ALGERIE,
LE RETOUR DES PAYSANS FRANCAIS
Djamel BELAID 6.02.2016
Après 50 années
d'indépendance, voilà les paysans français de retour en Algérie.
Non, pas des colons, mais des paysans en costume cravate. Il s'agit
de présidents de grands groupes coopératifs français dont ils sont
les administrateurs élus. Ces derniers mois ce sont en effet
Axéréal, Cristal Union ou groupe Avril qui sont à la Une de la
presse économique en Algérie.
DES CONTRATS SIGNES AVEC
AXEREAL, CRISTAL UNION, GROUPE AVRIL
Plusieurs contrats ont été
signés avec les groupes coopératifs AXEREAL, CRISTAL UNION, ou
AVRIL. Qui sont ces groupes ? Fellahas ! Ce sont des
groupes paysans. Vu du côté algérien, l'existence de tels groupes
paysans est étonnante. En effet, les expériences de coopératives
agricoles en Algérie ont parfois laissé un goût amer dans les
années 70. Aujourd'hui les quelques coopératives de services qui
existent ne brassent qu'un chiffre d'affaires ridiculement bas à
comparer aux monstres coopératifs français. Pourtant il s'agit
bien, outre Méditerranée, de groupes coopératifs paysans dont il
est question.
Axéréal est un groupement de
coopératives céréalières de la Beauce, Cristal Union représente
des betteraviers du Nord de la France ; quant au groupe Avril,
il s'agit de la puissante association des producteurs français
d'oléagineux et protéagineux. Les paysans dirigeants d'Axéréal
ont été reçu avec tout le faste qui se doit au niveau du salon
d'honneur du MADR. Quant aux deux autres ils avaient signé des
accords avec des groupes agro-alimentaires privés locaux pour la
réalisation d'usines d'aliments du bétail. Usines inaugurées
récemment en grande pompe avec présence de l'ambassadeur français
à Alger et ministres algériens. Oui, les paysans français sont
revenus en Algérie et sont accueillis avec tous les honneurs
par les pouvoirs publics.
Abdelkader Taïeb Ezzraïmi, PDG du groupe SIM ... - YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=JuZNoI-Yx5c
DES INTERETS ECONOMIQUES
RECIPROQUES
L'histoire douloureuse entre
France et Algérie fait que, par retour de paysans français en
Algérie, ressurgit automatiquement l'image des colons français. Or,
actuellement, rien de tout cela. Il s'agit d'accords entre grands
groupes coopératifs et pouvoirs publics ou chose nouvelle avec de
grands groupes agro-alimentaires privés algériens.
Ces accords bradent-ils
l'intérêt national ? Non, à priori. Les premières variétés
de blé à haut rendement provenant du groupe Axéréal ont été
semées cet automne à la station d'essai ITGC de Sétif. Elles
devraient permettre aux céréaliers locaux de disposer de plus de
semences certifiées. Cristal Union va permettre de raffiner plus de
sucre brut brésilien et ainsi d'améliorer l'offre locale en sucre
blanc jusque là assurée par le seul groupe Cevital. Avec sa filiale
Sanders, le groupe Avril va permettre de produire plus d'aliments
pour bétail et ainsi permettre d'améliorer la production locale de
viande et de lait.
Mais qu'ont à gagner ces grand
groupes coopératifs à franchir la Méditerranée ? Le profit
bien entendu. Le marché français se rétrécit. La concurrence
devient plus vive. Aussi pour ces mastodontes agro-alimentaires,
c'est grossir à l'international ou disparaître. Ainsi, il est
évident que Avril proposera à SIM, son partenaire local,
d'approvisionner l'usine de Aïn Defla non pas en tourteaux de soja
US mais en tourteaux de colza français. De même que Cristal Union
serait intéressé pour trouver un débouché algérien pour ses
milliers de planteurs de canne à sucre et de betterave.
