samedi 12 décembre 2015

ALGERIE : IMPORTATIONS DE BLE TENDRE, UN REVELATEUR DES CARENCES ORGANISATIONNELLES DE LA FILIERE

ALGERIE : IMPORTATIONS DE BLE TENDRE, UN REVELATEUR DES CARENCES ORGANISATIONNELLES DE LA FILIERE
Djamel BELAID 09.12.2015

En Algérie, les importations de blé de blé tendre ne cesse de croître. Graignant les explosions sociales, les pouvoirs publics priviligient un soutien couteux des prix à la consommation. Ce soutien est fondamental pour les ménages les moins aisés pour qui « le pain constitue un plat ». Cependant, la presse dénonce régulièrement le gaspillage du pain qu'une telle politique engendre. Curieusement, alors que les importations de blé tendre (BT) coûtent plus cher que celles de blé dur (BD), les prix à la production encouragent surtout la culture du BD. La dépendance accrue en BT est un révélateur extrèmement prècis des carences locales en matière technique et organisationnelle.

BT, UNE PRODUCTION DECRIEE CHEZ LES CEREALIERS
L'analyse des emblavements céréaliers montre que le BD et l'orge ont la primeur par rapport au BT. Si le BD bénéficie d'une prime de 1000DA/quintal par rapport au BT, un autre facteur joue sur la structure des emblavements. Les créaliers ont été échaudés par de récentes épidémies de rouille jaune sur BT. La rouille a la faculté de réduire de 50% voir plus les rendements. Cette nuisibilité provient du caractère explosif de son cycle. Contrairement à l'oidium dont le duvet blanc sur les feuille est plus spectaculaire que nuisible ou la septoriose qui progresse de feuille en feuille au fur et à mesure des pluies, la rouille se caractérise par des ré-infectations nombreuses et rapides. Conséquences, les feuilles sont rapidement détruites ; elles ne peuvent alors plus contribuer au remplissage du grain en fin de cycle. Le rendement chute alors de façon drastique.

ITGC, COMBATTRE LA ROUILLE PAR DES VARIETES RESISTANTES
Pour les services agricoles, dont l'ITGC, la solution passe par l'utilisation de variétés résistantes. On peut être étonné du retard pris dans la lutte contre la rouille. Cette maladie n'est pas nouvelle. Très tôt durant la période coloniale, elle a été signalée par les agronomes.
Ainsi, on peut s'étonner du retard pris dans la diffusion de variétés résistantes. A ce propos, on peut se demander si aux côtés des efforts des services agricoles concernés ne devraient pas exister des obtenteurs privés. Une telle situation ne pourrait que créer une saine émulation et concourir au développement de la vulgarisation comme cela est le cas dans les pays étrangers. Il est étonnant que l'Algérie dispose de firmes privées pour la diffusion de produits phytosanitaires, d'engrais, de matériel agricole mais pratiquement pas de firmes diffusant de nouvelles variétés de blé. Signalons cependant que la société privée Axium propose depuis peu de telles variétés ; l'investissement dans le domaine de l'obtention serait souhaitable. Créer de nouvelles variétés demande plus de 5 à 6 ans d'où des investissements non négligeables. Notons cependant que l'Algérie possède des spécialistes chevronnés dans ce domaine high-tech.

TRAITEMENTS FONGICIDES, VISER LA PREVENTION
Si, des variétés de BT résistantes à la rouille sont à privilégier, cela ne suffit malheureusement pas. Le recours aux fongicides est nécessaire. Cependant, si les chiffres fournis par les CCLS montrent une croissance régulière des surfaces traitées, le total atteint à ce jour reste ridiculement bas au vu des enjeux. Il faut dire que bon nombre de cadres locaux ont été formés avec l'idée que le climat semi-aride local ne nécessitait pas le recours aux fongicides. Si ce principe est juste en zone peu arrosée, dans les zones à bon potentiel, l'impasse sur les traitements fongicides relèvent de la pratique de la « roulette russe ». Pour des céréaliers ne possèdant pas le matériel de pulvérisation adéquat ne pas utiliser de fongicides peut être compréhensible. Mais, il est arrivé que des céréaliers possèdant le matériel nécessaire pratiquent de telles impasses. Il faut dire pour leur défense que la rouille ne frappe pas chaque année. La solution pourrait être le recours aux avertissements agricoles. L'INPV a mis sur place un efficace réseau d'observation. L'emploi d'internet et des réseaux sociaux peut permettre également d'informer plus rapidement les premiers concernés. D'autant plus que les CCLS mettent aujourd'hui à la disposition des céréaliers les molécules les plus modernes issues de la recherche. Ces fongicides sont en effet produits par des firmes internationnales aux budgets de recherche impressionnants. Des technico-commerciaux locaux assurent progressivement la couverture du territoire national et la vulgarisation de ces produits. Cependant, il faut compter avec le caractère explosif de la rouille. L'humidité créée par l'irrigation d'appoint peut amplifier les cas d'infestation. Aussi, les céréaliers doivent opter pour des programmes de traitement préventifs – dans le cas de situations à risque – ou pour des traitements rapides en cas de risques avérés. Dans les deux cas, cela nécessite la disponibilité en matériel de pulvérisation.

