CEREALES
TRAVAUX
DES CHAMPS EN JANVIER
Djamel Belaid 24.01.2016
djamel.belaid@ac-amiens.fr
Pour beaucoup de céréaliers,
janvier et février sont des mois creux. Les parcelles de céréales
sont semées, il n'y a plus rien à faire en plaine. Puis à quoi bon
s'aventurer sur les parcelles lorsque un vent froid souffle.
Pourtant, janvier et février sont des mois clés pour l'action mais
aussi la réflexion au niveau de la parcelle, de l'exploitation ou du
marché..
PRIORITE
AUX RELIQUATS AZOTES
La priorité consiste à
analyser l'azote du sol ; on parle de reliquats azotés en
sortie hiver. En effet, après la minéralisation de l'automne,
l'azote minéral du sol risque d'être lessivé par les pluies
hivernales. Minéralisation et lessivages sont différents d'une
année sur l'autre. Aussi, mettre 100 unités d'azote sur son blé
comme le préconisent la majorité des conseillers agricoles ne veut
rien dire. Il faut connaître son niveau d'azote minéral dans les
horizons du sol exploitées par les racines pour ajuster la dose
d'engrais à apporter. Un peut comme quand on met de l'essence dans
son réservoir ; on tient compte du niveau.
Comment faire en pratique?
Il s'agit de prendre une tarière et de réaliser une douzaine de
prélèvements sur une zone homogène et représentative de la
parcelle. Ces prélèvements sont à opérer entre 0-30 cm, 30 et 60
cm et 60 – 90 cm. Les échantillons sont à mettre dans une
glacière puis à envoyer le plus rapidement possible à un labo
d'analyses. L'analyse de l'azote du sol est simple à réaliser ;
un labo d'université ou d'un meunier peut s'en charger.
On prendra garde à tenir compte
des potentialités de sa parcelle pour fixer l'objectif de rendement.
Cet objectif peut être déterminé en faisant la moyenne de ses
rendements sur 5 ans. Pour un objectif de 30 qx/ha on multipliera 30
par 3,5 unités d'azote. Et c'est de cette valeur qu'on déduira le
stock d'azote minéral (reliquat azoté) de sa parcelle.
Comment faire si on ne peut pas
réaliser cette analyse ? On la demandera à son conseiller
agricole. Même si l'idéal est de réaliser une analyse pour chaque
parcelle, en matière de reliquats azotés, on peut utiliser des
moyennes régionales.
Enfin, il est à noter qu'il
existe une relation entre températures, précipitations et niveau des
reliquats azotés. Ainsi en cet hiver 2016 , on peut penser que
le niveau d'azote du sol est faible. La cause ? Une
minéralisation faible du fait de rares pluies automnales et des
précipitations hivernales qui auront fait migrer, hors d'atteinte
des racines, le peu d'azote minéral formé à l'automne.
En conclusion, cette année,
selon le potentiel de ses parcelles, on majorera les doses d'azote à
apporter.
EN
HIVER , ENCORE DES SEMIS
De récents travaux montrent que
pois-chiche et lentille peuvent être semés en hiver. Les semis de
printemps sont peu productifs. Il y a là un domaine à explorer. Une
telle pratique suppose un itinéraire technique particulier :
variétés adaptées, désherbage chimique ou mécanique maîtrisé.
Cette pratique de semis précoce
est appelé par les spécialistes « stratégie d'évitement ».
Il s'agit de faire coïncider le cycle végétatif de la culture avec
la période humide et surtout d'éviter le risque de coup de sec de
fin de printemps.
La même démarche est possible
avec le tournesol. Les semis en hiver de variétés tardives sont bien
plus productifs que ceux réalisés au printemps.
Bien que peu répandue
localement, la culture du tournesol offre des avantages certains :
production d'huile et de tourteaux. Afin de maximiser ses marges,
l'idéal est de triturer soi-même sa production et d'écouler huile
et tourteaux. La valeur des tourteaux peut être améliorée par un
décorticage mécanique simple à réaliser. Les tourteaux obtenus
« high-pro » peuvent alors même être utilisés en
aliment volaille en remplacement du soja.
