dimanche 14 février 2016

SECHERESSE A L'OUEST : L'ALGERIE FACE AU RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE

SECHERESSE A L’OUEST : L’ALGERIE FACE AU RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE
Djamel BELAID 14.02.2016  (Réactualisé le 1.03.2016) Djamel.belaid@ac-amiens.fr
 
Les remontées du terrain le confirment. Les wilaya à l’Ouest du pays connaissent une grave sécheresse. Les céréales mais aussi les cultures fourragères sont gravement touchées. A l’heure du réchauffement climatique, on peut se demander que faire dans de telles circonstances. Que faire au niveau des décideurs, des cadres de terrain et du simple citoyen ?

CADRES DE TERRAIN, MISER SUR LE SEMIS DIRECT
Certes, on ne peut faire pleuvoir, cependant, au niveau agricole il est possible de cultiver selon des techniques adaptées aux conditions sèches. En effet, on ne pourra pas irriguer toutes les parcelles de céréales. Agriculteurs australiens, espagnols et même marocains ont développé depuis quelques années la technique du non-labour avec semis direct. Les ingénieurs marocains ont montré que si, après une charrue, on verse l’équivalent d’un seau d’eau sur un mètre carré le sol est sec dès le lendemain. Or, si le même seau est versé après le passage d’un semoir pour semis direct, le sol reste humide 25 jours.
Ces techniques sont-elles développées en Algérie et particulièrement à l’Ouest de l’Algérie ? Non. Il serait temps de réagir. D’autant plus qu’en janvier il a plu, il y a là un potentiel pour assurer un minimum de rendement. Au moins sur les parcelles au sol les plus profonds. Agriculteurs tunisiens et marocains ont remarqué qu’en année de sécheresse, ils ne récoltent rien ou 2 quintaux/hectare au mieux sur les terres labourées tandis que celles en semis direct donnent 10 qx/ha.
Les cadres des fermes pilotes, les gros céréaliers, les CCLS doivent à tout prix s’équiper en ce type de matériel. Quant aux décideurs de l’OAIC et au groupe PMAT, ne pas assurer la disponibilité des exploitations en ce type de matériel pourrait être qualifié d’attitude irresponsable pour ne pas dire criminelle.

SUIVRE L'EXEMPLE SYRIEN, FABRIQUER DES SEMOIRS ZT
 Si les semoirs pour semis-direct permettent en général de mieux conserver l'eau du sol au cours du cycle de la céréale, les semoirs Zero-Till syriens fabriqués en Syrie avec l'aide des experts australiens de l'Icarda montrent un autre avantage stratégique.
Ces semoirs à dents, fabriqués localement par de simples artisans soudeurs, laissent derrière les dents un sillon de 7-8 cm de profondeur dans lequel est semé la graine. Conséquence, à la moindre pluie, ils collectent l'eau et en font profiter la semence (voir photo du milieu ci-dessous). Cet automne, face à la rareté des pluies, les céréaliculteurs des wilayas de l'Ouest algérien auraient avoir ce type d'engins.

Photo: la photo n°2 montre des sillons humides. Les sillons ont collecté l'eau de pluie.

AMELIORER LA FERTILITE DU SOL
Les sols algériens sont en général épuisés et les engrais chimiques n’y feront rien. En effet, nos pratiques agricoles conduisent à une agriculture minière. Sur les parcelles de blé, l’agriculteur récolte le grain et la paille, le mouton mange les chaumes et la charrue provoque la décomposition des racines. Résultats, d’année en année, les sols s’appauvrissent en matière organique. Or, un sol pauvre en matière organique et en humus ne retient pas l’eau ni les engrais. L’humus joue en effet un rôle d’éponge. Par ailleurs, la structure du sol est améliorée ; le sol est moins compact.
Cultiver en conditions sèche nécessite de veiller à un meilleur taux de matière organique du sol. Que ce soit l’Algérien Pierre Rahbi ou le marocain Rachid Mrabet, tous les deux recommandent de nourrir le sol par du fumier, du compost, de la paille ou des engrais verts. Cette dernière technique consiste à implanter une culture à croissance rapide et à forte biomasse qui n’est pas récoltée mais enfouie au sol.
Procéder de la sorte devant des agriculteurs amènerait à être traité d’inconscient quand on connait le manque local en fourrages et le prix de la botte de paille ou de foin. Pourtant, il n’y a pas d’alternatives. En Algérie, pour nourrir les hommes, il faut nourrir la terre.

RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE, REDUIRE NOS EMISSIONS
En Algérie, le réchauffement climatique est une réalité. Récemment deux universitaires algériens ont planché sur les relevés pluviométriques de ces 50 dernières années. Leur constat est alarmant : selon les régions d’Algérie et en moyenne, il manque annuellement 100 mm de pluies.
Il serait peut-être temps d’apporter notre contribution à la réduction des gaz à effet de serre. Certes, la plantation d’arbres est encouragée en Algérie, de même que les transports collectifs dans les grandes villes. Ces plantations permettent de capter plus de CO2. Mais à côté de cela, combien de CO2 dégagées par les torchères de nos puits de pétrole, par l’industrie gazière et le boom de l’automobile en Algérie ?
Où sont les panneaux photo-voltaïques, les chauffes-eau solaire sur les terrasses, l’isolation thermique des maisons, l’utilisation de la bicyclette, le recyclage des déchets ? Quelle proportion de l’apprentissage de gestes écologiques dans les programmes scolaires ?
Rappelons qu’il s’agit de gestes pour nous protéger et non pas pour suivre une quelconque mode.

