ON PEUT REDUIRE DE 30 % NOS IMPORTATIONS DE BLE
CHERFAOUI M.S.
Enseignant Fac Agro-Bio Tizi-Ouzou
Contribution parue dans El Watan 22 juin 2015
Au vu des statistiques de ces dernières années, la situation de la
sécurité alimentaire de l’Algérie paraît de plus en plus
hypothéquée et d’après les projections des spécialistes la
situation financière risque de s’empirer.
L’Algérie connaît un déficit caractérisé de la production de
certaines cultures stratégiques : 70 % de nos besoins en
semoule et farines sont importés et 100 % des besoins en sucre et
huiles de tables viennent de l’étranger ; le maïs et les
tourteaux sont importés en totalité. Jusqu’à quand
continuerons-nous à encourager les agriculteurs étrangers au
détriment des nationaux ?
En 2013-2014, la production céréalière toutes espèces confondues
n’a pas dépassé les 34.5 millions de quintaux contre 49.1
millions de quintaux en 2012-2013 mais toujours loin de satisfaire la
demande nationale ; l’Algérie est l’un des plus gros
importateurs de blé dans le monde. Nous pensons qu’il existe des
solutions susceptibles de diminuer la dépendance alimentaire sur les
céréales par la diversification des cultures et de nouveaux modes
de production de farines. Sur certaines céréales l’amélioration
des caractères panifiables est très difficile, elle est liée à
une faible productivité. Certaines espèces très rustiques et
productives présentent des qualités faibles, on a alors recours à
des mélanges de céréales. Dans beaucoup de pays d’Europe la
fabrication de pains est souvent assurée par des mélanges de deux
types de farines issues de plantes différentes. En Algérie, il est
possible d’introduire deux espèces en intensif pour compenser la
faible production du blé ; Il s’agit du seigle et du
triticale qui sont largement cultivés dans le monde.
Le seigle est une céréale produisant 70 à 75 kg de farine dans 100
kg de grains, autrefois très utilisée pour la fabrication de pain
de seigle appelé pain noir, très répandu en Europe, il a une
grande valeur diététique. On peut le mélanger avec le blé (35 et
65 %) et la farine obtenue est appelée méteil car le seigle est
pauvre en gluten. L’intérêt de cette culture est qu’elle est
moins exigeante que le blé, c’est une plante rustique, peut être
cultivée jusqu’à 3000 m d’altitude, elle peut supporter des
températures pouvant atteindre moins 30°C, elle se contente de 350
mm d’eau durant son cycle et elle est moins exigeante que le blé
en éléments minéraux. C’est une culture dont les rendements
dépassent les 60 qx/ha dans des conditions non favorables aux blés.
La deuxième culture est le triticale ; c’est une espèce
artificielle créée par l’Homme. Il est issu d’un croisement
entre le blé et le seigle, son nom provient des noms latins des
parents triticum pour le blé et secale pour le seigle.
Cette espèce a comme résultat la réunion de la productivité du
blé et la rusticité du seigle. Les essais menés par l’ITGC ont
donné des rendements moyens de 46 qx/ha avec des pointes de 60
qx/ha. Le potentiel de rendement du triticale pour une même
région est 30 à 50% supérieur à celui du blé ou de l'orge.
Sur le plan physiologique le triticale exige 350 mm d’eau et les
mêmes quantités d’azote, de phosphore et de potassium que le
seigle, c’est à dire moins que le blé. Il peut aussi être
cultivé jusqu’à 2500 m d’altitude puisqu’il peut supporter
jusqu’à moins 25°C. Le triticale supporte mieux la sècheresse;
pour un même déficit hydrique lorsque le blé perd 10 g de son PMG
(poids de mille grains), le triticale n’en perd que 3g.
Le triticale a une teneur de 68 % d’amidon et 13 à 17 % de
protéines, Il renferme de nombreux sels minéraux, des
oligo-éléments (P et K) et des vitamines du groupe B. Toutefois il
est pauvre en gluten , dans la panification un complément de
farine de blé tendre est indispensable. Le mélange avec la farine
de blé tendre peut atteindre 30 %. Il est donc possible de le
panifier, de le brasser et de le distiller.
Ces deux espèces (seigle et triticale) étant rustiques avec
d’excellentes performances peuvent être développées dans les
régions marginales ou difficiles.
Pour permettre l’exploitation des potentialités de ces cultures il
faut néanmoins respecter l’itinéraire technique et les opérations
ayant une influence significative sur les composantes du rendement à
savoir : les densités de semis : elles différent selon
les conditions du milieu, la fertilisation azotée, pivot des
rendements : elle doit être fractionnée et calculée en
fonction de la biomasse de la culture. Ces deux cultures sont
résistantes aux maladies, il faut une lutte efficace contre les
adventices.
Le stress hydrique n’est pas le seul facteur responsable des très
bas rendements obtenus en Algérie : en 2014 18 qx /ha en
moyenne, ailleurs 80 à 90 qx/ha sont des rendements habituels.
Les pertes dues au stress hydriques et thermiques peuvent être
prévues par une modélisation des pertes de poids de 1000 grains, ce
qui permet d’intervenir immédiatement sur la parcelle pour
déclencher les irrigations en calculant d’une manière très
précise la quantité d’eau à apporter et de prévoir le
rendement..
La farine de ces deux cultures peut être mélangée avec celle du
blé jusqu’à 30 % tout en gardant les qualités organoleptiques et
de gout. Ces farines mixtes, mélange de blé et d’autres espèces
font l’objet d’une réglementation.
Un autre facteur sur lequel on peut aisément intervenir est le taux
d’extraction, actuellement les algériens sont habitués à
consommer du pain blanc fait avec seulement 70 % d’extraction des
grains, ce sont les farines dites de type 45. La solution serait d’en
extraire 80 %, ce sont les farines de type 65. Ces farines sont plus
riches en protéines, en cendres et en fibres.
En résumé, en augmentant le taux d’extraction de 10% et en
ajoutant 20 % farine de triticale ou de seigle, on réduit alors de
30% la quantité de blé.
Il reste néanmoins un travail de vulgarisation à faire auprès des
céréaliers, des minoteries, des boulangers et des
consommateurs.
Un autre problème et non des moindres est la formation d’agronomes ;
le système LMD a monté ses limites quant à la formation en
agronomie dans les universités, mais là c’est un autre débat.
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