ALGERIE :
IMPORTATIONS DE BLE TENDRE, UN REVELATEUR DES CARENCES
ORGANISATIONNELLES DE LA FILIERE
Djamel
BELAID 09.12.2015
En
Algérie, les importations de blé de blé tendre ne cesse de
croître. Graignant les explosions sociales, les pouvoirs publics
priviligient un soutien couteux des prix à la consommation. Ce
soutien est fondamental pour les ménages les moins aisés pour qui
« le pain constitue un plat ». Cependant, la presse
dénonce régulièrement le gaspillage du pain qu'une telle politique
engendre. Curieusement, alors que les importations de blé tendre
(BT) coûtent plus cher que celles de blé dur (BD), les prix à la
production encouragent surtout la culture du BD. La dépendance
accrue en BT est un révélateur extrèmement prècis des carences
locales en matière technique et organisationnelle.
BT, UNE
PRODUCTION DECRIEE CHEZ LES CEREALIERS
L'analyse
des emblavements céréaliers montre que le BD et l'orge ont la
primeur par rapport au BT. Si le BD bénéficie d'une prime de
1000DA/quintal par rapport au BT, un autre facteur joue sur la
structure des emblavements. Les créaliers ont été échaudés par
de récentes épidémies de rouille jaune sur BT. La rouille a la
faculté de réduire de 50% voir plus les rendements. Cette
nuisibilité provient du caractère explosif de son cycle.
Contrairement à l'oidium dont le duvet blanc sur les feuille est
plus spectaculaire que nuisible ou la septoriose qui progresse de
feuille en feuille au fur et à mesure des pluies, la rouille se
caractérise par des ré-infectations nombreuses et rapides.
Conséquences, les feuilles sont rapidement détruites ; elles
ne peuvent alors plus contribuer au remplissage du grain en fin de
cycle. Le rendement chute alors de façon drastique.
ITGC,
COMBATTRE LA ROUILLE PAR DES VARIETES RESISTANTES
Pour les
services agricoles, dont l'ITGC, la solution passe par l'utilisation
de variétés résistantes. On peut être étonné du retard pris
dans la lutte contre la rouille. Cette maladie n'est pas nouvelle.
Très tôt durant la période coloniale, elle a été signalée par
les agronomes.
Ainsi, on
peut s'étonner du retard pris dans la diffusion de variétés
résistantes. A ce propos, on peut se demander si aux côtés des
efforts des services agricoles concernés ne devraient pas exister
des obtenteurs privés. Une telle situation ne pourrait que créer
une saine émulation et concourir au développement de la
vulgarisation comme cela est le cas dans les pays étrangers. Il est
étonnant que l'Algérie dispose de firmes privées pour la diffusion
de produits phytosanitaires, d'engrais, de matériel agricole mais
pratiquement pas de firmes diffusant de nouvelles variétés de blé.
Signalons cependant que la société privée Axium propose depuis peu
de telles variétés ; l'investissement dans le domaine de
l'obtention serait souhaitable. Créer de nouvelles variétés
demande plus de 5 à 6 ans d'où des investissements non
négligeables. Notons cependant que l'Algérie possède des
spécialistes chevronnés dans ce domaine high-tech.
TRAITEMENTS
FONGICIDES, VISER LA PREVENTION
Si, des
variétés de BT résistantes à la rouille sont à privilégier,
cela ne suffit malheureusement pas. Le recours aux fongicides est
nécessaire. Cependant, si les chiffres fournis par les CCLS montrent
une croissance régulière des surfaces traitées, le total atteint à
ce jour reste ridiculement bas au vu des enjeux. Il faut dire que bon
nombre de cadres locaux ont été formés avec l'idée que le climat
semi-aride local ne nécessitait pas le recours aux fongicides. Si ce
principe est juste en zone peu arrosée, dans les zones à bon
potentiel, l'impasse sur les traitements fongicides relèvent de la
pratique de la « roulette russe ». Pour des céréaliers
ne possèdant pas le matériel de pulvérisation adéquat ne pas
utiliser de fongicides peut être compréhensible. Mais, il est
arrivé que des céréaliers possèdant le matériel nécessaire
pratiquent de telles impasses. Il faut dire pour leur défense que la
rouille ne frappe pas chaque année. La solution pourrait être le
recours aux avertissements agricoles. L'INPV a mis sur place un
efficace réseau d'observation. L'emploi d'internet et des réseaux
sociaux peut permettre également d'informer plus rapidement les
premiers concernés. D'autant plus que les CCLS mettent aujourd'hui à
la disposition des céréaliers les molécules les plus modernes
issues de la recherche. Ces fongicides sont en effet produits par des
firmes internationnales aux budgets de recherche impressionnants. Des
technico-commerciaux locaux assurent progressivement la couverture du
territoire national et la vulgarisation de ces produits. Cependant,
il faut compter avec le caractère explosif de la rouille. L'humidité
créée par l'irrigation d'appoint peut amplifier les cas
d'infestation. Aussi, les céréaliers doivent opter pour des
programmes de traitement préventifs – dans le cas de situations à
risque – ou pour des traitements rapides en cas de risques avérés.
Dans les deux cas, cela nécessite la disponibilité en matériel de
pulvérisation.
TRAITEMENT
FONGICIDES , PMAT UN PARTENAIRE INCONTESTABLE
La
culture du blé est caractérisée par la grande taille des
parcelles. Les traitements fongicides reposent donc sur l'emploi d'un
matériel adéquat de pulvérisation. Force est de constater le
sous-équipement des exploitations. Même si ce type de matériel se
démocratise du fait de la nécessité d'en disposer pour les
traitements herbicides, les modèles de pulvérisateurs locaux
produit par le groupe PMAT sont caractérisés par une largeur de
traitement insuffisante (12 mètres). Cette largeur a pour
conséquence des vitesses de chantier réduites ; d'autant plus
que pour être efficaces, les traitements ne doivent pas avoir lieu
aux heures les plus chaudes de la journée. Elle a également pour
effet des traces plus nombreux de passage de roues. Des plants de blé
sont alors écrasés sur toute la longueur des parcelles et cela
présente un effet psychologique négatif pour nombre de céréaliers.
Des concessionnaires privés importent du matériel de plus grande
largeur tels ceux de la marque Hardy par exemple, mais plus cher. La
solution passe par la mise au point de puvérisateurs locaux de plus
grande envergure de pulvérisation. A ce propos, il s'agit de noter
l'apport incontestable du groupe public PMAT à la céréaliculture
locale. Grâce à ce groupe bon nombre d'exploitations ont pu
s'équiper en pulvérisateurs et gagner ainsi en productivité.
D'AUTRES
OPTIONS POSSIBLES
Développer
la production locale de BT passe également par la prise en compte du
prix à la production. La prime de 1 000 DA/quintal en faveur du BD a
incontestablement détourné de la culture du BT nombre de
céréaliers. Ne faudrait-il pas revoir le régime des primes en
vigueur au risque de porter un coup fatal à la production de
BD ?
Si la
consommation de BD a longtemps était prédominante, le mode de vie
urbain semble avoir entrainer une certaine érosion de sa
consommation sous forme de semoule. Par ailleurs, la production de BD
est actuellement entachée par un manque de maîtrise technique. Le
choix des variétés et la non maîtrise de la fertilisation azotée
pèsent sur le rendement et la qualité de la semoule obtenue par les
transformateurs. Produire du blé dur digne de ce nom est donc plus
ardu que la production du BT ; la culture du BT exige un
itinéraire technique moins exigeant.
Une autre
piste qui semble intéresser l'OAIC est de mélanger de la semoule à
de la farine importée. Le but est de produire un pain qui se
conserve mieux. En effet, une des explications au gaspillage de
pain
proviendrait de la piètre qualité des baguettes de pain. L'humidité
de l'air d'Alger et la moiteur qui en découle donne en quelques
heures une consistance proche de celle du caoutchouc aux baguettes
parisiennes produites par les boulangers locaux.
En fin de
compte, le déficit en BT constaté en Algérie est significatif d'un
faible niveau technique des céréaliers. Les prix à la production
mais également le manque de maîtrise technique rendent sa culture
incertaine. Si une politique des prix plus attractive est nécessaire,
la levée de l'incertitude lièe au risque des maladies s'avère
cruciale. Elle passe par la disponibilité de variétés résistantes
mais également de moyens de traitements fongicides. L'élaboration
de programmes fongicides adaptés passe par une vulgarisation de
terrain. Or, celle-ci reste encore balbutiante même si de grandes
exploitations privées ou publiques (fermes pilotes) arrivent à un
niveau technique appréciable. Les progrès en BT restent également
dépendant d'une meilleure rentabilité que seule, en absence
d'irrigation d'appoint, peut actuellement assurer la technique du
non-labour avec semis direct. Rentabilité que pourrait également
assurer des coopératives céréalières sur le modèle français en
assurant une première transformation du grain et ainsi en préservant
les marges financières des sociétaires.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire