dimanche 28 février 2016

SETIF EN POINTE DANS LA PRODUCTION DE FOURRAGES

SETIF EN POINTE DANS LA PRODUCTION DE FOURRAGES
Djamel BELAID 27.02.2016

La station ITGC de Sétif est en train de révolutionner la production de fourrages en zone sèche. Il s'agit de la production de foin de triticales pois au lieu de l'habituel foin de vesce-avoine. Mais l'innovation ne se limite pas à cette seule nouvelle association, les agronomes de cette station sème sans même labourer. Et des agriculteurs en redemandent. Sétif pourrait être le creuset d'une révolution technique qui revisite le dry-farming.

UN MELANGE FOURRAGER PLUS RICHE
Le problème du mélange vesce-avoine vient de sa faible valeur nutritive. Ce fourrage est souvent récolté tardivement. En effet, souvent les agriculteurs retardent la récolte dans le but d'obtenir une plus grande masse végétale. Cependant, cette augmentation s'accompagne par une baisse de la valeur nutritive. Par ailleurs, la vesce a alors tendance à perdre ses feuilles. Or, ce sont les feuilles qui sont les plus riches en protéines. Le remplacement de la vesce par du pois fourrager permet de réduire ces pertes dans la mesure ou ce fourrage est plus vigoureux. Par ailleurs, il est plus productif. De même pour le triticale, sa production est supérieure à celle de l'avoine.


L'an passé, la station de Sétif a implanté ce type de mélange fourrager chez des agriculteurs de la région de M'sila. Les photos des parcelles prises au printemps montrent de belles parcelles à la végétation drue qui ont fait la joie des agriculteurs ayant accepté de participé aux essais.


Désherbage chimique et Association fourragère ... - YouTube

https://www.youtube.com/watch?v=DEvaGxsiZIc
17 déc. 2015 - Ajouté par Itgc Sétif


UN FOURRAGE IMPLANTE PAR SEMIS DIRECT
Le succès des parcelles de pois-triticale n'est pas seulement due à une pluviométrie favorable. Il provient de l'utilisation de matériel australien adapté aux zones sèches au climat semi-aride. Il s'agit en effet de semoirs à dents de marque John Shearer. Ces engins ont la particularité de permettre un semis-direct. En effet, grâce à de puissantes dents reliées à des ressorts, ce type de semoir de semer sur un sol nu non-labouré. Ce qui peut paraître comme une hérésie pour les fellahs traditionnels est au contraire une innovation agronomique majeure.
En effet, le labour présente plusieurs inconvénients : c'est une opération longue et coûteuse en carburant. Par ailleurs, il dessèche le sol. Or, en région semi-aride c'est là un grave inconvénient.
Le type de semoir australien choisit présente une originalité : ses organes semeurs à dents espacés de 17 cm. Ceux-ci sont issus de plusieurs années de recherche-développement en partenariat avec les agriculteurs australiens. Outre les semences, les dents permettent d'épandre de l'engrais à proximité de la ligne de semis. Conséquences, il est mieux utilisé. Mais l'intérêt de ce type de dents est de permettre la formation d'un léger sillon juste au dessus de la ligne de semis. Le champs alors semé présente l'aspect d'une tôle ondulée. Dès la moindre pluie, l'eau s'accumule dans les sillons qui sont en fait de véritables collecteurs d'eau de pluie. Cette récupération d'eau de pluie à l'automne n'est pas négligeable en zone semi-aride, en témoigne la sécheresse automnale qui touché les wilaya de l'Ouest du pays cette année. 



 
Issus d'un pays sec mais producteur de blé et de fourrages, les australiens sont donc passés maître de s'accommoder d'un climat ingrat. C'est là une leçon pour nous Algériens.

PRODUIRE DES SEMOIRS J. SHEARER MADE IN DZ
Les Australiens veulent-ils nous vendre leurs semoirs pour zone sèche ? On ne peut exclure cette volonté de la firme John Shearer. Mais pour les experts australiens engagés dans des projets internationaux à travers des centres tels l'ICARDA, l'objectif est avant tout que ces principes de semis direct pour fourrages et blé soient mis en application par un matériel local. Les missions australiennes présentent depuis 2006 en Syrie Irak et Jordanie en témoignent. En Syrie, ces experts ont montré à huit ateliers syriens de matériel agricole comment fabriquer ce type de semoirs. 



Photo: Les semoirs pour semis direct syriens fabriqués d'après le modèle John Shearer.

Idem en Jordanie où un grand industriel en fabrique à grande échelle. Résultats, pour moins de 3 000 $, les agriculteurs disposent d'outils révolutionnant le dry-farming alors que des semoirs européens ou brésiliens coûtent plus de 8 000 $. En Irak, en attendant une fabrication locale, l'action a été mis sur la transformation de semoirs conventionnels en semoirs pour semis direct. Des kits fabriqués au Moyen Orient sont aujourd'hui disponibles à partir de 1500$. 

Photo: semoir conventionnel transformé en semoir pour Semis direct. Remarquez: la trémie haute pour faciliter par gravité la descente des graines et des engrais, les roues plombeuses (qui rappuyent la terre sur les semences), les sillons derrière le semoir (ils collectent l'eau de pluie vers la graine).

 
Et en Algérie ? En Algérie, la station ITGC de Sétif possède un exemplaire de semoir syrien de marque Ashbel et deux semoirs de marque J. Shearer. Un à dents et un autre à disques. Selon les experts australiens, les modèles à dents sont plus faciles à construire et ne présentent pas les inconvénients de l'usure des roulements propres aux semoirs à disques.
L'urgence serait de réussir le transfert de technologie qui a si bien fonctionné en Syrie et en Jordanie. Dans ces deux pays deux approches différentes ont eu lieu : respectivement fabrication artisanale et fabrication industrielle. Ces deux voies peuvent permettre aux différents types d'investisseurs privés et publics de s'engager dans la fabrication de semoirs pour semis direct.
Des artisans privés ont pour eux la souplesse, les industriels publics ou privés ont pour eux la capacité à réunir des moyens conséquents. Il s'agit donc de les mettre en relation avec les agronomes algériens de la station et les experts australiens de l'ICARDA en poste au Maroc. En effet, depuis les évènements en Syrie, le centre de l'ICARDA, auparavant basé à Alep, a été transféré à Settat (Maroc).

UNE OPPORTUNITE A SAISIR
La technologie des semoirs australiens dépasse le seul cadre des fourrages. Cette technologie est en effet applicable au semis des céréales et des oléagineux dont la production est déficitaire.
Mais revenons aux fourrages. La façon de procéder des ingénieurs de Sétif est révolutionnaire. Non pas seulement pour l'aspect récupération de l'eau de pluie déjà citée, mais pour l'application de la technique du semis-direct à des fourrages. Cette technique a d'abord été appliquée au semis des céréales (blé et orge). Cependant, dans ce cas là, il est souvent nécessaire de réaliser un désherbage avant semis. En effet, le labour possède au moins une vertu, celle d'éliminer les mauvaises herbes avant semis. Or, qui dit semis-direct, dit absence de destruction des mauvaises herbes parfois présentent avant le semis. Comme de nombreux agriculteurs ne possèdent pas de pulvérisateur pour procéder à un désherbage chimique, l'utilisation du semis direct s'avère judicieux. En effet, en culture fourragère, ce désherbage peut ne pas être nécessaire. En effet, un automne sec n'est pas propice au développement des mauvaises herbes. Par ailleurs, une densité adéquate du mélange pois-triticale peut suffire à maîtriser les mauvaises herbes qui peuvent germer en même temps que les semences de pois-triticale.
Ainsi, en proposant le semis-direct pour implanter des fourrages, les agronomes sétifiens ont eu la bonne idée de proposer un itinéraire technique simplifié, peu coûteux puisque sans labour et donc particulièrement adapté aux agriculteurs peu outillés. Ce sont là des conditions idéales pour faire accepter une technique nouvelle.

L'enjeu est capital. Les besoins en fourrages sont immenses avec le développement du cheptel ovin et le développement de l'élevage laitier. Si les fourrages verts tels le maïs, le sorgho ou la luzerne doivent être produits avec une irrigation d'appoint, ce n'est pas le cas des fourrages récoltables sous forme de bottes de foin ou d'ensilage ou pâturables. Or, les superficies potentielles sont importantes. C'est le cas des surfaces en jachère pâturée. Par manque de moyens, et pour satisfaire les besoins alimentaires des moutons de nombreux agriculteurs laissent souvent 50% de la surface de leur exploitation non cultivées. Toute l'année, les moutons viennent brouter ces surfaces. Mais le rendement fourrager est très faible car issu d'une végétation spontanée. Avec la technique du semis direct, il serait donc possible d'ensemencer à bas prix ces surfaces actuellement inexploitées.


MANQUE DE COORDINATION
Alors que les agronomes sétifiens adaptent un matériel performant mais exigeant aux conditions des agriculteurs, on pourrait penser qu'ils sont entourés d'ingénieurs en machinisme et de représentants de l'industrie nationale du matériel agricole tels ceux du groupe PMAT. Or, il n'en est rien. Les chercheurs sétifiens travaillent isolés dans leur coin avec le peu de moyens dont ils disposent. Alors que la technique du semis direct est adoptée par plus de 80% des agriculteurs d'un pays sec comme l'Australie, en Algérie il n'y a pas de stratégie pour encourager l'usage des semoirs pour semis direct ni envisager une quelconque fabrication locale de modèles simplifiés.
Il est à espérer que les agriculteurs de Sétif et de Msila qui ont vu travailler les semoirs australiens se mettent à transformer leurs semoirs conventionnels comme l'on fait des agriculteurs irakiens. A moins que ce soit un agronome ou un artisan qui en ait l'idée. 
Lien sur les étapes de la fabrication: http://aciar.gov.au/files/node/13993/farmer_innovation_seeder_fabrication_and_uptake__23210.pdf

Photo: Semoir pour semis direct de marque Rama (Jordanie) fabriqué selon les conseils de Jack Desbiolles. Ci-dessous vidéo.

The newly designed Zero Till Seeder... - Rama Agricultural ...

https://www.facebook.com/.../698823056868116/
The new Rama II- Zero Tillage Seeder (No Till) in action! The seeder has been developed in-cooperation with ICARDA (International Center for...

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