mercredi 3 février 2016

ALGERIE : ENFIN DE LA MELASSE POUR VEAUX VACHES ET MOUTONS.

ALGERIE : ENFIN DE LA MELASSE POUR VEAUX VACHES ET MOUTONS.
Djamel BELAID 2.02.2016  djamel.belaid@ac-amiens.fr

Enfin, de la mélasse disponible en grande quantité sur le marché algérien. On le doit à la raffinerie de sucre d'Ouled-Moussa. Cette usine d'une capacité de 150 000 T/an est issue du partenariat LaBelle et du groupe coopératif français Cristal Union. L'entrée en production date de début décembre 2015. Veaux, vaches et moutons vont pouvoir profiter de la mélasse, un sous-produit issu du raffinage du sucre roux importé du Brésil.

LA MELASSE, UNE SOURCE D'ENERGIE POUR LES RUMINANTS
Le cheptel local souffre d'une terrible carence en aliments concentrés et en fourrages. Cette situation oblige à des importations annuelles de 1,4 milliards1 de tourteaux de soja et de maïs.
Face à l'insuffisance de la production locale, il est possible de proposer aux éleveurs de ruminants des blocs multinutritionnels (BMN). Des chercheurs de l'ENSA d'El-Harrach ont développé dès 1998 ce type de produits avec l'aide du Pr Tisserand2.

Le principe est de fabriquer à l'aide d'une bétonnière et d'une machine à parpaing des blocs de son ou de paille broyée enrichie de sous produits de l'industrie agro-alimentaire et d'urée. A cela peuvent être rajoutés sel de cuisine et un liant (ciment ou chaux éteinte). Le principe de fabrication est simple et est largement vulgarisé sur internet, notamment par les services élevage de la FAO. Il suffit de taper « Blocs multinutritionnels + mélasse » sur google pour trouver e nombreuses références.
Des chercheurs algériens ont même testé des BMN à partir de rebuts de dattes et de palmes de palmiers dattiers broyées.

Photo:  Le silo bulle de la raffinerie d’Ouled Moussa
http://www.cristal-union.fr/wp-content/uploads/2015/12/silo-21.jpg
LA MELASSE CONVOITEE PAR DE NOMBREUX INDUSTRIELS.
La production locale de mélasse a démarré avant l'indépendance avec la construction de la première raffinerie de betteraves à sucre. Dans les années 80 avec l'essor du raffinage de sucre roux de canne à sucre cette production a augmenté. En effet, la mélasse représente en moyenne 2% des quantité de sucre roux raffiné. Cependant, ce sous produit de l'industrie sucrière est très convoité. Il entre en effet dans la production de levure de bière et d'alcool chirurgical. Rappelons que la levure de bière est indispensable à la fabrication du pain. On lira avec intérêt l'excellent article de Naima Benouaret dans El-Watan économie3 consacré à la production locale de mélasse mais également à son importation.

On peut espérer que l'ouverture du complexe D'Ouled-Moussa réduira les tensions sur le marché de la mélasse et permettra son utilisation en l'élevage.

AVEC CRISTAL-UNION, RELANCER LA PRODUCTION DE BETTERAVE A SUCRE DZ ?
Le partenaire français de LaBelle n'est pas un inconnu en France. C'est même l'un des numéro un de la production de sucre de betterave. Il s'agit d'un grand groupe coopératif qui rassemble la fine fleur des betteraviers français.
Sans le savoir, le gouvernement dispose là d'un atout considérable : un partenaire sachant produire de la betterave. Les détracteurs du made in Algeria ont de tout temps affirmé que la production de betterave n'est pas rentable en Algérie. Le succès de la filière betteravière au Maroc démontre le contraire.
Bien que l'accord de Cristal Union soit établi avec un partenaire DZ privé, les pouvoirs publics pourraient exiger – moyennant intéressement financier - une politique de contractualisation permettant de produire localement de la betterave. Certes, une telle orientation nécessite la construction d'usines de traitement des racines de betterave. L'investissement initial n'est pas négligeable, mais au vu du niveau des importations de sucre roux, le jeu en vaut la chandelle.
Les producteurs de tomate industrielle ont montré leur capacité à industrialiser un produit frais et périssable comme la tomate. De même que les producteurs de pomme de terre arrivent progressivement à l'autosuffisance nationale. Ne faudrait-il pas proposer à ces producteurs, dans certains bassins de production, de produire de la betterave à sucre ? Les ingénieurs et les agriculteurs marocains maitrisent cette production. Cristal Union possède donc les références techniques pour cette culture dans les conditions du Maghreb. Par ailleurs, il faut noter, que les progrès agronomiques permettent de simplifier l'itinéraire technique de cette culture. La génétique permet des variétés précoces et mono-germe ce qui évite dorénavant l'ancien démariage manuel. Le désherbage chimique permet la maîtrise des mauvaises herbes. Quant à la récolte elle est aujourd'hui totalement mécanisable.

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Francois PROMPSY  vice-président de Cristal-Union et agriculteur (FERME DE LA PROVIDENCE 10150 VOUE - TROYES.

INTERROGATIONS
On peut se demander quel intérêt à Cristal Union à raffiner en Algérie du sucre roux venant du Brésil alors que les sociétaires de cette coopérative produisent du sucre de betterave. Etonnant...
On peut se demander si ce n'est pas un pari risqué pour l'Algérie de tout miser sur le raffinage du sucre roux de canne à sucre brésilien. Et si les Brésiliens se réveillaient un jour et décidaient de raffiner eux même leur sucre roux et de n'exporter que du sucre blanc. Ce serait plus rentable pour leur porte-monnaie. En la matière, il existe un précédent. C'est le cas du tournesol argentin. Les Argentins, ces voisins du Brésil... Ils produisent du tournesol en grande quantité et exportent des tourteaux vers l'Europe. Mais il y a quelques années, afin de gagner plus d'argent, ils ont décidé de décortiquer les graines de tournesol avant de le triturer. Conséquence, un tourteau "high pro" (haute valeur protéine) qui leur rapporte plus. 
raison pour laquelle ces messieurs de Cevital et de LaBelle auraient tout à gagner à progressivement à faire du sucre made in Algeria. Le ministre présent à l'inauguration de l'usine de Ouled-Moussa pourrait alors s'extasier à juste titre et non pas affirmer comme il l'a fait à cette occasion que l'Algérie avait dorénavant obtenu son indépendance sucrière. Comme si la sous-traitance pouvait permettre l'indépendance économique...  

1Ce chiffre comporte également les aliments destinés aux volailles.
2 Mohamed Houmani, Jean-Louis Tisserand. Complémentation d'une paille de blé avec des blocs multinutritionnels : effets sur la digestibilité de la paille et intérêt pour des brebis taries et des agneaux en croissance. Annales de zootechnie, 1999, 48 (3), pp.199-209. <hal-00889794> HAL Id: hal-00889794 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00889794
3 Complexe des levures de Boucheguouf (Guelma) : Un colosse devenu l’ombre de lui-même. El Watan Economie 22/12/2014 Naima Benouaret 


 

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