Les semences restent chères comme en témoigne un agriculteur de la
région de Tizi-Ouzou: « avoine à 12000 da/q, luzerne à 1000 da/kg ou trèfle à 600 da/kg ».
LA LUZERNE, UN FOURRAGE PROMETTEUR
Mais pour travailler ces
terres, il s'agit de disposer du matériels nécessaire. Pour un petit
fellah, éloigner d'une CCLS, trouver le propriétaire qui
voudra bien venir faucher sa parcelle de luzerne et la récolter, c'est
pratiquement mission impossible. La luzerne est un fourrage riche en
azote et très apprécié des vaches laitières.
Un petit agriculteur de
Laghouat témoigne sur les réseaux sociaux: « qui va convaincre le gars
du tracteur pour venir me couper ma luzerne ? Il
refuse de travailler fi chahr ramdhan , je le comprends d'ailleurs . A
150 DA la botte, je doit presque le supplier, fermer les yeux sur les
dégâts et attendre 7 à 10 jours après un RDV. La
galère... Mais bon, on fait avec ». Et d'ajouter: « Je dépend du
gars du tracteur, de son humeur et son carnet de RDV. Pour les
amendements je me suis lassé à chercher du super
phosphate soluble alors je me suis tourné vers le fumier. Mais bon comme
les livraisons sont lentes et la luzerne repousse vite j'ai fait qu'une
petite partie c'est tout ».
La production de luzerne
est particulièrement intéressante lorsque l'agriculteur dispose des
moyens pour irriguer. Il peut réaliser plusieurs coupes en
pleine saison. L'opération est très rentable. Le même agriculteur
témoigne: « le premier (acheteur) m'avais offert 300 DA je lui ai dit je préfère t'attendre au tournant de
l'hiver ». Un interlocuteur lui conseille surtout de ne pas vendre ses premières récoltes en juin: « vue la cote du foin de luzerne en hiver surtout qui frôlera cette année encore
les 2000 DA/ botte ». Et d'argumenter: « rendu au nord (vers les
bassins laitier) même la paille a été cédé à 800 DA/BOTTE, attention aux
profiteurs, ils proposent dans ta région 4OO
DA/BOTTE, tu les vendra mieux ». Et d'encourager ce producteur de
luzerne: « je sais, c'est dur. Je connais quelqu'un qui a vendu sa
maison pour acquérir le machinisme nécessaire et une
machine pour la fabrication de bouchons de luzerne qui vaut 650
Millions. Maintenant il est travail normalement et il a des commandes
fermes sur sa production il a bien réussi ».
GRACE AU SEMIS-DIRECT, VALORISER LES SURFACES EN JACHERE
Pourtant les potentialités
existent. Dans la région de Constantine, grâce à la technique de
l'enrubannage, la laiterie Soummam a aidé des éleveurs
partenaires à récolter 500 ha de fourrages. Les potentialités résident
dans les surfaces encore en jachère. Sur ces surfaces non irriguées, il
s'agit de trouver un moyen adapté à l'arido-culture de
fourrages. Ce moyen existe sous la forme du non-labour avec semis
direct. Mais cette nouvelle technique reste encore méconnue par les
services agricoles. Pourtant, elle réduit les coûts et permet aux
plantes de résister en cas de sécheresse printanière. La rapidité de
cette technique pourrait permettre de cultiver des protéagineux tels la
féverole ou le pois fourrager dans les terres les moins
séchantes.
Les réserves de
productivité pourraient venir de l'introduction dans les calendriers
fourragers de plantes telles le colza fourrager ou la betterave
fourragère pratiquement inconnues.
Enfin, les résultats de la
recherche agronomique locale sont à valoriser. C'est le cas avec les
productions de l'ex-Institut Agronomique d'El-Harrach
(ENSA). Des travaux prometteurs sur l'utilisation de l'urée avec les
fourrages grossiers ou la confection de blocs-multi-nutritionnels
restent inexploités.
En Algérie, la démarche a
consisté à importer les vaches laitières puis seulement après se
préoccuper de produire des fourrages. Actuellement,
l'essentiel des aliments concentrés repose sur la production locale
d'orge ainsi que l'importation de soja et de maïs. Mais concernant les
fourrages grossiers, les agriculteurs locaux sont dans un
processus d'apprentissage afin d'en produire en quantité et en qualité.
En auront-ils le temps?
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