lundi 23 novembre 2015

ALGERIE, POUR LE RENFORCEMENT DE LA FILIERE BLE DUR LOCALE

ALGERIE, POUR LE RENFORCEMENT DE LA FILIERE BLE DUR LOCALE
Djamel BELAID 22.11.2015

La culture du blé dur en Algérie est actuellement menacée. Le coût de production du quintal de blé dur (BD) reste élevé. Jusque là, les pouvoirs publics soutenaient à bout de bras les producteurs, les organismes de collecte et l’industrie de la transformation. La récente chute des prix du pétrole risque de réduire l’aide publique et mettre à mal la filière. Pourtant contrairement au blé tendre, le blé dur possède une réelle typicité . Comment en est-on arrivé là et existe-t-il une alternative ? 

PRODUCTION ET CONSOMMATION DE BLE DUR, UNE SPECIFICiTE ALGERIENNE
Le couscous et le pain à la semoule de même que de nombreuses préparations culinaires sont spécifiquement algériennes, voire maghrébines. Mais elles ne se retrouvent pas dans le monde arabe plus tourné vers la consommation de céréales telles que le riz. Ce type de consommation ne se rencontre pas dans le pourtour méditerranéen où les principales utilisations du blé dur concerne la confection de pâtes alimentaires.
Si le blé dur est si présent dans l’alimentation locale, c’est que depuis toujours, cette céréale a été produite localement. Comme l’orge, elle est particulièrement bien adaptée au terroir local : des hivers froids et des printemps souvent marqués par un déficit hydrique. Si les paysans cultivent donc du blé dur, c’est qu’ils ne peuvent faire autrement à moins d’irriguer. Or, toutes les surfaces céréalières ne peuvent être irriguées. La culture du blé dur présente ainsi un réel ancrage local, un « lien au lieu ». Les céréaliers ne peuvent se passer du blé dur. Il leur assure de meilleures marges que l’orge même si cette dernière est très demandée en alimentation animale. Le problème est que si de tout temps, la production de BD a permis de nourrir la population locale et même d’assurer des exportations vers Rome, cela n’est plus le cas aujourd’hui. 

LA CONCURRENCE DU PAIN DE BLE TENDRE
Le blé tendre est de plus en plus présent dans la consommation des habitants du Maghreb. Même en Egypte, la consommation de céréales se fait principalement à partir de blé tendre. La demande est telle que pour satisfaire les besoins des ménages les moins favorisé les pouvoirs publics ont instauré une carte à puce. Une lutte féroce est engagée entre les pays producteurs de blé tendre pour conserver ou augmenter leur part de marché. A Alger, comme dans les capitales voisines, un représentant des exportateurs français est présent sur place afin de scruter l’évolution de la demande locale. En Algérie, l’engouement pour le blé tendre est réel à travers la demande en baguette parisienne. La consommation de blé tendre augmente aux dépends de celle du blé dur. Qui, en début de mois, comme dans les années 70 rentre encore chez soit « balla smid* »? L’urbanisation et le développement de l’emploi féminin font que les préparations culinaires à base de blé dur diminuent face à l’omniprésence de la baguette parisienne au blé tendre.
(*) sac de semoule d’un quintal.

LA BAGUETTE DE PAIN, UNE AUBAINE POUR LES POUVOIRS PUBLICS
Le développement de la consommation de blé tendre sous forme de baguette de pain est une aubaine pour les pays producteurs de blé tendre mais également pour les pouvoirs publics des pays importateurs. La cause de cet intérêt vient du prix inférieur du blé tendre par rapport au blé dur. Il est plus intéressant financiérement d’importer du blé tendre que du blé dur. Pour les pouvoirs publics de nombreux pays de la rive sud de la Méditerranée, il est devenu plus facile de faire accoster des bateaux chargés de blé tendre que de développer la production locale. La guerre des prix entre pays producteurs liées aux actuelles bonnes récoltes ainsi qu’au développement récent de la production de céréales en Russie et Ukraine fait que le blé tendre inonde le marché marocain, tunisien, égyptien et algérien. C’est également un moyen d’éviter toute explosion sociale. Dans ce contexte la production de blé dur se trouve directement menacée.

UNE MENACE POUR L’ENSEMBLE DE LA FILIERE BLE DUR
En Algérie, la menace du blé tendre étranger vis à vis du blé dur local concerne l’ensemble de la filière : céréalier, organisme de collecte et transformateurs. Les producteurs locaux de BD perçoivent actuellement une prime de 1 000 DA par rapport au quintal de BT livré aux silos des CCLS. Ils reçoivent en effet 4500 DA pour tout quintal livré contre seulement 3500 DA pour le blé tendre. L’éventuelle suppression de cette prime porterait un sévère coup à une production locale marquée par une faible productivité. Ce relèvement des prix à la production décidé en 2008 a été pour beaucoup dans l’augmentation des emblavements en BD. Pour les CCLS, principaux organismes de collecte et d’approvisionnement en intrants agricole, la réduction des tonnages livrés pourrait impacter directement leur survie dans la mesure où, étant données les rigueurs du climat, la substitution de la culture du BD par le BT n’est pas systématiquement envisageable dans les exploitations. Quant à une éventuelle augmentation de la collecte en orge suite à une substitution des emblavements de BT par l’orge, il ne faut pas y compter pour les CCLS. Celles-ci ne collectent que très peu d’orge. Les céréaliers préférant l’utiliser directement pour l’alimentation de leurs animaux ou la vendre aux éleveurs à des prix supérieurs à ceux proposés par les CCLS.
Quant aux transformateurs, leur intérêt premier pourrait être de s’approvisionner sur le marché extérieur. Ce dernier propose des blés durs de qualité. Cependant la production mondiale en BD est réduite. Dans le cas français, cette production est même subventionnée dans le cas de la région sud. L’orientation de la nouvelle PAC amène à se demander jusqu’à quand tiendront ces subventions? Déjà la filière BD française s’inquiète de la baisse des volumes collectés. Les céréaliers français étant plus réticents à une production particulièrement réglementé. Dans le cas du BD canadien, les coûts de transport peuvent réduire son intérêt. Enfin, toute importation est sujette à divers aléas. Or, ce n’est pas le cas avec un approvisionnement local. Bien que dépendant des CCLS par qui passe le commerce du grain, les transformateurs commencent à identifier les BD de qualité et les exploitations qui les produisent. Il s’établit ainsi au fil du temps un « lien au lieu » qui est plus sûr que le produit arrivant en camions à partir des ports. En effet, selon les contrats passés, malgré le cahier des charges de l’OAIC, la qualité des blés d’importation peut être différente du fait des assemblages réalisés outre-mer. 

CEREALIERS DZ, SEDUIRE LES TRANSFORMATEURS
On le voit les transformateurs ont tout intérêt à un approvisionnement local. Mais cela sous réserve de prix compétitifs, d’une stabilité des quantités livrées et d’une qualité irréprochable. Ces conditions ne sont pas actuellement réunies. Cependant, céréaliers et organismes de collecte peuvent rapidement progresser vers cet objectif.
Concernant les prix, les céréaliers disposent de plusieurs leviers afin de continuer à produire malgré une éventuelle réduction du mécanisme d’incitation par les prix (abandon éventuel de la prime BD). Concernant les charges de structures, ils peuvent réduire leur coût de mécanisation en adoptant la technique du non-labour avec semis direct. Le statut du foncier agricole s’est trouvé clarifié ces dernières années. Reste à préciser le cas des locataires exploitant les terres des attributaires. Il est certain que la définition d’un droit de fermage, comme il en existe à l’étranger, conforterait l’activité des exploitants.
Concernant les charges opérationnelles (semences, engrais et phytosanitaires), il s’agit de jouer sur divers tableaux. Le coût de la semence certifiée peut être réduit par la production partielle de semence de ferme triée et traitée. Cela nécessite cependant le développement d’unités mobiles de ferme en ferme. Concernant la fertilisation, il est possible de baisser son coût en se basant, pour l’azote, sur des rotations à base de légumineuses ainsi que la mesure du reliquat azoté en sortie hiver. Le développement de la localisation des engrais de fonds sur la ligne de semis est également envisageable. L’utilisation des produits phytosanitaires est difficilement réductibles. Ceux-ci sont actuellement peu employés. Or désherbants, insecticides et fongicides constituent des gages d’augmentation des rendements. Ceci dit, des réductions d’emploi sont possibles par le développement du désherbage mécanique et plus généralement par une meilleure technicité des exploitants.