EN
HIVER, PLANTATIONS ET FORMATION
Mais l'hiver est également la
période de plantation d'arbres et d'arbustes en limites de
parcelles. Les haies peuvent servir d'abris aux auxiliaires des
cultures et servir d'ombrage aux animaux en été. La station ITGC de
Sétif a réalisé avec succès la plantation en bandes d'attriplex
dans des parcelles de céréales. Cette plantation est inspirée de
la technique de « l'alley cropping ». L'intérêt est de
pouvoir proposer un complément fourrager aux ovins pâturant les
chaumes en été.
Mais l'hiver est également une
période de formation. C'est le moment que doivent choisir les
conseillers pour organiser des sessions de formation : maîtrise
de l'itinéraire technique des cultures mais également maîtrise de
nouvelles cultures, réflexion sur la rentabilité des cultures et la
maîtrise des charges fixes dont la mécanisation. Les formations ne
doivent concerner le niveau de la parcelle, mais aborder des
questions relatives à l'exploitation et au marché. Et là les
questions sont nombreuses : comment améliorer la collaboration
entre deux exploitations au moment des labours ou de la récolte ?
Stocker à la ferme ou livrer les céréales dès la récolte ?
Développer une activité artisanale de meunerie semoulerie à la
ferme ? La baisse de la rente pétrolière va bouleverser le
paysage agricole. Il faut dès maintenant s'y adapter. Seules les
exploitations ayant fait les ajustements nécessaires survivront.
Toute une panoplie de
conseillers techniques peuvent assurer ces formations :
techniciens de Chambre d'Agriculture, de DSA, de CCLS, d'Instituts
Techniques, d'université mais également des firmes
d'agro-fourniture (produits phyto-sanitaires et engrais,
concessionnaires en matériel).
AGRI-MANAGERS,
PRENDRE LES CHOSES EN MAIN
Si ces formations ne sont pas
programmées par les services agricoles locaux, c'est aux céréaliers
à faire des demandes communes pour les susciter. Un local chauffé,
les repas du midi assurés, une vingtaine de participants confirmant
leur inscription, des conseillers feront le déplacement pour
débattre. Qu'un groupe de céréaliers dynamiques prennent
l'initiative de ce genre de démarche, c'est déjà poser les bases
d'une organisation professionnelle autonome. Nous pensons en effet,
que seules des coopératives paysannes permettront le développement
des exploitations céréalières.
Les initiatives d'agri-managers
peuvent concerner, par exemple la mise en place d'un programme à
plusieurs exploitations pour faire venir les moissonneuses-batteuses
de la CCLS. Les gestionnaires des unités motoculture des CCLS ne
peuvent en effet envoyer du matériel vers des exploitations, si un
minimum d'hectares n'est pas réuni. L'idéal est d'assurer une
logistique parfaite : rotation des remorques et lieux de
positionnement des bennes Marel, repas des chauffeurs, ...
C'est aux céréaliers les plus
dynamiques, ceux qui ont une vision à long terme du développement
de leur exploitation et de leur région, c'est à ces agri-managers
de prendre les choses en main. A eux de réunir les conditions
locales du développement de leur filière et non pas seulement en
demandant des avantages particuliers mais pour le plus grand nombre.
Il nous semble que l'une des
formes d'action les plus efficaces concerne l'action commune.
Quelques grosses ou moyennes exploitations peuvent réunir des moyens
pour mieux valoriser leurs céréales. Pourquoi acheter
individuellement engrais et phytosanitaires ? Des commandes
groupées peuvent permettre de mieux négocier les prix de ces
produits ainsi que les coûts logistique. Pourquoi vendre tout son
grain à la CCLS ? Celle-ci, en le rétrocédant à des meuniers
et semouliers leur assure de confortables plus-values ? En
effet ces derniers tirent des bénéfices, non seulement sur la
vente de la semoule, de la semoule mais également sur le son.
Pourquoi ne pas envisager d'installer à plusieurs exploitations un
atelier artisanal ou carrément un moulin industriel et exiger des
pouvoirs publics les compensations afférents à ce type de
transformations. Le PDG de SIM raconte à cet égard que la
rentabilité de son activité à ses débuts était de 34%1.
Il raconte que par rapport au prix étatique de rétrocession du blé
et en considérant le prix de vente public autorisé pour sa semoule,
il avait « l'impression de voler les gens ».
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