mercredi 17 février 2016

VULGARISATION AGRICOLE EN ALGERIE, IL NOUS FAUT DES CETA

Lorsque au milieu à la fin des années 80, venant de Batna, j'ai débarqué en France, j'ai travaillé comme coordinateur de 4 Ceta tout en animant un. Cela a été une expérience extraordinaire. Récit par Mr POUSSET animateur d'un des premiers Ceta de France en ... 1953. Djamel BELAID 17.02.2016.

Témoignage de A. POUSSET, ingénieur de CETA de Loudeac de 1953 à 1956.

in « La modernisation agricole du pays de Loudeac entre 1950 et 1965 » Editeur : Université du Temps Libre de Loudeac.

Curieusement, lors de l'examen de sortie de l'ESA d'Angers, la question qui m'était posée concernait la Bretagne : état des lieux, utilisation des ressources naturelles locales, potentiel agronomique et socio-économique, perspectives d'avenir.
C'est pourquoi en 1953, je n'ai pas hésité à saisir l'occasion qui m'était offerte de mettre à profit les conclusions de mon étude, en acceptant la place d'ingénieur de Ceta de Loudeac.
CETA : Centre d'Etudes Techniques Agricoles, et tout jeune technicien, je me voyais déjà embarqué dans un processus de modification de systèmes de production agricole, en collaboration avec des agriculteurs soucieux avant tout d'accéder à de nouvelles techniques culturales.

Des objectifs nouveaux
Dès les premiers jours, consacrés à la prise de contact avec les membres du Ceta, j'ai compris que les véritables motivations et objectifs n'étaient pas seulement techniques. Il m'est vite apparu que pour ces agriculteurs qui n'étaient pas tous encore des « agriculteurs de pointe », la technique ne devait être qu'un moyen de faire évoluer leurs conditions humaines. Au mot technique de ceta, il aurait fallu ajouter les termes socio-économique ou même, plus précisément économico-social, même si le technique était le passage obligé pour atteindre l'objectif réel .

Mes souvenirs de cette période, qui a fortement marqué ma vie professionnelle par la suite, sont encore très précis avec pourtant bientôt 40 ans de reul.

A la sortie de la guerre, la Bretagne était pour moi malgré son potentiel technique et humain, un pays sous développé et sauf exception, pas mêm en voie de développement. La vulgarisation départementale en Côtes du Nord (1953) était réalisée par seulement deux ou trois ingénieurs de la DSA qui, malgré beaucoup de courage, ne touchaient qu'une clientèle très réduite. Ils avaient d'ailleurs participé à la mise en place des fameuses zones-témoin, avec le concours de l'APEP.
Une des principales difficulté de la zone témoin, tout cela vu avec le recul était le manque de volontarisme des agriculteurs « incorporés » dans le système : ils restaient très individualistes, relativement peu demandeurs d'améliorations techniques et d'évolution du groupe en tant que tel.

C'est là une des caractéristiques qui m'avait le plus frappé à mon arrivéé à Loudéac, et lors d'une visite le Pr. Dumont en avait fait la même remarque : pour le Ceta, c'était la volonté d'un groupe, volonté d'évolution technique et humaine, volonté surtout de mise en commun, sans détours, de tous les problèmes rencontrés, volonté de recherche de solutions, volonté enfin de plus subir passivement les contraintes du milieu naturel d'un pays encore pauvre.


Malgré la diversité du groupe
Les agriculteus qui ont lancé le Ceta de Loudéac en 1952 n'avaient pas eu la tache facile, dans ce contexte d'après guerre. Les mouvement d'hommes et d'idées donc, dûs aux hostilités, la nécessité absolue de reconstruire un pays ruiné dans tous les domaines, avaient ouvert les yeux à certains, mais pas à tous, loin de là.

Les plus dynamiques ont donc cherché autour d'eux, dans la région de Loudéac à constituer un petit groupe d'études, un Ceta comme il en existait déjà une douzaine en France, cantonné pour la plupart dans des zones céréalière. Le Ceta de Loudéac avait le n° 14 sur le plan national , mais était le n°1 en Bretagne.