QUANTITE DES LIVRAISONS, MOBILISER LES TERRES EN JACHERE
L’établissement d’une relation entre les producteurs d’un bassin de production et les moulins locaux passe par la levée de l’incertitude sur les quantités livrées. Afin de répondre au défi des quantités de BD à livrer au secteur de la transformation, les céréaliers disposent de plusieurs atouts. Le premier concerne l’irrigation de complément. Là où il est possible de disposer de ressources en eau, c’est là un moyen de passer de rendements moyens de 15 qx/ha à 40 qx/ha voire plus. Un autre atout vient des terres actuellement en jachère. Elles peuvent permettre d’augmenter les emblavements. Il est cependant nécessaire de tenir compte des surfaces réservées à l’élevage ovin. Il s’agit le plus souvent de surfaces de jachère pâturées. Les animaux y broutent la végétation naturelle. Le remplacement de cette jachère pâturée par des pâturages semés permettrait d’offrir aux animaux plus d’unités fourragères par hectare et par conséquent de réduire leur surface.
Le drame de l’agriculture algérienne est de devoir semer la presque totalité des cultures à l’automne ; c’est à dire au début de la période des pluies. Il est difficilement imaginable de semer des cultures de printemps comme en Europe sauf à devoir les irriguer. Par conséquent, l’automne est caractérisé par une pointe de travail liée au labour, aux opérations de préparation du lit de semences puis au semis proprement dit. En matière de grandes culture, en Algérie, tout est joué en automne.
Or, depuis peu est apparu un atout dont les décideurs algériens n’ont pas encore entièrement réalisé l’importance stratégique en matière de sécurité alimentaire. Il s’agit de la technique du semis direct.
Testé et développé depuis plus de quinze ans au Maroc, le semis direct permet d’assurer une stabilisation des rendements céréaliers en année sèche. Du fait de la meilleur valorisation de l’eau emmagasinée dans le sol, il permet des rendements de 10 qx/ha en année de sécheresse là où l’utilisation de la charrue n’en permet que 2. A cet avantage, le semis direct apporte la rapidité d’exécution. Il permet d’emblaver 6 fois plus vite de surfaces que la conduite conventionnelle. En effet, en s’exonerant du labour, il évite les longues opérations de préparation du lit de semences. Cela est si vrai que les premiers à s’être emparé de cette technique en Algérie, Maroc et Tunisie sont de grosses exploitations céréalières.
L’intérêt du semis direct ne se limite pas au blé dur. Il concerne bien entendu le BT et l’orge mais également les légumes secs. Sur les surfaces consacrées en fourrages, il peut être également utilisé. Cette technique permet donc de lever le goulot d’étranglement constitué dans le cas de la conduite conventionnelle des cultures et qui obligeait à la persistance de la jachère travaillée.
Emblaver plus de surfaces en BD risque cependant de favoriser le retour plus souvent de cette céréale sur les mêmes parcelles. Il s’en suit des baisses de rendement. La solution passe par l’extension des rotations. Il s’agit pour cela d’introduire sur les exploitations de nouvelles cultures telles les oléagineux. Par ailleurs, afin d’assurer le développement des surfaces en cultures déjà existantes telles les légumes secs et les fourrages de vesce-avoine, il s’agit respectivement d’améliorer les possibilités de désherbage et les capacité de récolte.

QUALITE DU BD, L’AFFAIRE DE TOUS
Si seule une qualité irréprochable des BD est un moyen fondamental afin d’ancrer localement l’approvisionnement des transformateurs, celle-ci est l’affaire de toute la filière.
Le céréalier y a sa part par le respect de la culture des variétés conseillées par le transformateur. Il doit également assurer une bonne qualité semoulière par la maîtrise de la fertilisation azotée. Enfin, seul un désherbage impeccable est en mesure de réduire dans le graine taux d’impuretés (graines de mauvaises herbes).
L’organisme de collecte a sa part dans une politique de qualité en assurant la traçabilité des lots depuis le champs jusqu’au moulin du transformateur. Cela nécessite des procédures de prises d’échantillons sur les livraisons de grains à l’entrée des silos avec analyses immédiates et différées, des barèmes d’agréage adaptés – les derniers datent de 1988 – ainsi qu’une disponibilité en cellules de stockage permettant un allotement correct. Cette stratégie de l’organisme de collecte peut être confortée par un stockage partiel et momentané à la ferme.
Enfin, concernant le transformateur, sa participation à une politique de qualité intervient dans la définition d’un cahier des charges. En l’absence actuelle d’organisation des céréaliers et de politique qualité de la part des organismes de collecte, il revient aux transformateurs de jouer le rôle de chef d’orchestre. Actuellement à Sétif ou Guelma, face aux carences de l’OAIC, des transformateurs ont pris l’initiative d’inciter les céréaliers à faire de la qualité. Ils ont monté des réseaux d’agriculteurs qui sont suivis techniquement. Il leur est ainsi proposé un choix variétal particulier de même qu’une protection phytosanitaire de la culture.

