lundi 8 février 2016

ALGERIE, LE RETOUR DES PAYSANS FRANCAIS

ALGERIE, LE RETOUR DES PAYSANS FRANCAIS
Djamel BELAID 6.02.2016
Après 50 années d'indépendance, voilà les paysans français de retour en Algérie. Non, pas des colons, mais des paysans en costume cravate. Il s'agit de présidents de grands groupes coopératifs français dont ils sont les administrateurs élus. Ces derniers mois ce sont en effet Axéréal, Cristal Union ou groupe Avril qui sont à la Une de la presse économique en Algérie.


DES CONTRATS SIGNES AVEC AXEREAL, CRISTAL UNION, GROUPE AVRIL
Plusieurs contrats ont été signés avec les groupes coopératifs AXEREAL, CRISTAL UNION, ou AVRIL. Qui sont ces groupes ? Fellahas ! Ce sont des groupes paysans. Vu du côté algérien, l'existence de tels groupes paysans est étonnante. En effet, les expériences de coopératives agricoles en Algérie ont parfois laissé un goût amer dans les années 70. Aujourd'hui les quelques coopératives de services qui existent ne brassent qu'un chiffre d'affaires ridiculement bas à comparer aux monstres coopératifs français. Pourtant il s'agit bien, outre Méditerranée, de groupes coopératifs paysans dont il est question.
Axéréal est un groupement de coopératives céréalières de la Beauce, Cristal Union représente des betteraviers du Nord de la France ; quant au groupe Avril, il s'agit de la puissante association des producteurs français d'oléagineux et protéagineux. Les paysans dirigeants d'Axéréal ont été reçu avec tout le faste qui se doit au niveau du salon d'honneur du MADR. Quant aux deux autres ils avaient signé des accords avec des groupes agro-alimentaires privés locaux pour la réalisation d'usines d'aliments du bétail. Usines inaugurées récemment en grande pompe avec présence de l'ambassadeur français à Alger et ministres algériens. Oui, les paysans français sont revenus en Algérie et sont accueillis avec tous les honneurs par les pouvoirs publics.

Abdelkader Taïeb Ezzraïmi, PDG du groupe SIM ... - YouTube

https://www.youtube.com/watch?v=JuZNoI-Yx5c


DES INTERETS ECONOMIQUES RECIPROQUES
L'histoire douloureuse entre France et Algérie fait que, par retour de paysans français en Algérie, ressurgit automatiquement l'image des colons français. Or, actuellement, rien de tout cela. Il s'agit d'accords entre grands groupes coopératifs et pouvoirs publics ou chose nouvelle avec de grands groupes agro-alimentaires privés algériens.
Ces accords bradent-ils l'intérêt national ? Non, à priori. Les premières variétés de blé à haut rendement provenant du groupe Axéréal ont été semées cet automne à la station d'essai ITGC de Sétif. Elles devraient permettre aux céréaliers locaux de disposer de plus de semences certifiées. Cristal Union va permettre de raffiner plus de sucre brut brésilien et ainsi d'améliorer l'offre locale en sucre blanc jusque là assurée par le seul groupe Cevital. Avec sa filiale Sanders, le groupe Avril va permettre de produire plus d'aliments pour bétail et ainsi permettre d'améliorer la production locale de viande et de lait.
Mais qu'ont à gagner ces grand groupes coopératifs à franchir la Méditerranée ? Le profit bien entendu. Le marché français se rétrécit. La concurrence devient plus vive. Aussi pour ces mastodontes agro-alimentaires, c'est grossir à l'international ou disparaître. Ainsi, il est évident que Avril proposera à SIM, son partenaire local, d'approvisionner l'usine de Aïn Defla non pas en tourteaux de soja US mais en tourteaux de colza français. De même que Cristal Union serait intéressé pour trouver un débouché algérien pour ses milliers de planteurs de canne à sucre et de betterave.
Dans la mesure où ces groupes étrangers amènent une expertise technique ce type de projets profite également à l'économie nationale. Cependant à terme, il serait intéressant d'entrevoir d'autres types de coopération.

LA CONTRACTUALISATION POUR PLUS D'INTEGRATION
Lorsqu'on observe le type d'activités développées par ce type d'accords, on peut remarquer l'absence des paysans algériens. A aucun moment dans le processus d'élaboration des produits il n'est fait appel à eux.
A Ouled Moussa, c'est du sucre brut brésilien qui va être raffiné. A Aïn Defla l'usine SIM-AVRIL va fonctionner avec du maïs et du soja US ou des tourteaux français. Un aliment de bétail comporte des céréales et des oléa-protéagineux. Une politique d'intégration de produits locaux passerait par l'utilisation d'orge, de triticale, de féverole, de pois protéagineux, ou de tournesol made in DZ. Or qu'indique le communiqué publié à l'occasion de l'inauguration de l'usine ? Il évoque l'utilisation de quelques produits locaux (grignons d'olives et caroube). C'est se moquer du monde. Mr Ezzraimi, PDG de SIM se serait-il fait berner ? L'histoire nous le dira. En tout cas, dans les conditions climatiques de l'Algérie, il est possible de produire plus d'orge, de triticale, de féverole, de pois ou de tournesol. Or, malgré les progrès de ces dernières années, nous ne savons pas développer ce type de productions sur de larges surfaces. C'est là, que AVRIL et ses milliers d'agriculteurs sociétaire, ses réseaux de techniciens, son management coopératif pourraient nous être utiles. Malheureusement, cela n'a pas été prévu dans le contrat.

Dans le cas de l'usine d'Ouled Moussa, par quoi remplacer le sucre brut brésilien ? Par de la betterave à sucre cultivée localement ? Les équipements de l'usine ne sont pas prévus pour cela. Mais qu'est ce qui nous empêche de proposer dans le futur aux agriculteurs DZ de se lancer dans la production de betterave et d'imaginer la construction d'une usine de raffinage adéquate. Pourrait-on imaginer la production de canne à sucre DZ irriguée par goutte à goutte comme cela se pratique au Maroc?

Enfin, quand les paysans coopérateurs d'Axéréal sont reçus par le PDG de l'OAIC ne faudrait-il pas envisager plus qu'un seul échange de semences de blé ? Les sociétaires de ce grand groupe coopératif céréalier ont l'expertise pour produire techniquement du blé mais également proposer un type d'appui technique de terrain. Pourquoi également cantonner cette coopération entre OAIC et Axéréal? Pourquoi ne pas imaginer une coopération entre Axéréal et organisations paysannes algériennes telles les Chambre d'Agriculture, l'UNPA, ...  ? Oui se rencontrer entre paysans des deux rives, entre techniciens agronomes français et algériens ou entre chefs de silos.

POUR UNE ECONOMIE PATRIOTE
Ainsi se profilent des possibilités complémentaires de coopération. La contractualisation, par exemple en est une forme. En plus des matières premières agricoles importées, le secteur agro-alimentaire doit pouvoir être progressivement approvisionné par les agriculteurs locaux. C'est là un mode de coopération gagnant-gagnant. Pour cela, aux transformateurs algériens et à leurs partenaires français de mettre sur pied des services d'appui techniques de terrain, de fournir les semences et les intrants nécessaires puis de racheter la production des agriculteurs sur la base de prix établis d'un commun accord par contrat. Sinon, ce retour des paysans français sur le sol Algérien aura un goût amer.

Dans ce bas monde, rien ne se donne ; tout s'arrache. Aussi, aux paysans Algériens, aux cadres de l'agriculture, aux élites rurales, aux patriotes à tout les échelons de l'économie nationale de se battre pour plus d'intégration nationale. Quant au consommateur, il ne doit jamais oublier que nos achats sont nos emplois...

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