L’ALGERIEN CONDAMNE A ETRE VEGETARIEN ?
Un autre domaine où le citoyen peut agir afin d’influencer le cours des choses concerne l’alimentation. Produire 1 litre de lait, nécessite la consommation de 500 litres d’eau. Dans un pays semi-aride et aride comme l’Algérie, tabler sur une forte consommation de produits laitiers représente une hérésie. Certes, les produits laitiers et les produits animaux apportent des protéines. Mais les protéines existent également dans les légumes secs : pois-chiche, lentille, fève, soja. Ceux-ci apportent des acides aminés dont des acides aminés essentiels si importants pour l’organisme. En témoigne les végétariens et les végétaliens qui privilégient les protéines végétales dans leur alimentation. Ces catégories de consommateurs de plus en plus représentées dans les pays européens bénéficient d’une bonne santé. Aujourd’hui où les consommateurs algériens sont gagnés par l’obésité, l’hypertension, le diabète et le cholestérol il serait temps de s’interroger sur le mode d’alimentation que nous devons privilégier.
De leur côté les industriels du secteur agro-alimentaire ont à imaginer et à promouvoir les protéines végétales pourtant déjà très présentes dans l’alimentation traditionnelle.

DETRUIRE LES CONSTRUCTIONS ILLICITES SUR LES TERRES AGRICOLES
Nourrir à partir des ressources locales 38 millions d’Algériens connaissant une démographie encore galopante relève d’un pari impossible selon certains spécialistes européens. Il s’agit également de tenir compte des populations sahéliennes à la démographie incontrôlée et qui se voyant refuser l’eldorado européen seraient bien tenté par l’Algérie. Il paraît que les cartes d’identité d’Algériens décédées se monnayent à prix d’or dans les wilayas du grand Sud algérien. Maliens et nigériens en sont très demandeurs.
Dans ces conditions, la préservation des terres agricoles du Nord du pays est un impératif vital. Il est criminel de bétonner ces terres constituées de sols profonds et à la pluviométrie abondante. Et si les pouvoirs publics se doivent d’être impitoyables en détruisant toute construction illicite sur des terres agricoles, ils doivent être également exemplaires.
Etre exemplaire signifie, délocaliser vers l’intérieur du pays diverses administrations. On peut se demander pourquoi le siège de l’Institut Technique des Grandes Cultures se situe à Alger. Chacun sait en effet, que les régions céréalières sont situées à l’intérieur du pays. L’un des meilleurs laboratoire algérien spécialisées dans l’étude des zones arides et plus particulièrement le palmier-dattier se situe à … Bab-Ezzouar. L’Ecole Nationale Supérieur d’Agronomie se situe à Alger, idem pour l’Ecole Nationale Vétérinaire. Les exemples de la sorte sont légion.
Mais au delà des institutions agricoles, à l’heure du numérique et des transports rapides en train devront nous obligatoirement maintenir des administrations et industries sur le littoral algérien ? Car qui dit administrations et industries dit écoles, lycées, universités, hôpitaux, super-marchés, autoroutes ; bref tous les équipements nécessaires à l’accroissement naturel d’une population urbaine. Malgré la tendance à la baisse du nombre d’enfants par famille, nombreuses sont celles qui dans les villes d’Alger, Oran, Annaba ou Constantine possèdent 4 enfants ; le tout parfois dans seulement deux pièces.
Les espaces libérés par ces délocalisations ne devraient pas servir d’effet d’aubaine à d’autres, mais être sanctuarisés dans un but de préserver les terres agricoles.
Délocaliser un service à l’intérieur du pays, c’est délocaliser également les emplois de services induits. Nos universités forment des géographes et des spécialistes de l’aménagement. Il serait temps de faire appel à leurs compétences.
Le principe de la protection des terres agricoles devrait être inscrit dans la Constitution et faire l’objet d’un pacte national. Mais dans l’état actuel des choses, cela reste un rêve. Les wali, même ceux les plus courageux, ne peuvent rien contre la marée bétonneuse. Ainsi, la ville de Batna concentre la majorité de la population de la wilaya. Or, la ville est construite sur une plaine fertile dont la terre vient des collines environnantes. Colline aujourd’hui pierreuses malgré les travaux de DRS de l’époque coloniale. La ville de Batna s’agrandit et construit sur le sol qui auparavant la nourrissait.

URBANISATION INCONTROLEE, INCOMPETENCE ET IMPUISSANCE AU PLUS HAUT NIVEAU
Un précédent ministre de l’agriculture affirmait que face au bétonnage des terres agricoles au Nord, il y avait en parallèle la mise en valeur des terres de l’intérieur du pays. La sécheresse hivernale vient montrer l’absurdité d’un tel raisonnement. Comment irriguer ces terres s’il ne pleut pas. Comment ré-alimenter les nappes phréatiques sur-exploitées s’il ne pleut pas.
Quand l’incompétence se situe à un tel niveau de responsabilité, cela devient plus qu’inquiétant. Et quand il ne s’agit pas d’incompétence, il s’agit d’impuissance. Ainsi l’actuel ministre de l’agriculture exprimait récemment la difficulté à défendre les terres agricoles et les pressions phénoménales qui étaient exercées sur les services du MADR. C’est dire combien le pays courre à la catastrophe. « Rabbi yastor » a-t-on coutume de dire en Algérie…


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