jeudi 7 avril 2016

ALGERIE, SEMI-DIRECT DU BLE, GRANDE AVANCEE DE CMA SIDI BEL ABBES.

ALGERIE, SEMI-DIRECT DU BLE, GRANDE AVANCEE DE CMA SIDI BEL ABBES.
Djamel BELAID djamel.belaid@ac-amiens.fr 6.04.2016
Nous avons longtemps espéré la construction en Algérie de semoirs pour semis-direct (SD). Non pas ces mastodontes tels ceux de Semeato, Kuhn, Versdät, Sola, John Shearer ou Gaspardo, mais des semoirs à prix abordables pour les petits et moyens agriculteurs. C'est là le seul moyen de vulgariser l'intéresante technique du semis-direct. Or, depuis quelques jours des informations nous sont remontées par différents canaux. Elles font état de la construction locale par CMA-Sola d'un prototype de semoir SD nommé « Boudour » dont nous avons pu voir une photo. C'est là un grand pas pour l'agriculture en Algérie.

ITGC ET CMA DES MAITRES D'OEUVRE A FELICITER
Tout d'abord, les cadres Algériens qui sont à l'initiative de ce projet sont à féliciter; de même que les techniciens et ouvriers qui ont contribué à produire ce premier engin. Ce sont ceux, en première analyse, ceux de l'ITGC et de CMA Sidi-Bel-Abbès. Les premières informations font état d'essais en conditions réelles. Espérons que ceux-ci débouchent sur une disponibilité de ce type d'engins.
Il semble que ce sont les ingénieurs de l'ITGC ainsi que des experts australiens, agissant dans le cadre d'un projet international, qui aient conseillé CMA-SOLA. On peut imaginer que le bureau d'études CAO de Sola a joué un grand rôle. Cette entreprise bénéficie d'un savoir-faire reconnu. Si on ne peut que se réjouir de ce type de coopération croisée, on peut cependant s'étonner du manque de créativité au niveau de CMA. Cette entreprise semble fonctionner uniquement en utilisant des modèles proposés par ses partenaires étrangers tels Sampo ou Sola. Cela est étonnant de la part d'une entreprise qui a vocation à fabriquer et à faire évoluer le matériel agricole local. Pourquoi cette entreprise ne fait-elle pas plus confiance à ses ingénieurs ?

LES SEMOIRS SD A DENTS, DES OUTILS REVOLUTIONNAIRES
Longtemps après l'indépendance, l'agriculteur algérien a continué à labourer ses terres avec la charrue en acier introduite d'Europe. Or, le labour est l'une des causes de l'érosion des sols et de leur perte de fertilité. Les USA en ont fait l'amer constat après avoir défriché les grandes plaines. Dès les années 1920 des tempêtes ont provoqué d'importants nuages de poussières les « dust bowl » qui ont causé la ruine de nombre d'exploitations. L'écrivain John Steimbeck en a d'ailleurs tiré un best-seller. En Algérie, les mêmes causes ont créé les mêmes problèmes qu'aux USA. A cela s'ajoute l'effet désastreux de l'élevage du mouton. Résultats: une agriculture minière dévastatrice pour les futures générations. Arrêter le labour nécessitait de proposer aux agriculteurs une alternative. Celle-ci a été développée aux USA, au Brésil et en Australie : le non-labour avec semis direct.
Les semoirs SD permettent donc de lever la menace de l'érosion. L'expérience menée dans différentes régions semi-arides montrent qu'ils valorisent mieux l'humidité du sol. A ce titre, ils constituent des semoirs « anti-sécheresse ». Par ailleurs, leur système de localisation des engrais permet de résoudre l'éternelle question de l'insolubilisation du phosphore dans les sols algériens à pH élevé.

