Projet Irri Alt’eau
Irriguer les vignes avec les eaux
recyclées issues des stations d’épuration
Publié le 18/07/2016par Emmanuelle Thomas
L’irrigation des parcelles a été
assurée par un système d’irrigation aérien par goutte-à-goutte.
Les diffuseurs, positionnés au niveau de chaque cep au niveau du sol
pour le carignan, et à 30 cm du sol pour le viognier. Photo : Flor
Etchebarne
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Dans le sud de la France, l’eau
devient rare. L’irrigation des vignes est une solution pour lutter
contre le stress hydrique, mais les ressources en eau sont limitées.
Les eaux recyclées, issues des stations d’épuration, peuvent
constituer une ressource alternative.
Le projet Irri-Alt’eau a pour
objectif d’étudier la faisabilité de l’utilisation des eaux
recyclées issues des stations d’épuration. Cette pratique est
déjà mise en œuvre dans d’autres pays viticoles comme l’Espagne,
les États-Unis (Californie notamment) et l’Australie. En France,
la réglementation actuelle permet l’utilisation d’eaux issues du
traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour
l’irrigation des cultures. Tout en respectant les niveaux
sanitaires requis pour la culture à irriguer. Cependant, les
viticulteurs sont en partie réticents, selon une enquête menée
dans le cadre du projet. D’où l’intérêt d’une étude poussée
pour établir l’inocuité de cette utilisation à la fois sur les
sols, la vigne, le raisin et, bien sûr, sur le vin.
Ce projet collaboratif associe six
partenaires : Véolia, coordinateur et concepteur d’un prototype de
traitement des eaux, Aquadoc, (fabricant de système d’irrigation),
la cave coopérative de Gruissan, le Grand Narbonne et deux
laboratoires de l’Inra1. Il a démarré en 2013 pour trois
campagnes d’irrigation : 2013, 2014 et 2015. Les expérimentations
ont été menées à l’Inra de Pech Rouge sur deux parcelles aux
sols différents de respectivement 1 ha et 0,5 ha.
« Une parcelle de viognier (conduite
en espalier) située sur sols argilo-sableux, et une parcelle de
carignan, implantée sur sols calcaires et conduite en gobelet »,
précise Flor Etchebarne, en charge du projet à l’Inra.
L’irrigation des parcelles a été
assurée par un système d’irrigation aérien par goutte-à-goutte.
Les diffuseurs, positionnés au niveau de chaque cep au niveau du sol
pour le carignan, et à 30 cm du sol pour le viognier.
Pas d’impact sanitaire
Dans les conditions de l’étude, la
qualité et la quantité d’eau apportée aux vignes étaient
maîtrisées.
Quatre modalités ont été comparées
: apport d’eau potable, d’eau usée traitée de qualité B, d’eau
usée de qualité C et d’eau brute « agricole », pompée dans le
canal Sainte-Marthe (Narbonne).
« Les eaux usées recyclées
provenaient de la station d’épuration de Narbonne-Plage. L’eau
de qualité B a subi, en plus des traitements classiques en station
d’épuration, une préfiltration, une désinfection par passage aux
UV et une chloration. L’eau de qualité C, uniquement une
préfiltration et une désinfection au chlore », explique-t-elle.
L’irrigation a été apportée en
même temps et en quantité équivalente sur les différentes
modalités, pendant la période de déficit hydrique, de mai-juin à
la récolte, selon les résultats des modèles de prévision (mesure
des potentiels hydriques).
En moyenne, 500 m3/ha d’eau ont été
apportés par campagne, en dix apports.
Les scientifiques ont analysé à la
fois la qualité des différentes « eaux » apportées aux ceps,
mais aussi l’impact sur le sol, sur la nappe phréatique, sur la
vigne et dans le raisin. Des vinifications ont également été
effectuées.
« La qualité des eaux a été étudiée
au niveau sanitaire (microbiologique), mais aussi vis-à-vis des
résidus de pesticides, des résidus de médicaments, et de la
présence éventuelle de métaux lourds. Les résultats confirment
leur utilisation possible pour irriguer la vigne, y compris pour les
eaux usées de qualité C. »
Des eaux plus chargées en nutriments
Comparée à l’eau potable et à
l’eau agricole, l’eau recyclée a une teneur en sels et une
charge nutritive plus élevées. Les premiers résultats montrent
qu’il n’y pas de différence dans le sol, la nappe phréatique,
la plante et dans la composition de la récolte et du vin entre
vignes irriguées avec des eaux recyclées ou eau agricole ou eau
potable. Ces résultats démontrent que la qualité du fruit et du
vin est plus sensible aux effets millésimes qu’au type d’eau
d’irrigation.
Les eaux issues de la station
d’épuration sont plus riches en nutriments (azote, phosphore,
potassium), mais aussi plus chargées en sels (chlorure, sodium). Les
expérimentations visaient donc également à voir l’effet de cette
« fertirrigation ».
« Nous n’avons pas constaté d’effet
de l’irrigation avec les eaux issues de la station d’épuration
sur la nutrition de la vigne. Mais ces résultats ne proviennent que
de deux années d’expérimentations – les résultats des analyses
pétiolaires de 2015 ne sont pas encore connus – et les effets
attendus sont plutôt des effets à long terme. Les apports sont en
effet réalisés en très petites quantités et dans le temps (50
m3/ha à chaque irrigation). » Ce point nécessitera d’être
creusé. Le projet Irri-Alt’eau s’est achevé en 2016, mais les
expérimentations devraient être poursuivies sur cette thématique à
la station Inra de Pech Rouge. Le site pourrait servir «
d’observatoire » et de démonstration sur le terrain à long
terme.
(1) Laboratoire de biotechnologie de
l’environnement de Narbonne (LBE) et l’unité expérimentale Pech
Rouge.
Article paru dans Viti n°417 de
mai/juin 2016
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