TRAITEMENT FONGICIDES , PMAT UN PARTENAIRE INCONTESTABLE
La culture du blé est caractérisée par la grande taille des parcelles. Les traitements fongicides reposent donc sur l'emploi d'un matériel adéquat de pulvérisation. Force est de constater le sous-équipement des exploitations. Même si ce type de matériel se démocratise du fait de la nécessité d'en disposer pour les traitements herbicides, les modèles de pulvérisateurs locaux produit par le groupe PMAT sont caractérisés par une largeur de traitement insuffisante (12 mètres). Cette largeur a pour conséquence des vitesses de chantier réduites ; d'autant plus que pour être efficaces, les traitements ne doivent pas avoir lieu aux heures les plus chaudes de la journée. Elle a également pour effet des traces plus nombreux de passage de roues. Des plants de blé sont alors écrasés sur toute la longueur des parcelles et cela présente un effet psychologique négatif pour nombre de céréaliers. Des concessionnaires privés importent du matériel de plus grande largeur tels ceux de la marque Hardy par exemple, mais plus cher. La solution passe par la mise au point de puvérisateurs locaux de plus grande envergure de pulvérisation. A ce propos, il s'agit de noter l'apport incontestable du groupe public PMAT à la céréaliculture locale. Grâce à ce groupe bon nombre d'exploitations ont pu s'équiper en pulvérisateurs et gagner ainsi en productivité.

D'AUTRES OPTIONS POSSIBLES
Développer la production locale de BT passe également par la prise en compte du prix à la production. La prime de 1 000 DA/quintal en faveur du BD a incontestablement détourné de la culture du BT nombre de céréaliers. Ne faudrait-il pas revoir le régime des primes en vigueur au risque de porter un coup fatal à la production de BD ?
Si la consommation de BD a longtemps était prédominante, le mode de vie urbain semble avoir entrainer une certaine érosion de sa consommation sous forme de semoule. Par ailleurs, la production de BD est actuellement entachée par un manque de maîtrise technique. Le choix des variétés et la non maîtrise de la fertilisation azotée pèsent sur le rendement et la qualité de la semoule obtenue par les transformateurs. Produire du blé dur digne de ce nom est donc plus ardu que la production du BT ; la culture du BT exige un itinéraire technique moins exigeant.
Une autre piste qui semble intéresser l'OAIC est de mélanger de la semoule à de la farine importée. Le but est de produire un pain qui se conserve mieux. En effet, une des explications au gaspillage de
pain proviendrait de la piètre qualité des baguettes de pain. L'humidité de l'air d'Alger et la moiteur qui en découle donne en quelques heures une consistance proche de celle du caoutchouc aux baguettes parisiennes produites par les boulangers locaux.

En fin de compte, le déficit en BT constaté en Algérie est significatif d'un faible niveau technique des céréaliers. Les prix à la production mais également le manque de maîtrise technique rendent sa culture incertaine. Si une politique des prix plus attractive est nécessaire, la levée de l'incertitude lièe au risque des maladies s'avère cruciale. Elle passe par la disponibilité de variétés résistantes mais également de moyens de traitements fongicides. L'élaboration de programmes fongicides adaptés passe par une vulgarisation de terrain. Or, celle-ci reste encore balbutiante même si de grandes exploitations privées ou publiques (fermes pilotes) arrivent à un niveau technique appréciable. Les progrès en BT restent également dépendant d'une meilleure rentabilité que seule, en absence d'irrigation d'appoint, peut actuellement assurer la technique du non-labour avec semis direct. Rentabilité que pourrait également assurer des coopératives céréalières sur le modèle français en assurant une première transformation du grain et ainsi en préservant les marges financières des sociétaires.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire