dimanche 2 octobre 2016

GHARDAIA, LE MAÏS NE FAIT PLUS RECETTE.

GHARDAIA, LE MAÏS NE FAIT PLUS RECETTE.
Djamel BELAID 1.10.2016

Selon Ali Bendjoudi, directeur des services agricoles à Ghardaïa, la récolte automnale de maïs devrait connaître une sensible baisse. Les superficies emblavées n'ont en effet représentées que 900?ha au lieu des 2 500 ha de l'an passé. La cause ? L'ONAB qui a du mal à enlever les 8 000 qx produits par les agriculteurs locaux. Un comble quand on sait que la facture des importations de produits pour aliments du bétail (maïs et soja) tourne en moyenne autour de 1,4 milliards de DA.

LES DIFFICULTES DU MADE IN DZ
Le cas du maïs illustre les difficultés de bâtir une agriculture nationale orientée vers la satisfaction des besoins des consommateurs locaux.
Produire du maïs dans le sud sous irrigation continue avec pivot est un bel exploit des agriculteurs. Il faut dire que le maïs est une culture pratiquement inconnue localement. A part quelques pieds servant de mini brise-vent en maraîchage, le maïs était absent de nos champs.
Or, voilà que dans une seule région, des agriculteurs arrivent à en produire une quantité appréciable. Certes les quantités produites ne sont qu'une goutte d'eau face aux actuelles importations. Mais, cette production illustre le savoir-faire technique des investisseurs nationaux.

MAÏS-GRAIN, UN SAVOIR-FAIRE INCONTESTABLE
Les agriculteurs produisant du maïs et les cadres techniques les conseillant sont à féliciter. En effet, le maïs-grain produit vient en deuxième culture après le blé ou l'orge. Cela est possible grâce au choix de variétés à cycle court, au climat chaud et aux disponibilités actuelles en eau.
L'efficacité économique et agronomique de la rotation pourrait même être améliorée en semant en culture dérobée du colza fourrager avant le semis du blé. A cette fin, l'usage d'un semoir pour semis direct s'avère fort utile afin de concilier vitesse de semis et maintien de la matière organique du sol.

Le seul inconvénient de la production de maïs-grain vient de la forte demande en eau nécessaire à ce type de production. Or, l'eau des nappes phréatiques se renouvelle pas ou à un rythme nettement inférieur aux prélèvements. Par ailleurs, selon les nappes phréatiques, l'eau d'irrigation est plus ou moins chargée en sel. Aussi, au fur des campagnes d'irrigation, les sols deviennent saturés en sel. En effet, du fait de la faiblesse de la pluviométrie locale, on ne peut compter sur un lessivage naturel du sel par les pluies.

FELLAHINE, FAITES ENTENDRE VOTRE VOIX
Mais paradoxalement, cette production de maïs et le regrettable désengagement de l'ONAB illustrent le faible poids politique des paysans algériens. En effet, sous d'autres cieux, el-fellahines sont organisées en coopératives paysannes libres. Il ne s'agit pas comme chez nous de ces dépôts CCLS de l'OAIC dénommés abusivement « Coopératives » où les sociétaires n'ont pas voix au chapitre face à un directeur nommé par la tutelle depuis la capitale. Sous d'autres cieux, ce sont les coopératives qui organisent la collecte du maïs et le commercialise ou le transforme. A charge pour elles de préciser aux pouvoirs publics les quantités livrées et donc payées aux agriculteurs. Ces pouvoirs publics adressant alors aux-dits agriculteurs le montant des subventions allouées à la culture.

L'INCAPACITE DE L'ONAB
A ce schéma où les agriculteurs sont organisés librement en entités économiques viables et dynamiques, les nos pouvoirs publics ont préférés des offices publics. Or, dans le cas présent l'ONAB montre son incapacité à stimuler la production locale de matière première pour aliment du bétail. Cet office et l'OAIC sont plus à l'aise pour installer des suceuses à grains sur les quais de nos ports ou importer à tour de bras des grains achetés en devises à des agriculteurs étrangers.
Si un tel schéma pouvait se concevoir aux premières années de l'indépendance, à l'heure de la réduction de la rente pétrolière, de l'émergence d'une paysannerie dynamique et d'élites rurales, il semble temps de fluidifier le commerce du grain.
Certes, les enjeux sont grands. On touche là au secteur de l'alimentation. Or, qui dit réforme de l'outil public dit appétits démesurés de certains opérateurs privés et copinages répréhensibles. 
 
UN CHANTIER POUR LE NOUVEAU MINISTRE DE L'AGRICULTURE
Il y a là un chantier pour le nouveau ministre de l'agriculture. Techniciens de terrain, directeurs des services agricoles, élus et walis doivent exiger à leur autorité de tutelle un examen critique de la situation. L'organisation du commerce du maïs concernant le Sud ne peut se satisfaire de schémas bureaucratiques. Plus qu'ailleurs, dans le Sud, les distances pénalisent le geste économique. Surtout lorsque celui-ci a à pâtir de la bureaucratie. Aussi, sans céder aux sirènes de l'ultra-libéralisme, il est nécessaire d'imaginer un nouveau type d'organisation du marché du maïs-grain. Celui-ci ne peut plus être du seul ressort de l'ONAB, du moins au Sud du pays.

Actuellement, l'ONAB n'arrivant pas à enlever le maïs produit par les agriculteurs, pourquoi donc ne pas déléguer à ces producteurs la possibilité de valoriser leur production. Pour cela, il s'agit d'encourager la création d'unités locales de fabrication d'aliments du bétail. Certes, les marchés les plus importants se situent au Nord. Mais une demande existe au Sud. Si les producteurs locaux de maïs-grain pouvaient bénéficier des prix garantis et des aides à la production d'aliments de bétail, nul doute qu'ils sauraient progressivement réunir les conditions nécessaires afin de valoriser leur production.
Or, actuellement, le schéma dominant est celui des offices tout puissants. Pourtant, sur le terrain, l'exemple du maïs de Ghardaïa vient démontrer le contraire.

MAÏS, SOJA, TRITICALE ET EAU
La dépendance de l'Algérie pour l'alimentation des élevages avicoles est forte. Afin de nourrir les animaux, d'autres moyens que la production locale de maïs existe. Ce maïs importé peut être partiellement remplacé par l'orge et encore plus par les triticales. Or ces deux céréales ne réclament pas l'irrigation coûteuse indispensable aux parcelles de maïs.
Par ailleurs, la production de protéines animales revient cher en grains et fourrages. Aussi, il devient indispensable d'élargir l'offre locale en protéines végétales : lentilles, pois-chiche, fèves, soja extrudé. Ce type de produits apporte dans la ration alimentaire les mêmes acides aminés indispensables que les produits carnés.
Une réflexion portant sur le long terme est donc à envisager.

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