OLEAGINEUX
ALGERIE,
DERNIER DE LA CLASSE AU MAGHREB.
Djam.bel@voila.fr
4.07.2015
L'huile
consommée en Algérie provient non pas de graines de colza ou de
tournesol triturées localement. Une étude du marché locale montre
que nous consommons esentiellement de l'huile de soja. Cette huile
est importée principalement d'Ukraine à l'état brut. Puis elle est
raffinée localement. Une telle situation nous met bon dernier au
Maghreb. En effet, Maroc et Tunisie triturent localement déjà des
oléagineux. Sommes nous condamnés à rester dernier de la classe ?
Et si le développement de la production d'oléagineux était
l'occasion de laisser plus de place au monde paysan ? XXXXX
UNE
SITUATION DESASTREUSE
Les
importations de graines oléagineuses, huiles végétales brutes et
tourteaux sont de l'ordre de 1,4 milliards de dollars en 2011. Les
huiles brutes occupent 61% de cette valeur et les tourteaux 36%.
Après les céréales (4,4 md $) et le lait en poudre (1,5 md
$), il s'agit là du troisième poste d'importation de produits
alimentaires. Cette situation est désastreuse en matière de
finances publiques.
Elle
est désastreuse également en matière d'aliments du bétail. Une
trituration locale de graines importées permettrait une production
de tourteaux. Rappelons que les tourteaux sont très utilisés en
alimentation du bétail. Mieux, il s'agirait de tourteaux frais, non
oxydés, et donc de meilleure qualité.
Différentes
études marocaines montrent qu'en matière d'aliment volaille, pour
remplacer en partie le maïs importé par de l'orge, il est
primordial d'augmenter les doses de tourteaux d'oléagineux.
Par
ailleurs, habituer les agriculteurs locaux à produire du colza,
c'est aussi les initier à la possibilité de semer du colza
fourrager. Il s'agit là d'un fourrage à pâturer à forte
croissance. Il est possible de le semer dès le mois d'août avec, au
début, une irrigation d'appoint.
Rajoutons
que les tourteaux de soja sont utilisables en alimentation humaine.
Ils sont très consommés en Asie. En France, ils sont présents à
raison de 15% dans certaines marques de steaks hachés.
Enfin,
cette situation est désastreuse du point de vue agronomique. Dans
les rotations actuelles, les céréales à paille reviennent trop
souvent. Cela est à l'origine de problèmes de désherbage, de
maladies ou de ravageurs. Le colza ou le tournesol permettraient de
rallonger les rotations. Afin de faire progresser les rendements
céréaliers, les agriculteurs algériens ont un besoin pressant de
diversification de leur système de culture.
Au
Maroc et en Tunisie, les situations sont différentes. Colza et
tournesol sont beaucoup plus présents qu'en Algérie.
DES
OLEAGINEUX MADE IN DZ
Pour
répondre à une consommation de 12 kg/tête, l'Algérie dispose
d'une industrie du raffinage conséquente. On compte pas moins de 5
opérateurs : Cevital (50 à 60% du marché), Afia International
Algeria (20%), Groupe La belle (15%), Prolipos (6%) et Safia.
Afin
de réduire les importations d'oléagineux, une stratégie des
pouvoirs publics pourrait être d'obliger ces industriels à
s'approvisionner en partie en oléagineux produit localement. Le
groupe Cevital a même déposé auprès des pouvoirs publics une
demande en ce sens. Ce projet comprend la construction d'une usine de
trituration de graines oléagineuses d'une capacité de 3,3 millions
de tonnes par an. Le volet agricole de ce projet prévoit la
production locale de graines oléagineuses et de tourteaux. Ce projet
serait en stand-by.
La
société SIM a prévu de développer la production d'aliments de
bétail avec un partenaire français Sanders. Comme la production
d'aliments de bétail requiert l'emploi de tourteaux, cette société
aurait intérêt à contribuer au développeemnt d'oléagineux dans
son bassin d'approvisionnement : la région Centre.
Par
ailleurs, comme pour l'industrie des oléagineux, les pouvoirs
publics devraient imposer à tout producteur d'aliments de bétail de
s'approvisionner, au moins partiellement, en matière premières
locales.
PRODUCTION
D'OLEAGINEUX : MODE D'EMPLOI
Colza : une culture
d'hiver, mais tournesol, une culture de printemps.
Ces
denières années les progrès techniques en matière d'oléagineux
sont nombreux.
Le
colza présente le net avantage de se semer à l'automne et de se
récolter en même temps que l'orge. Son cycle de culture est court
et se correspond à la période la plus arrosée par les pluies. Le
colza valorise cependant bien une irrigation d'appoint.
Traditionnellement, le semis se fait fin septembre. L'idéal est donc
d'utiliser la technique du semis direct afin de valoriser les
premières pluies automnales. C'est une culture qui attire un grand
nombre d'insectes ravageurs.
A
l'étranger la cultures du colza enregistre des progrès constant.
C'est le cas avec des nouvelles variétés plus résistantes à
l'égrenage, valorisant mieux l'azote ou résistantes aux herbicides
(technologie Clearfield).
Le
gros problème de la culture de tournesol vient de ce qu'il est semé
au printemps. Son cycle se déroule donc en été. Il s'agit donc de
choisir des sols profonds à bonne réserve hydrique. Une autre
solution est de le semer sans labour par semis direct. Cette
technique préserve l'humidité du sol en évitant une trop grande
évaporation.
En
matière de désherbage, cette date de semis présente un avantage.
Elle permet l'élimination des plantes adventices difficiles à
détruire dans une culture de blé. L'écart entre rangs de tournesol
est plus important qu'en culture de blé. Il permet donc un binage
mécanique. Des avancées techniques actuelles portent sur le semis
sous couvert, des variétés plus résistantes aux maladies ainsi que
sur le développement de la technique Clearfield.
La
réussite de ces deux cultures nécessitent l'établissement de
références techniques adaptées auix différentes zones de culture.
Outre des essais en micro-parcelles en station ou en parcelles
agriculteur, la solution peut consister à réaliser des enquêtes
cultures. Après la récolte, il s'agit d'enregistrer l'itinéraire
technique des parcelles agriculteurs afin de déterminer ce qui, lors
d'une campagne agricole, concourt aux meilleurs rendements.
Une
telle approche nécessite un encadrement de terrain performant.
Contrairement avec ce qui se fait dans la filière céréales, la
recherche-développement pourrait se faire par un organisme co-géré
par l'interprofession. Ainsi, au lieu du recrutement d'ingénieurs et
de techniciens par un organisme public, ce serait les élus paysans
et agro-industriels qui s'en chargeraient.
CONTRACTUALISATION
OU PRODUCTION D'HUILE A LA FERME
Les
grands groupes agro-industriels de transformation sont les
partenaires naturels des agriculteurs. Ces industriels ont besoin de
matières premières. Une politique de contractualisation pourrait
leur assurer une source d'approvisionnement en quantité et qualité.
Cela se fait déjà concernant la tomate industrielle. La
contractualisation garantit le rachat de la production de
l'agriculteur par le transformateur. Selon les types de contrat sont
garantis également un appui technique, la fourniture de semences
certifiées ainsi que différents intrants.
Indépendemment
de l'agro-industrie, les agriculteurs peuvent mettre sur pied des
structures coopératives afin de maîtriser la production
d'oléagineux et leur transformation. Cela existe par exemple en
France. Ainsi, Sanders, le partenaire de SIM, appartient à un grand
groupe coopératif français. Certes, au vu de la situation de la
paysannerie algérienne de tels projets peuvent paraître très
ambitieux. On le voit avec la filière lait où les agro-industriels
sont majoritairement privés ou étatique, à l'exception de la
Coopsel de Sétif. On peut imaginer que dans des régions fertiles,
de grandes et moyennes exploitations privées et des fermes pilote du
secteur public développent une production de colza ou de tournesol
ainsi qu'une activité de trituration. A plus petite échelle, de
telles initiatives pourraient également être prises
individuellement par des exploitations agricoles. Il existe sur le
marché local des presses à huile. Elles peuvent convenir à une
pression à froid des graines oléagineuses.
AGRICULTEURS
DZ, CAPTER UN MARCHE DE 1,4 Md $.
Face
à l'absence de stratégie cohérente des pouvoirs publics,
c'est
aux agriculteurs et investisseurs de développer des ateliers de
trituration.
Une
analyse de la filière huile en Algérie montre l'absence de toute
stratégie cohérente de la part des pouvoirs publics. Cette
incohérence se traduit par une hémorragie en devises ainsi qu'un
manque dans la création induite d'activités et d'emplois en amont
et en aval de la filière. A ce titre, on peut dire que les tenants
de la ligne du « tout importation » ont une lourde
responsabilité dans le marasme actuel de la filière. Des mesures
simples telle l'obligation d'une trituration locale complétée d'une
obligation d'approvisionnement partiel en graines produites
localement auraient pu permettre un début d'intégration nationale.
L'argument
selon lequel il s'agit de hiérarchiser les priorités ne tient pas.
On ne peut prétendre réussir l'intensification céréalière et
ensuite développer les oléagineux. Les deux doivent progresser
ensemble car agronomiquement, ils sont complémentaires. C'est le cas
lorsqu'on considère les rotations culturales ou l'alimentation
animale.
A
ce propos, il est regrettable que le projet proposé par Cevital
n'ait reçu aucun écho de la part des autorités.
L'absence
de stratégie actuelle fait que les agriculteurs n'ont rien à
attendre des pouvoir publics. Les oléagineux sont des productions de
grandes cultures. Il revient tout naturellement aux céréaliers d'en
avoir la charge. Déjà 20 000 ha sont plantés en colza. Ils ont
permis en 2012 la production de 50 000 t. A eux de s'emparer de ce
dossier et d'un juteux marché de 1,4 Md $. Depuis 2011, le prix
plafond de l'huile est de 120 DA/l. En cas de réduction des marges
suite, par exemple à une hausse des cours mondiaux de l'huile brute,
un mécanisme de compensation étatique indémnise les industriels.
Pourquoi les paysans producteurs d'oléagineux développant une
activité de trituration à la ferme ne pourraient-ils pas profiter
d'un tel mécanisme ? Ce serait là un puissant encouragement au
développement des oléagineux.
Les
récents progrès techniques en matière d'itinéraires techniques
(semis direct, désherbage, irrigation d'appoint) permettent des
marges rémunératrices. Surtout en comptant avec des circuits courts
de commercialisation excluant les intermédiaires et en comptant avec
la valorisation des sous-produits tel les tourteaux.
DES
ATELIERS DE TRITURATION PAYSANS
Aux
côtés de groupes agro-industriels, il y a de la place
pour
des ateliers ruraux de trituration des oléagineux.
S'ils
ne le font pas, d'autres le feront à leur place comme Danone dans le
cas de la filière lait. Déjà, par rachat d'entreprises locales le
groupe Sofiprotéol/Lesieur-Cristal est présent au Maroc. Il compte
relancer la production locale d'oléagineux et développe déjà avec
succès une huile associant soja, colza et tournesol. En Algérie, la
marque d'huile Afia appartient à une filiale du groupe saoudien
Savola. Certes, une société telle Lesieur-Cristal dispose d'un
savoir faire technique certain. Cependant, les profits générés
profitent avant tout aux actionnaires. L'idéal serait des
partenariats plus équilibrés de type win-win.
L'agriculteur
ne doit pas se contenter d'une courte vue. Son horizon ne doit pas
être limité à la parcelle et encore moins à sa seule
exploitation. Il doit viser le marché. C'est à des leaders paysans
audacieux de se préoccuper du marché et de tracer la voie vers la
culture des oléagineux.A eux de créer de mini-bassins de production
et de fédérer les composantes d'une future interprofession. A
partir d'un noyau de producteurs, il est possible de développer une
politique d'essaimage d'autant plus que le matériel de culture des
oléagineux est quasiment identique à celui des céréales. En
association avec des agriculteurs privés ou des ingénieurs
agronomes et techniciens des EAC, les élites rurales (diplômés
sans emploi, fonctionnaires en reconversion, jeunes retraités,
bénéficiaires de l'Ansej) peuvent mettre sur pied des huileries
approvisionnées par des oléagineux produits localement. Avec les
huileries approvisionnées en olives, les agriculteurs locaux
disposent déjà d'un modèle de production d'huile. A eux d'imposer
aux pouvoirs publics un rapport de force leur étant favorable.
Rapport pouvant permettre par exemple, de disposer de postes
budgétaires afin de recruter du personnel qualifié et de créer des
cellules agronomiques de recherche-développement et d'appui
technique aux producteurs. Une collaboration avec des partenaires
étrangers tel Cetiom.fr permettrait la mise au point plus rapide de
référentiels techniques. Quant à la coopération inter-maghrébine
cela pourrait être l'occasion de bénéficier notamment de
l'expérience marocaine en matière de variétés de colza.
Enfin,
la consommation d'huile ayant tendance à augmenter, une éducation
nutritionnelle devrait concerner les consommateurs.
La
filière oléagineux en Algérie a besoin de visionnaires paysans,
ruraux et agro-industriels… patriotes.
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