Semoir de semis direct BOUDOUR (SD-3115-C) - YouTube

https://www.youtube.com/watch?v=iF4g-NkeBUs

SEMIS DIRECT, L'EXCELLENCE AUSTRALIENNE
En matière de semis-direct, seule la coopération agricole australienne - dans le cadre de l'Icarda - a été en mesure de proposer à l'Algérie et à d'autres pays du Maghreb ou du Proche-Orient, une technologie adaptée aux conditions pédo-climatiques et à la situation des petites et moyennes exploitations. La technologie australienne dépasse celle des autres constructeurs dans la mesure où les semoirs SD proposés sont à dents et qu'ils permettent de créer après leur passage de petits sillons. Ceux-ci collectent la moindre eau de pluie pour la diriger vers la zone où sont enfouies les semences. Par ailleurs, affrontant les mêmes risques de sécheresse que les paysans algériens, les Australiens ont ajouté à leur semoirs des roues plombeuses qui rappuyent le sol au dessus de la graine. Résultat, un meilleur contact sol-graine et donc une meilleure germination-levée même en conditions sèches. Il est donc possible de semer dès le mois d'octobre avant l'arrivée des pluies, d'où un gain de rendement. En Algérie, les semis traditionnels sont trop tardifs. Ils se déroulent jusqu'à décembre ce qui pénalise les rendements.
« Cerise sur le gâteau » les experts australiens, dont l'infatigable Pr.Jack Desbiolles – l'Algérie s'honnorait à lui décerner une médaille – a transmis aux cadres locaux le savoir-faire pour construire des semoirs SD « low cost » parfaitement adaptés répétons le aux petites et moyennes exploitations. Celles-ci sont souvent équipées de tracteurs de moyenne puissance de 65 à 80 chevaux et ne pourraient tirer les lourds semoirs SD importés. Précisons que concernant les grandes exploitations, leurs managers possèdent les moyens pour importer des semoirs de grandes tailles.
Le semis-direct est la pratique qui revisite le dry-farming des années 50-60 et jusqu'à maintenant encore pratiqué en Algérie.

CE QUI EST DORENAVANT POSSIBLE EN ALGERIE
Les semoirs SD ont la capacité de favoriser une meilleure utilisation de l'humidité du sol. Ils possèdent deux autres avantages. En libèrant l'agriculteur de la corvée du labour, ils permettent des économies de temps et de carburant. Outre le carburant c'est toute une série d'opérations culturales qui deviennent obsolètes : labour et recroisages pour la réalisation du lit de semences. Ainsi, le SD se traduit par une baisse des charges de mécanisation. Les décideurs du MADR ont là une occasion de réduire ou de ne pas augmenter les subventions aux céréaliculteurs – surtout ceux disposant de grandes surfaces. En effet, les gains de productivité permis par le passage au SD peuvent compenser l'inflation des intrants agricoles. Encore faut-il que ce type de semoirs soit rapidement disponible et qu'une vulgarisation efficace ait lieu. En effet, pour beaucoup d'agriculteurs, le labour a une portée symbolique très  forte. Et l' abandonner est pour beaucoup d'entre-eux une hérésie. Cependant, la récente hausse des carburants peut pousser les agriculteurs à aller plus rapidement vers cette nouvelle pratique.

LE SEMIS-DIRECT POUR RESORBER LA JACHERE
En rendant inutile le labour, le semis-direct permet d'ensemencer la même surface de terre six fois plus de temps qu'auparavant et à moindre coût. C'est d'ailleurs cet argument qui a poussé de grandes exploitations céréalières en Algérie, au Maroc, et en Tunisie à s'équiper en semoirs SD importés.
Semer plus vite permet un rêve caressé depuis des décennies par les cadres du MADR : résorber la jachère. Les semoirs SD offrent en effet la réponse idéale. C'est le cas concernant la vitesse et le coût réduit d'implantation des cultures de céréales, fourrages mais également légumes secs – il est même envisageable de semer du tournesol avec de tels engins. Les semoirs SD constituent également une réponse idéale pour une meilleure valorisation de l'humidité du sol. Ils sécurisent ainsi la récolte future et peuvent inciter les céréaliers à emblaver plus de superficie. Ceux-ci sont souvent échaudés du fait des sécheresses à répétition. Ils préfèrent moins semer et laisser les moutons pâturer sur les parcelles en jachère. Avec le semis-direct, l'incertitude climatique et donc l'incertitude de revenu liée à la culture des céréales est donc levée. Il s'agit là d'un aspect trop souvent négligé par les fonctionnaires des services agricoles assurés de leur revenu à travers leur paye mensuelle.
Un aspect est à approfondir. Il s'agit de la possibilité de semer des fourrages. Semer du fourrage de vesce-avoine ou pois-triticale est possible avec des semoirs SD. Le défi à venir serait de pouvoir semer sur les jachères pâturées des mélanges fourragers. Ceux-ci sont souvent constitués de petites graines. Le semoir SD Néo-Zélandais Aitchison  Grass Farmer permet cette opération appelée « sur-semis ». Sera-t-il possible de le faire avec le semoir SD-DZ Boudour ou avec ses différentes versions ?