FILIERE BLE DUR, PROPOSER AU CONSOMMATEUR DE NOUVELLES FARINES
Depuis peu des cadres de l’Eriad testent localement l’intérêt des consommateurs pour des pains incorporant à la farine importée de la semoule de blé dur locale. Cette initiative peut conduire à plus utiliser la production locale parfois boudée par les transformateurs pour ses piètres qualités. Mais au delà, cette initiative ouvre la voie à la mise au point de nouveaux mélanges de farine. On pourrait imaginer à l’avenir des farines incorporant un certain pourcentage d’orge. Du fait de son cycle végétatif plus court, cette céréale est plus aisée à produire. Elle peut ainsi éviter les sécheresses de fin de printemps accentuées ces derniers temps par le réchauffement climatique. Cette céréale a été la première à être exportée, certes en petite quantité, lors des dernières années record.
De tels mélanges présentent des avantages en matière de santé du fait des beta-glucanes présents dans l’orge. Ils présentent également l’avantage de réduire le coût de revient du pain. En effet, le quintal d’orge présente une valeur moindre que celle du BD ou même du BT.
Ces voies ne sont actuellement que modestement explorées. A l’étranger, elles sont le fait d’organismes de collecte et de stockage ayant investi dans le secteur de la transformation. C’est le cas des farines
pour les baguettes traditionnelles Banette ou Rétrodor qui connaissent un vif succès en France. En Algérie, ce type de mélange pourrait contribuer à rendre moins couteuse la filière BD. 

QUEL MAITRE D’OEUVRE POUR RENFORCER LA FILIERE BD ?
En Algérie, le renforcement de la filière BD passe par des actions qui concernent différents acteurs. Les enjeux dépassent le seul cadre de la parcelle de blé ou l’exploitation de l’agriculteur puisqu’elle concerne le marché. Or, l’expérience montre, souvent pour le petit paysan, le seul horizon immédiat est celui du bout de son champs.
D’où peut donc venir l’étincelle salvatrice ? Viendra-t-elle des CCLS ? Celles-ci représentent en effet un poids considérable en matière de chiffre d’affaires céréalier. Ces organismes de collecte et de stockage et de collecte se situent à l’interface entre production et transformation. On pourrait s’attendre à ce que ces structures situées dans les régions à fort potentiel (Sétif, Constantine, Tiaret) collectant dans une zone traditionnelle et en plus pour des produits à prime déploient des moyens fassent preuve d’initiative afin d’augmenter le volume de collecte. Or, les CCLS en question, de part leur statut d’antenne d’un Office public ne tirent aucun avantage à toute augmentation de collecte. Dans les pays céréaliers, les organismes de collecte déploient des moyens considérables en matière de vulgarisation technique. Ce sont avant tout des émanations des agriculteurs eux mêmes dans le cas de coopératives. La concurrence est rude avec les entreprises de négoce. L’OAIC s’est illustré par l’ingéniosité du montage permettant le financement des installations d’irrigation d’appoint. Par contre en matière d’animation technique de terrain, de participation des producteurs ou d’intégration verticale on note un immobilisme. Ce sont les CCLS qui devraient dialoguer avec les transformateurs et leur proposer un approvisionnement en quantité stable de BD de qualité. Or, les statuts des CCLS ne permettent pas la prise d’initiative. Il y a une non prise en compte des enjeux actuels. A ce titre, en occupant le rôle dévolu à de véritables coopératives céréalières et n’assumant pas ce rôle, les CCLS empêchent l’émergence de groupements de producteurs. Elles pourraient ainsi même être les futurs fossoyeurs de la filière BD. Quid des cadres des CCLS ? Le ministre en charge du MADR, Mr Ferroukhi, faisait récemment remarquer que ces CCLS comptent pas moins de 400 ingénieurs. L’avenir de la filière, c’est aussi le leur qui est en jeu. Sur la base de l’expérience acquise par des années de présence sur le terrain ces cadres sauront-ils suggérer à leur tutelle une évolution  salvatrice? Cette tutelle ne s’exprime actuellement qu’en terme de surfaces emblavées, de milliers de quintaux collectés, d’équivalent hectares fongicides livrés. Mais la notion de gouvernance au niveau des CCLS ou de filière lui semble étrangère. A son échelle, l’OAIC reproduit l’autisme du petit paysan qui ne raisonne qu’en terme de parcelle oubliant l’échelle de l’exploitation et du marché.

UNE POLITIQUE CE CONTRATS INITIES AU NIVEAU DES MOULINS ?
L’étincelle viendra-t-elle des transformateurs ? Certains ne risquent-ils pas d’être sensibles au chant des sirènes  liées à l’approvisionnement sur les marchés extérieurs ? Déjà certains transformateurs s’équipent en salle de marchés et recrutent des traders en grains.
La solution pourrait consister dans le développement d’une politique de contrats avec les agriculteurs. Celui-ci s’engage à produire une variété recommandée par le transformateur (bonne variété semoulière) en conséquence, il s’assure de pouvoir livrer sa récolte au moulin, voire recevoir un avantage financier. Pouvoir livrer sa récolte pourrait devenir un luxe, car rappelons le, en cas de signature de l’Algérie à l’OMC, le commerce du grain serait libre. Les transformateurs seraient libres de s’approvisionner à l’extérieur.
Déjà les transformateurs développent des réseaux qualité-blé et ont la possibilité de soulager les CCLS avec leurs moyens de stockage. Il n’y a qu’un pas à franchir pour que la vente du grain ne passe plus par les CCLS. Celles-ci auraient alors à leur côté de nouveaux opérateurs ; opérateurs plus impliqués dans la qualité .

LES AGRI-MANAGERS MAITRE D’OEUVRE D’UNE POLITIQUE DE RENOUVEAU ?
Qu’attendre des agri-managers ? Comme la petite paysannerie, ils ont tout à perdre d’un abandon de la filière BD à son sort. Ces représentants des grosses fermes privées regroupent différents ayant-droit et totalisent souvent des centaines d’hectares. Ils se recrutent également au niveau des fermes pilote ou d’EAC n’ayant pas cédé à la tentation de l’exploitation individuelle es terres. Il s’agit souvent de personnes diplômée et possédant une connaissance du marché. Ils pourraient jouer le rôle d’aiguillon, agir dans le cadre d’institutions telle le FCE, sur les adaptations nécessaires des CCLS. Ils pourraient constituer le noyau pour créer des groupements de producteurs de BD creusets de futures coopératives céréalières telles qu’il en existe à l’étranger. Ils pourraient demander les avantages fiscaux accordés par la puissance publique à toute coopérative. Il leur faudrait obtenir le droit à recevoir les compensations publiques – jusque là réservées aux transformateurs – dans le cas de la mise sur pied d’unités de transformation du grain. Ces grosses exploitations ainsi que les petites qu’ils pourraient fédérer possèdent un atout : c’est elles qui détiennent le grain. Au lieu de se précipiter, dès la récolte terminée, aux portes des CCLS et de le livrer, elles pourraient investir dans la transformation et non plus vendre seulement du grain, mais de la semoule voire du couscous en mettant le pied dans le secteur de la deuxième transformation. Ainsi, non seulement, ils pourraient préserver leur marge, mais également s’assurer de débouchés locaux et acquérir plus de force vis à vis des transformateurs actuellement installés et plus susceptibles de s’approvisionner en BD étranger. Pratiquer une intégration verticale permettrait aux producteurs de conforter leur pouvoir de négociation. 

CEREALIERS, NE COMPTER QUE SUR SOIT-MEME
Par ailleurs, face à des pouvoirs publics tétanisés par le risque d’explosion sociale de quel poids pèserait les céréaliers ? Nul doute qu’il seraient sacrifiés sur l’autel de la paix sociale au bénéfice des céréaliers de BT étrangers. Au printemps dernier, avec la grève de la livraison du lait de vache, les éleveurs ont innové en matière de revendication catégorielle. Grève des livraisons du grain, comme celle du lait ? Outre la baisse des subventions publiques liées à la baisse de la rente pétrolière, les céréaliers doivent tenir compte de la libéralisation du commerce du grain qu’entrainerait une éventuelle signature de l’Algérie à l’OMC. Comme les céréaliers marocains, ils y auraient tout à perdre. Quant à eux, les pouvoirs publics ne peuvent rester éternellement spectateurs face aux évolutions qui se dessinent au sein de la filière et qui les dépassent. Aussi, à ces pouvoirs publics d’orienter dès maintenant les acteurs de la filière dans la bonne direction. Une direction assurant le développement de la filière, du partage équitable des marges, de l’emploi agricole et rurale ainsi que la satisfaction du consommateur. Certes, cela est plus difficile que faire accoster un bateau chargé de céréales au port d’Alger, mais c’est ce qu’on appelle la bonne gouvernance.

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