La plupart des membres recrutés avaient appartenu à des mouvements de jeunesse ou assumé des responsabilités dans des organismes agricoles. Avec leur volonté de « faire quelque chose» c'était, au départ, leur seul point commun.
Pour le reste, on rencontrait une très grande diversité : dans les exploitations d'abord, dont les superficies variaient de 50 et même près de 100 ha pour quelques unes à 15 ou 18ha pour d'autres ; dans l'âge, certains étant déjà grand père et d'autres tout jeune ménage ; dans les orientations économiques, avec des dominantes de productions céréalières, de plantes de pomme de terre ou d'élevage ; au niveau des équipements, puisque l'un possèdait déjà une moissonneuse-batteuse avant la guerre (à traction animale!) et d'autres pas encore de tracteurs ; dans les conditions de vie et d'hâbitat qui tranchaient fortement d'une ferme à une autre... et sur bien sûr d'autres points encore.

Toute cette équipe avait pris conscience du retard de la Bretage sur d'autres régions. Elle avait compris les marges de progrès permises par les conditions de milieu. Désireuse de progresser, elle a ainsi créé le premier Ceta.

Un changement des mentalités
C'est l'état d'esprit de ses membres qui a permis la réussite du Ceta de Loudéac. Ce travail de groupe s'est réalisé sans arrière-pensée de compétition, mais dans un but de développement mettant en commun échecs et réusssites, en analysant les causes et les remèdes éventuels, chacun apportant sa pierre à la construction.
Ce fait était à l'époque assez extraordinaire quand on connaît le tempéramment naturellement individualiste et fermé qui caractérisait les agriculteurs.
J'ai d'ailleurs sur ce point des souvenirs assez cuisants du reproche fait aux membres du Ceta d'avoir inventé l'individualisme à 15, tant ce petit cercle était apparemment fermé sur son seul groupe. Il est vrai que les réunions et rapports de Ceta restaient confidentiels et propriété de ses membres. Seuls la FNCETA et la DSA en étaient les destinataires.

En réalité, mentalité nouvelle dans le milieu agricole, le financement du groupe était en grande partie assuré par les cotisations de ses membres, même si le Ministère de l'agriculture avait confié au Ceta une « Action Fourragère », participait aussi aux dépenses. Il était donc normal qu'ils en soient les premiers bénéficiaires.
De plus sur le plan technique, les innovations proposées quelque fois imprudemment par l'ingénieur du Ceta n'étaient pas sans risques, et il aurait été dangereux de divulguer à tous des conclusions parfois un peu hâtives et insuffisamment contrôlées sur des résultats d'expérimentation en cours. Car c'était aussi un changement des mentalités que d'accepter les conseils d'un jeune ingénieur, théoricien fraîchement sorti de l'école, ou d'adopter de nouvelles techniques proposées par les centres de recherche de l'Inra. Tous les agriculteurs de la région ne passaient pas facilement du blé Goldentrop au Capelle ni de 30 à 100 unités d'azote à l'hectare.
Le goût du risque, ou sa simple acceptation, n'était pas à cette époque une des qualités premières de l'agriculteur. Et pourtant l'application de nouveautés en matière de prairies temporaires, devenues la gloire du Ceta de Loudéac, comportait des risques, comme par exemple les premiers semis de ray grass d'Italie effectués en sol nu sur 50 ares à St Caradec et qui se sont révélès être de la fétuqye éleve.
Je me souviens aussi, ds le mm ordre didées, d'un mb du ceta me tél en cata : il venait de retourner 12 ha de prairies nat sur les 16 qu'il possèdait, et je devais lui assurer de l'herbe pour son troupeau de vaches armoricaines... ds les deux mois !
Qlq temps plus tard, il m'a affirmé n'avoir dormi que d'un œil pdt qlq sem. Mais la collaboration technicien-agriculteur était telle que j'ai dû lui avouer pour ma part, n'avoir pas dormi du tout.