ALGERIE, LE SEMIS-DIRECT POUR TOUT LE MONDE ?
Actuellement en Algérie, le semis direct n'est accessible qu'à une caste privilégiée d'agriculteurs : ceux ayant le moyen d'acheter de gros semoirs européens ou brésiliens et ceux bénéficiant des travaux réalisés par les unités motoculture des CCLS. En effet, certaines CCLS se sont équipés de semoirs SD importés. Démocratiser cette technique passe bien sûr par une production de masse des semoirs Boudour de CMA-SOLA et du seul constructeur privé algérien : les établissements Refoufi (père et fils) de Mezloug (Sétif). Chacun l'aura compris, ces deux entreprises en sont à leur début.
Une autre alternative au manque de semoirs SD consiste dans la transformation ou upgrading des semoirs conventionnels en semoirs SD. Cette démarche a été suivie avec succès en Irak et Syrie par des céréaliers et de petits artisans soudeurs bénéficiant de l'aide des experts australiens. Il s'agit pour cela de fabriquer des kits : éléments semoirs à dents et roues plombeuses. Cette tâche est réalisable par des entreprises privées et par CMA par exemple. C'est là une tâche urgent. La technologie est relativement simple. Peuvent faire l'objet d'un upgrading les semoirs conventionnels mais également les épandeurs à engrais en ligne ou les cultivateurs à dents de marque PMAT.dz sur lesquels il pourrait être possible de fixer trémie à semences-engrais et système de distribution proportionnel à l'avancement (DPA).
Les experts australiens et ceux qui ont été formés en Syrie et Irak mettent en ligne des dossiers complets sur internet. Ces informatoins détaillées sont accessibles en tapant "Icarda + ZT + seeder » sur google".
CMA-SOLA, Ets REFOUFI LES NOUVEAUX DEFIS
Les entreprises privés et publiques CMA-SOLA et Ets REFOUFI sont devant de nouveaux défis. Bien sûr le premier est d'améliorer leurs prototypes afin de produire des engins  répondant aux spécificités locales. Il s'agit ensuite d'arriver à une production de masse et de la fabrication de kit pour upgrading. Par leur contribution à la réduction des importations alimentaires, ces entreprises ont besoin d'une aide stratégique de la part des pouvoirs publics : aides financières bien sûr ou par exemple limitation de l'importation des semoirs SD étrangers pouvant concurrencer cette production nationale naissante. Les entreprises privées constituent un allié puissant pour les pouvoirs publics. En effet, leur localisation rurale au contact direct des agriculteurs utilisateurs de leurs semoirs leur permet de les améliorer et d'assurer une maintenance. La volonté de grandir de ces petites entreprises constitue par ailleurs, un puissant levier de vulgarisation du semis-direct. Levier plus puissant que les agents des services agricoles. Par ailleurs, elles participent à la création d'emplois.
Concernant les Ets REFOUFI Fils, la mise au point d'un prototype basée sur l'observation du modèle de semoir SD syrien Aschbel actuellement en fonction à Sétif est à souligner. Avec des moyens limités, cette jeune entreprise s'est lancée dans un projet ambitieux. Il est à espérer que d'autres petits constructeurs privés s'inspirent ce cette démarche.
Pour ces entreprises, il s'agira ensuite de proposer des versions de semoirs SD utilisables sous pivots dans les sols sableux du grand Sud ou utilisables en sol steppique. Bien que sujet à caution, certains effets néfastes de ce type de mise en valeur peuvent être atténués par le SD. En effet, labourer sous pivot ou en steppe – cas des sols profonds des dépressions (dayat) – constitue une hérésie. Il est urgent de proposer aux agriculteurs de ces zones de tester le semoir SD Boudour ou tout autre solution comme par exemple le semoir Agric PSM 30 à double spire (un exemplaire est utilisé par l'ITGC Oued-Smar)
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JACK DESBIOLLES, UN AMI DE L'ALGERIE 
Les entreprises DZ ont l'extraordinaire chance de pouvoir bénéficier de l'aide désintéressée de la coopération australienne et en particulier de la présence ponctuelle en Algérie du Pr Jack Desbiolles. Cette situation risque de ne pas durer ; l'aide technique australienne est progressivement ré-orientée vers l'Asie. Or, l'expérience étrangère est fondamentale: ainsi, l'utilisation de pointes de dents en acier ordinaire peut conduire - en quelques heures en sol abrasif - à une usure rapide et à la formation d'un lit de semence inadapté. Les Australiens montrent comment charger en tungstène les zones d'usure des socs ouvreurs de ces dents.
Les autres défis auxquels est confrontée la filière céréales concernent la maîtrise du désherbage indispensable en SD. Traditionnellement mené chimiquement, le désherbage nécessite la disponibilité en pulvérisateur et herbicides. La production locale de pulvérisateurs low-cost de marque SFT met aujourd'hui le désherbage chimique à portée de toutes les bourses en Algérie. A ce propos, les efforts réalisés par les cadres de l'ITGC afin de vulgariser la technique du désherbage chimique auprès des agriculteurs est à souligner.
Avec le semi-direct, l'agriculture est à l'aube d'une révolution technique que seule une mobilisation de toute la filière céréale permettra de concrétiser.

