ALGERIE,
ENVISAGER LA PERMACULTURE A GRANDE ECHELLE ?
Djamel
BELAID 9.02.2016
En
Algérie, si en agriculture, il est nécessaire de produire plus, il
est également nécessaire de produire moins cher. Pour beaucoup de
petites exploitations, cultiver selon les standards européens
revient excessivement cher. C'est le cas de l'utilisation des
engrais. La solution pourrait être de s'inspirer de la
permaculture . Mais comment procéder pratiquement?
LA
FERTILISATION PHOSPHATEE, UNE OPERATION PEU AISEE
L'utilisation
des engrais phosphatés en Algérie représente un casse-tête. En
effet, les sols sont majoritairement riches en calcaire. De ce fait
certaines formes d'engrais phosphatés sont insolubilisés en
quelques jours. Le phosphore de ces engrais se lie au calcaire du sol
et de ce fait devient inutilisable pour de nombreuses plantes dont
les céréales.
Cette
insolubilisation concerne notamment le superphosphate, engrais
majoritairement utilisé en Algérie.
Il
existe des solutions au risque d'insolubilisation. On peut mettre les
engrais phosphatés au plus près des besoins de la plante. Ainsi, au
lieu d'enfouir ce type d'engrais dit de fonds lors des labours de
jachère il est aujourd'hui recommandé de l'apporter avant le semis.
On peut également localiser les engrais phosphatés sur la ligne de
semis. Comme l'élément phosphate ne migre pas beaucoup dans le sol,
en l'apportant au plus près des racines, on peut espérer favoriser
son absorption par la plante. D'autant plus que cette absorption
dépend de l'humidité du sol ; or, les cas de sécheresses,
mêmes automnales, sont fréquentes en Algérie.
Certains
producteurs d'engrais proposent d'associer les engrais phosphatés
aux engrais azotés. Ces derniers ont la particularité d'acidifier
le sol. Ainsi, le phosphore est moins insolubilisé et a le temps
d'être absorbé par les cultures.
LES
RESULTATS DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE
Ces
astuces afin d'arriver à mieux utiliser les engrais phosphatés
présentent toute une particularité. Elles oublient le côté vivant
du sol. En effet, elles ne considèrent que les réactions chimiques
entre le calcaire du sol et les engrais apportés.
Or,
depuis quelques années, les résultats de la recherche agronomique
dont ceux en provenance d'Australie montrent qu'il existe des plantes
qui sont capables de mieux valoriser le phosphore du sol. C'est le
cas notamment des légumineuses déjà bien connues pour leur
capacité à fixer l'azote atmosphérique. Par ailleurs, il a été
démontré que les êtres vivants du sol peuvent contribuer à une
meilleure disponibilité du phosphore du sol. C'est le cas de
certains champignons microscopiques ou des vers de terre.
Ainsi,
à une vision strictement chimique du fonctionnement du sol, vient
s'ajouter une compréhension biologique du fonctionnement du sol.
Ainsi, la rhizosphère, cette zone des racines juste en contact du
sol fait aujourd'hui l'objet de nombreux travaux.
Et
les résultats sont là, comme en permaculture, des chercheurs
montrent que cultiver une céréale et une légumineuse ensemble
permet à la première un meilleur apport en phosphore. Ces travaux
sont menés en laboratoire. Il s'agit maintenant de passer à plus
grande échelle : celle du champs.
SEMER
BLE AVEC POIS-CHICHE ?
Parmi
les plantes ayant la faculté d'utiliser efficacement le phosphore du
sol, on trouve le lupin. Cette légumineuse présente des racines
particulières qui lui confère une excellente absorption.
Malheureusement, le lupin n'aime pas les sols calcaires. La plante
dépérit en sol calcaire, c'est à dire dans la majorité des sols
algériens.
Il
s'agit donc de se rabattre sur les autres légumineuses. Les fèves,
les féveroles, le pois fourrager et le pois-chiche sont de bons
candidats. A priori, il serait intéressant de les cultiver avec une
céréale (blé tendre, blé dur, orge, triticale).
Cette
pratique de cultures associées existe déjà en Algérie dans le cas
des fourrages de vesce-avoine. Ce fourrage est majoritairement
récolté sous forme de bottes que l'on voit souvent transporté
d'une région à l'autre dans des camions lourdement chargés sur les
routes d'Algérie. L'association est même possible entre triticale
et pois fourrager. Testée à M'sila lors de la campagne agricole
écoulé, ce mélange a fait la fierté de l'agriculteur chez qui
était installé l'essai.
Mais
il s'agit de différencier le cas des fourrages de celui des céréales
menés en culture pure. En culture fourragère, toute la masse
végétale produite dans le champs est récoltée. Elle est fauchée
et mise en botte ou ensilée et enrubannée de film plastique sous
forme de grandes balles1.