Goût du risque, curiosité, esprit de recherche, besoin de découvrir, le tout en travail d'équipe, c'est peut-être banal aujourd'hui, ça ne l'était pas il y a 40 ans.

Les relations extérieures.






























Les conséquences
Les premières opérations ont été purement techniques, tant sur le plan production fourragère que sur céréalière, par simple application des données non encore vulgarisées, mais connues. Il s'est agi d'abord de création de prairies temporaires, préparation de sol, de dates de semis sous couvert ou en sol nu, ou d'application sur blé du fractionnement de l'azote tel que préconisé par la méthode COIC .

Puis tout cela est devenu économico-social, avec un double aspect, d'abord d'organisation du travail, puis d'amélioration du cadre de vie (le technicien du ceta a quelque fois dû se transformer en métreur sinon en architetce).

En liaison directe avec le service de comptabilité de la Fnceta, les premières comptabilités – simplifiées – ont été mises en place pour contrôler les conséquences économiques et financières de l'évolution technique.

Le ceta de le moteur du développement
Ces hommes, animés de la pleine volonté d'améliorer leurs conditions de vie, n'ont entrevu la solution que par le moyen de l'évolution technique de leurs exploitations. Il s'agissait pour eux, dans la concertation du ceta, d'utiliser au mieux les ressources existantes, tant agronomiques qu'humaines, et de réveiller ce potentiel sous-employé.
Manquant pour beaucoup de formation agronomique, ils ont décidé de s'adjoindre un technicien, étouffant par la même le viel adage qui dit que rien ne vaut la pratique. Sans fausse modestie, je me dis que le résultats n'a pas étét si mauvais, puisque ce sont les mêmes hommes qui ont estimé utile de créer la maison familiale de Saint Etienne du Gué de l'Isle, pour donner une formation à leurs enfants.
Mais le reveil ne s'est pas fait sans douleur et le principe même du Ceta et de son organisation ont souvent été critiqué, par jalousie peut être, par ignorance sûrement.
Et pourtant l'expérience a été rapidements suivie, par la création de deux puis de quatre ceta, et c'est vraiment là que le ceta de Loudéac a commencé à jouer ce rôle de moteur du développement. Et quand 10 à 12 ans plus tard, en 1965, le ministre Pisani a confié à la profession agricole la charge de la vulgarisation, le pli était pris, on pouvait faire confiance aux techniciens.
Mais avant cela, les différents travaux du Ceta avaient débouchés sur la création du centre de gestion de Saint Brieuc. Enfin, les membres, mais alors plus individuellement, ont souvent pris des responsabilités dans des organismes et les organismes agricoles.

Conclusion
Oui, le Ceta de Loudéac a certainement joué un rôle moteur dans l'évolution de l'agriculture et peut-être même de l'IAA du secteur mais plus indirectement. Il a été en tout cas le pionnier du développement régional. C'est lui qui a organisé les premières journées de motoculture de Loudéac et permis ainsi de mieux se faire connaître.
J'ai personnellement eu la chance d'en être le premier technicien, et probablement parce que j'ai participé aux premiers « défrichements » de cette évolution, on m'a traité de bulldozer, alors que j'ai, je crois, travaillé avec plus de finesse et de souplesse tout de même.
Il ne s'agissait pas de faire revivre le passé. Mais il est important cependant de ne pas oublier dans quelles conditions l'évolution agricole de la région de Loudéac a fait ses premiers pas, et c'est ce que j'ai voulu me rappeler.

Et c'est finalement avec une certaine fierté que j'ai pu dire, il y a une quinzaine d'années au cours d'une réunion du CDDA de la Sarthe où je siégeais en tant que président du Ceta du Mans : « j'ai connu la Bretagne avec 20 ans de retard sur l'agriculture sarthoise, elle a maintenant 20 ans d'avance. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire