PAIN
SUBVENTION
DU PAIN EN EGYPTE : UNE REVOLUTION TRANQUILE.
djam.bel@voila.fr
14.06.15
En
Egypte, depuis août 2014, le prix de la farine est libre. Cela s'est
traduit par une augmentation du prix du pain. Pourtant nulle trace de
révolte populaire. Comme expliquer qu'une telle réforme passe sans
faire de vagues dans un pays où, comme en Algérie, le pain
constitue un aliment de base ? Et si une telle réforme pouvait
s'appliquer chez nous ?
LE
MIRACLE DE LA CARTE A PUCE
Cette
libéralisation du prix du prix de la farine s'est accompagnée de
l'attribution d'une carte à puce aux familles à revenu modeste.
Elle est délivrée en fonction de critères sociaux et permet de
délivrer à chaque membre d'une famille 5 pains par jour.
Auparavant
les pouvoirs publics subventionnaient directement la farine. Depuis
1980, les boulangers étaient tenus de vendre le pain à 5 piastres
(moins d'un centime d'euros) avec un maximum de 20 pains par
personne. Il s'agit de pains de 130 grammes de forme circulaire, des
galettes. Devant les boulangeries, les files d'attente étaient
interminables. Les trafics étaient nombreux. Certains boulangers
revendaient la farine sur le marché informel.
Mais depuis cette décision, plus de files d'attente devant les boulangeries. Chacun semble satisfait. Les ménages modestes arrivent à se procurer du pain au prix modique de 5 piastres contre 30 pour les consommateurs ne possédant pas le fameux sésame ou désirant acheter plus de 5 pains par personne.
Mais depuis cette décision, plus de files d'attente devant les boulangeries. Chacun semble satisfait. Les ménages modestes arrivent à se procurer du pain au prix modique de 5 piastres contre 30 pour les consommateurs ne possédant pas le fameux sésame ou désirant acheter plus de 5 pains par personne.
« Avant
la mise en œuvre du système, certaines familles envoyaient
plusieurs de leurs membres pour acheter pour une livre, des galettes
de pain (plafond fixé par personne). Aujourd'hui, chaque membre de
la famille peut se procurer en une seule fois la part de la famille
pour trois jours », explique Ahmad Kamal, propriétaire
d'une boulangerie dans le quartier d'Al-Khalifa au Caire (1).
Pour
chaque pain vendu à 5 piastres, le Ministère de l'Approvisionnement
en reverse 25 au boulanger afin de couvrir le coût de production.
Les boulangers peuvent dorénavant acheter la farine au prix du
marché. Il y a une libéralisation du prix de la farine. Les
quantités de farine pouvant être achetées par les boulangers ne
sont plus rationnées. Chaque boulangerie est par ailleurs dotée de
2 lecteurs de carte à puce de marque SMART.
UNE
REFORME MUREMENT REFLECHIE
Ce
projet a été longuement réfléchi par les autorités égyptiennes.
Il avait été imaginé dès 2003. Et le président Mohamed Morsi
avait même annoncé sa future mise en place avec seulement 3
galettes à prix subventionné par personne. Il faut dire que les
dernières tentatives d'augmentation du prix du pain s'étaient
soldées par des émeutes. En 1977, le président Sadate avait été
obligé d'annuler une augmentation du prix du pain suite à de
violentes émeutes. Et en 2011, lors de la révolution qui a entrainé
la chute de Hosni Moubarak, les manifestants scandaient « Pain,
liberté, justice sociale ». C'est dire si le sujet est
sensible. L'utilisation de cartes à puces a d'abord était testée
dans les villes de Port-Saïd et d'Ismaïlia dès janvier 2013 avant
d'être élargie aux autres provinces.
Maintenant
que les derniers gouvernorats ont été concernés par la réforme,
c'est 69 millions d'Egyptiens sur 86, soit 80% de la population, qui
utilisent cette carte à puce. Résultats, dans les premières villes
où la réforme a été lancée, les suventions ont été réduites
de 30%. Quant au sac de farine de 50 kilo, il est passé de 16 livres
Egyptiennes à 155 (1).
La
majorité des consommateurs sont satisfait et ne tarissent pas
d'éloges quant à cette réforme décidée par Sissi.
«Cela
marche maintenant. Que Dieu bénisse Sissi » lance à l'envoyée
spéciale du journal Le Monde (2) Zeinab une vielle dame en sortant
d'une boulangerie du quartier pauvre d'Imbaba au Caire.
« ON
NE SUBVENTIONNE PLUS LE PRODUIT, MAIS LES PERSONNES »
Cependant, il existe encore
quelques dysfonctionnements. Al-Ahram relate « Nous sommes
quatre dans la famille alors que trois seulement figurent sur la
carte de subvention, ma fille de 8 ans n'est pas inscrite »
explique Rawya mère au foyer. Mahmoud Sayed, responsable d'une
famille de six personnes, réclame au moins 8 galettes par jour pour
manger à sa faim. « Doit-on prendre le petit-déjeuner , le
déjeuner ou le dîner ? » se demande-t-il
ironniquement. En outre, le programme n'a pas prévu qu'un lot de 5
000 galettes par mois au prix subventionné et par boulangerie pour
les personnes ne possèdant pas encore de carte. Mais la demande est
supérieure à ce quota. Et des migrants tels ces ouvriers
journaliers d'un autre gouvernerat venus travailler au Caire sont
obligés d'acheter le pain au prix fort. « Les plus riches
peuvent s'en sortir. Ils mangent de tout mais les familles nombreuses
et les pauvres ne le pourront pas » lance Oum Shahd au
journaliste d' Al-Ahram.
Pour
Mahmoud Diab, porte-parole du Ministère égyptien de
l'Approvisionnelment : « on ne subventionne plus le
produit, mais les personnes ». Une maxime que les décideurs
Algériens devraient considérer. L'étude du cas égyptien est à
étudier. Rappelons que la dotation de cartes à puce a concerné 69
millions d'Egyptien. Il s'agit là d'un bel exploit.
Par
ailleurs, le montant des subventions économisé pourrait être
affecté à la production. On peut imaginer ainsi une augmentation
des prix à la production ou des subventions pour l'emploi de
techniques plus modernes (irrigation d'appoint, semis-direct).
NOTES :
(1)
« Pain : la rationalisation mal comprise ». Al-Ahram
Hebdo en ligne. Marwa Hussein. 16.07.2014.
(2)
« En Egypte, la révolution silencieuse du pain ». Le
Monde Economie. Moina Fauchier-Delavigne. 14.04.2015
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