Dans la mesure où ces groupes
étrangers amènent une expertise technique ce type de projets
profite également à l'économie nationale. Cependant à terme, il
serait intéressant d'entrevoir d'autres types de coopération.
LA CONTRACTUALISATION POUR PLUS
D'INTEGRATION
Lorsqu'on observe le type
d'activités développées par ce type d'accords, on peut remarquer
l'absence des paysans algériens. A aucun moment dans le processus
d'élaboration des produits il n'est fait appel à eux.
A Ouled Moussa, c'est du sucre
brut brésilien qui va être raffiné. A Aïn Defla l'usine SIM-AVRIL
va fonctionner avec du maïs et du soja US ou des tourteaux français.
Un aliment de bétail comporte des céréales et des
oléa-protéagineux. Une politique d'intégration de produits locaux
passerait par l'utilisation d'orge, de triticale, de féverole, de
pois protéagineux, ou de tournesol made in DZ. Or qu'indique le
communiqué publié à l'occasion de l'inauguration de l'usine ?
Il évoque l'utilisation de quelques produits locaux (grignons
d'olives et caroube). C'est se moquer du monde. Mr Ezzraimi, PDG de
SIM se serait-il fait berner ? L'histoire nous le dira. En tout
cas, dans les conditions climatiques de l'Algérie, il est possible
de produire plus d'orge, de triticale, de féverole, de pois ou de
tournesol. Or, malgré les progrès de ces dernières années, nous
ne savons pas développer ce type de productions sur de larges surfaces. C'est là, que
AVRIL et ses milliers d'agriculteurs sociétaire, ses réseaux de techniciens, son management coopératif pourraient nous
être utiles. Malheureusement, cela n'a pas été prévu dans le
contrat.
Dans le cas de l'usine d'Ouled
Moussa, par quoi remplacer le sucre brut brésilien ? Par de la
betterave à sucre cultivée localement ? Les équipements de
l'usine ne sont pas prévus pour cela. Mais qu'est ce qui nous
empêche de proposer dans le futur aux agriculteurs DZ de se lancer dans la
production de betterave et d'imaginer la construction d'une usine de
raffinage adéquate. Pourrait-on imaginer la production de canne à
sucre DZ irriguée par goutte à goutte comme cela se pratique
au Maroc?
Enfin, quand les paysans
coopérateurs d'Axéréal sont reçus par le PDG de l'OAIC ne
faudrait-il pas envisager plus qu'un seul échange de semences de
blé ? Les sociétaires de ce grand groupe coopératif céréalier
ont l'expertise pour produire techniquement du blé mais également
proposer un type d'appui technique de terrain. Pourquoi également
cantonner cette coopération entre OAIC et Axéréal? Pourquoi ne pas
imaginer une coopération entre Axéréal et organisations paysannes
algériennes telles les Chambre d'Agriculture, l'UNPA, ... ? Oui se rencontrer entre paysans des deux rives, entre techniciens agronomes français et algériens ou entre chefs de silos.
POUR UNE ECONOMIE PATRIOTE
Ainsi se profilent des
possibilités complémentaires de coopération. La contractualisation, par exemple
en est une forme. En plus des matières premières agricoles
importées, le secteur agro-alimentaire doit pouvoir être
progressivement approvisionné par les agriculteurs locaux. C'est là un mode de
coopération gagnant-gagnant. Pour cela, aux transformateurs
algériens et à leurs partenaires français de mettre sur pied des
services d'appui techniques de terrain, de fournir les semences et
les intrants nécessaires puis de racheter la production des
agriculteurs sur la base de prix établis d'un commun accord par
contrat. Sinon, ce retour des paysans français sur le sol Algérien
aura un goût amer.
Dans ce bas monde, rien ne se
donne ; tout s'arrache. Aussi, aux paysans Algériens, aux
cadres de l'agriculture, aux élites rurales, aux patriotes à tout les échelons de
l'économie nationale de se battre pour plus d'intégration
nationale. Quant au consommateur, il ne doit jamais oublier que nos
achats sont nos emplois...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire