NICOLAS
BAVEREZ : L'ALGERIE EN SURSIS, DEUX
ANS POUR SE REFORMER
Djamel
BELAID djamel.belaid@ac-amiens.fr 15.02.2016
Selon l'économiste Nicolas
Baverez, suite à la chute des prix du pétrole, l'Algérie est en
sursis. Elle n'a que deux ans pour se réformer. Cela est peu et face
au risque de déstabilisation du Maghreb, l'Europe ne peut se
désintéresser du sort de ce pays. L'essayiste français réputé
pour ses positions ultra-libérales et qui s'exprime dans les
colonnes du Figaro de ce jour indique que les seules solutions sont
des réformes économiques encore plus libérales. Que faire en
agriculture afin de relever le défi ?
DU PAIN ET DES LEGUMES
L'essayiste s'inquiète des
importations alimentaires et du sous emploi des jeunes Algériens. En
matière d'importations alimentaires, il est vrai que ces dernières
années, tout et n'importe quoi a pu être importé. Différents
exportateurs étrangers dont les turcs ont pu exporter à foison vers
le marché algérien. Les mesures actuelles prises par les pouvoirs
publics peuvent permettre de réduire ces importations et ainsi
encourager la production locale.
Un des postes qui grève les
finances publiques concerne l'importation des céréales. Même si
les Algériens sont de gros consommateurs de pain, il faut tenir
compte de la contrebande vers les pays limitrophes. Pour réduire ces
importations, mais également pour des raisons de santé, il est
évident qu'il s'agit de donner plus de place aux légumes et
réformer le soutien du prix du pain aux ménages à faible revenu en
introduisant la carte à puce comme l'ont fait les Egyptiens..
Or, si l'Algérie peine à
produire des céréales, son agriculture sait produire des légumes.
Que ce soit au Nord ou dans le Sud, les paysans locaux ont fait des
progrès conséquents. Vue d'avion, la région de Biskra ressemble
aux régions d'Espagne spécialisées dans la culture sous serre.
La question est donc de rendre
ces produits encore plus disponibles mais aussi d'augmenter leur
présence dans les rations quotidiennes. L'industrie agro-alimentaire
peut y remédier en proposant différentes formes de
conditionnements. La forme TetraPack permet notamment la
commercialisation de soupes de légumes. Des accords devraient être
passés avec des firmes telles Bonduelle afin d'installer des usines
de transformation au niveau des bassins de production légumiers.
Cela permettrait également de réguler l'offre. Celle-ci est
parfois pléthorique à certaines périodes de l'année. Cela vaut
également pour la pomme de terre dont la consommation fait
aujourd'hui jeu égale avec les céréales.
Concernant, les besoins en
protéines, les apports alimentaires peuvent être couverts par des
légumes secs et par la production de plus de fourrages à travers
les produits laitiers. D'énormes réserves de productivité
existent à ce niveau.
L'IRRIGATION MAIS AUSSI
L'AGRONOMIE
Afin d'augmenter la production
de céréales et face à des sécheresses printanières récurrentes,
les services agricoles misent sur l'irrigation d'appoint. Il s'agit
là d'un geste salutaire. Cependant la demande en eau potable des
villes et du secteur agricole croit de façon exponentielle. Dans la
région de Tipaza, les producteurs d'agrumes protestent contre des
quotas de livraisons d'eau qui ne couvrent pas les besoins de leurs
vergers. Par ailleurs, il faut compter avec l'envasement des barrages
et des retenues collinaires. Il s'agit d'un véritable fléau dans un
pays où chèvres et moutons s'attaquent à la moindre touffe d'herbe
et sont la cause de l'érosion des sols. A chaque orage, des tonnes
de terre aboutissent dans la moindre retenue d'eau.
Dans la lutte contre ces
sécheresses printanières, le deuxième levier consiste en de
nouvelles façons de travailler le sol. Ces techniques de non-labour
avec semis direct mises au point par les agriculteurs des grandes
plaines américaines et adoptées en Australie sont peu développées
en Algérie. Une réponse rapide des autorités pourraient donc être
de favoriser l'importation mais aussi la fabrication locale de ce
type de matériel adapté à l'agriculture en milieu semi-aride.
AGIR RAPIDEMENT
Comme le note Nicolas Baverez,
les pouvoirs publics doivent agir rapidement. Les récentes
inaugurations en matière agro-alimentaires montrent qu'entre la
signature et l'entrée en production les délais se comptent en
années. C'est le cas des usines issues des accords Sim-Avril
(aliments du bétail) ou Cristal Union-La Belle (raffinage de sucre
roux). Le motif ? Non pas la sacro-sainte du principe des 49-51%
mais des questions administratives liées à
l'importation des machines et à la rémunération des sous-traitant
étrangers. Aussi, la solution pourraient être le recours à des
zones franches.
Toujours afin d'agir rapidement,
il s'agit de favoriser le transfert de technologie et de management.
On pourrait penser à des fermes pilotes (terres publiques) pilotées
par des chefs de cultures étrangers ou à réformer la loi qui
restreint à 3 mois le titre de travail des ouvriers spécialisés
marocains qui sont à l'origine du développement local de la culture
sous serre. De même que, par exemple, il s'agirait d'intégrer une
prime variable indexée sur l'activité du personnel de l'Office
Algérien Interprofessionnel des Céréales (OAIC) chargé de la
vente d'intrants agricoles ou de la collecte de céréales.
L'EXPORT, UNE ILLUSION
Concernant le remplacement de la
manne pétrolière par des rentrées financières liées à
d'éventuelles exportations agricoles, il s'agit là d'un manque
flagrant de réalisme. Le montant de ces exportations ne couvriraient
même pas 1% de la rente pétrolière. Par ailleurs, il s'agit de
tenir des concurrences marocaine et espagnole. Enfin, les ressources
locales en sols et en eau sont limités. Aussi le potentiel en terre
agricoles doit plus servir à produire de quoi satisfaire les besoins
locaux que les besoins alimentaires européens.
Alors que l'agriculture
saharienne est présentée comme un exemple de réussite, différentes
voix s'alarment de la baisse du niveau des nappes phréatiques et de
leur contamination par les nitrates et les pesticides
systématiquement utilisés dans des sols filtrants car sableux.
Alors que les populations du Sud s'etaient levées contre les projets
publics d'exploitation des gaz de schiste, aujourd'hui la menace
rampante provient d'une agriculture débridée et non durable.
L'urgence serait de renforcer dans ces régions Sud les équipes
d'hydrauliciens afin d'envisager les mesures permettant de favoriser
l'infiltration des eaux de pluie et de préserver ces nappes.
En fin de compte, les services
agricoles seraient mieux inspirés d'orienter les agriculteurs
dégageant des productions excédentaires vers les secteurs
déficitaires que de leur laisser croire dans le mirage des
exportations.
UN EMMANUEL MACRON ALGERIEN ?
On peut se demander s'il existe
l'équivalent d'un Emmanuel Macron en Algérie. Car même si le pays
fait l'objet d'une dynamique porteuse en matière agricole et a pour
la première fois un ministre de l'agriculture de formation
agronomique les choses n'avancent pas assez vite.
A la politique d'ouverture des
pouvoirs publics, les investisseurs locaux, mais aussi étrangers,
répondent présent. La demande des consommateurs est importante,
elle augmente en quantité mais aussi en qualité avec un appétit
pour les produits laitiers. Un vaste marché de 38 millions
d'habitants est présent. L'investissement dans la formation a
permis l'apparition de cadres compétents. Reste le management.
Aussi, des réformes sont plus que nécessaires. Elles doivent
permettre de libérer l'initiative, d'organiser l'aval, d'assurer les
besoins du plus grand nombre et l'emploi des jeunes. Les entreprises
françaises et leur savoir faire organisationnel ont toute leur place
afin de relever ce défi.
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