Tandis qu'en culture pure de céréales, c'est à dire non associée,
il s'agit de récolter de récolter seulement des grains. Et dans ce
cas, toute plante autre que le blé doit être éliminée par
désherbage chimique ou mécanique.
En
effet, « les mauvaises herbes » qui se développent dans
un champs de blé peuvent causer des pertes de rendement pouvant
atteindre 50%. Par ailleurs, à la moisson leurs graines se mélangent
à celle du blé. C'est pour cela que selon la flore adventice
présente des programmes de désherbage sont savamment mis au point
par les techniciens agricoles. Dans ce cas là, on peut imaginer le
sort des plants de pois-chiche qui accompagneraient les plants de
blé. Ils seraient immédiatement éliminés.
REORIENTER
LA RECHERCHE AGRONOMIQUE
On
le voit, cultiver des cultures associées sur la même parcelle
relève de la gageure. Il s'agit de trouver les plantes compagnes
idéales et les techniques culturales adaptées. Or, jusqu'à présent
cela n'a jamais été envisagé en Algérie comme d'ailleurs dans un
grand nombre de pays.
Pourtant, de premiers résultats apparaissent.
Pourtant, de premiers résultats apparaissent.
En
France des associations blé-pois ou colza-lentille ont été
testées. Dans le premier cas, il s'agissait d'essais en grande
parcelles en agriculture biologique. L'idée étant de réduire
l'apport d'engrais azoté. Ce n'est qu'après récolte qu'une
séparation des graines a été opérée. Comme leur taille est
nettement différente, un tri mécanique est possible. Certes, il
renchérit le coût. A moins d'envisager de cultiver un mélange
orge-pois pour en récolter les graines qui ne sont pas séparée
après récolte et qui seront destinées à être broyée ensemble
pour en faire un aliment destinées aux volailles.
L'association
colza-lentille par contre n'est plus une curiosité de laboratoire.
Elle est même conseillée par le très sérieux institut oléagineux
français : Terre Inovia (ex Cetiom). Le but étant de réduire ,
là aussi, les apports d'engrais azotés.
Des
travaux chinois évoquent la culture associée de maïs et de
fèverole. La Chine possèderait une longue tradition de cultures
associées.
En
France, la pratique de cultures sous couvert se développe
timidement. Il s'agit en fait de cultures associées ; le but
étant de protéger le sol de l'érosion et de limiter le lessivage
des nitrates. Une meilleure valorisation du phosphore du sol n'est
pas l'objectif prinicpal bien qu'il soit parfois évoqué par ces
pioniers. Les publications de ces agriculteurs et de leurs
techniciens comprennent des trésors d'ingéniosité qui peuvent
nourrir le débat sur la façon de procéder en Algérie. Ces
pratiques de semis sous couvert sont grandement facilitées par le
développement du non-labour avec semis-direct.
ALGERIE,
INNOVER EN CULTURES ASSOCIEES
En
Algérie, trouver le moyen d'associer des cultures permettrait de
réduire la facture en engrais azotés et phosphatés. Pour les
petites exploitations agricoles, les techniques sont si extensives,
que les engrais ne sont même pas utilisés.
Les
publications des agriculteurs français montrent que pour réussir
des cultures associées, il s'agit de trouver les bonnes plantes
compagnes, la bonne dose et date de semis ainsi que la méthode pour
maîtriser les « mauvaises herbes ». Cette maîtrise des
plantes adventices peut être possible en augmentant la dose de
plantes compagnes et en choisissant une espèce à plus ou moins large
feuilles qui ainsi a un pouvoir étouffant.
Cultures
associées ne signifie pas récoltes associées. Ainsi, dans le cas
de l'association colza-lentille, ce n'est que le colza qui est
récolté. Lorsqu'à la sortie de l'hiver, les plants de colza
prennent leur essor, les plants de lentille végètent car ils
n'arrivent plus à recevoir de lumière.
Ainsi,
dans le cas d'un blé semé avec un pois-chiche d'hiver, on peut
penser à ce que ce dernier végète une fois que le blè arrive à
montaison. Dans certaines associations, la plante compagne est
choisie pour sa sensibilité au gel. Elle disparaît naturellement
après avoir joué son rôle de plante compagne. Elle peut également
être freinée ou détruite par traitement herbicide.
Toutes
ces possibilités sont à tester par des agriculteurs innovateurs et
des techniciens engagés. Les solutions sont variables selon le
contexte de chaque région.
On
n'oubliera pas également dans cet aspect biologique du sol, le rôle
des vers de terre. Leurs excréments (turricules) possèdent des
formes de phosphore plus assimilables. Comment les favoriser ?
En amenant du fumier, en pratiquant le non-labour avec semis direct
et en leur laissant de quoi manger, notamment des chaumes et de la
paille. Il n'y a pas que le mouton...
1Cette
méthode conserve mieux les qualités du fourrage. C'est ce qui a
conduit les services agricoles à la subventionner au profit des
éleveurs laitiers en hors-sol.
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