6 commentaires:

  1. Bonjour,
    merci pour cet article très instructif,bravo pour vos efforts vers ce modèle d'agriculture.
    bonne continuation.
    Mourad.B

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  2. Mr Mourad B. merci pour votre commentaire.
    Nous pensons en effet, que le semis-direct est une solution très intéressante en zone semi-aride.

    ps: nous avons relu l'article et corrigé certaines "coquilles", erreurs et lourdeurs de style.

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  3. Bonjour Mr Belaid,
    J'ai quelques questions:
    es-que le semis direct est déjà utilisé en Algérie ou pas encore?
    qu'elle est le prix de ce semoir ? l'endroit de sa production?
    quand vous dites résorber la jachère sa veut dire mettre des légumineuses a la place c'est ça? il y'a un cout pour les légumineuses es-que c'est rentable?
    merci pour vos réponses.
    Mourad .B
    mouradcne2@gmail.com

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    Réponses
    1. Bonjour,
      1- Oui, le semis direct est déjà utilisé en Algérie. Mais sur une faible surface (environ 10 000 ha). Cause de cette faiblesse: absence de disponibilité en semoirs SD. Seules de grosses exploitations privées ou étatiques peuvent acheter des semoirs SD étrangers (3 fois plus chers que des semoirs classiques).
      2- Le modèle CMA-SOLA-ITGC est produit à Sdi Bel-Abbès.
      3- Oui, cet engin est intéressant pour résorber la jachère. Concernant les légumineuses, dont les légumes secs, quelques remarques. Les agronomes marocains ont montré l'intérêt des semis d'hiver (pois-chiche). Concernant le désherbage mécanique (moins cher et moins sophistiqué), il serait intéressant d'utiliser des herses étrilles (cf Arvalis.fr). Enfin, question rentabilité, on peut compter sur un apport d'azote dans la rotation.

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