ALGERIE, SEMI-DIRECT DU BLE, GRANDE AVANCEE DE CMA SIDI BEL ABBES.
Djamel BELAID
djamel.belaid@ac-amiens.fr
6.04.2016
Nous avons longtemps espéré la
construction en Algérie de semoirs pour semis-direct (SD). Non pas
ces mastodontes tels ceux de Semeato, Kuhn, Versdät, Sola, John
Shearer ou Gaspardo, mais des semoirs à prix abordables pour les
petits et moyens agriculteurs. C'est là le seul moyen de vulgariser
l'intéresante technique du semis-direct. Or, depuis quelques jours
des informations nous sont remontées par différents canaux. Elles
font état de la construction locale par CMA-Sola d'un prototype de
semoir SD nommé « Boudour » dont nous avons pu voir une
photo. C'est là un grand pas pour l'agriculture en Algérie.
ITGC ET CMA DES MAITRES D'OEUVRE
A FELICITER
Tout d'abord, les cadres
Algériens qui sont à l'initiative de ce projet sont à féliciter;
de même que les techniciens et ouvriers qui ont contribué à
produire ce premier engin. Ce sont ceux, en première analyse, ceux
de l'ITGC et de CMA Sidi-Bel-Abbès. Les premières informations font
état d'essais en conditions réelles. Espérons que ceux-ci
débouchent sur une disponibilité de ce type d'engins.
Il semble que ce sont les
ingénieurs de l'ITGC ainsi que des experts australiens, agissant dans
le cadre d'un projet international, qui aient conseillé CMA-SOLA. On
peut imaginer que le bureau d'études CAO de Sola a joué un grand
rôle. Cette entreprise bénéficie d'un savoir-faire reconnu. Si on ne peut que se réjouir de ce type de coopération
croisée, on peut cependant s'étonner du manque de créativité au niveau de
CMA. Cette entreprise semble fonctionner uniquement en utilisant des
modèles proposés par ses partenaires étrangers tels Sampo ou Sola.
Cela est étonnant de la part d'une entreprise qui a vocation à
fabriquer et à faire évoluer le matériel agricole local. Pourquoi
cette entreprise ne fait-elle pas plus confiance à ses ingénieurs ?
LES SEMOIRS SD A DENTS, DES
OUTILS REVOLUTIONNAIRES
Longtemps après l'indépendance,
l'agriculteur algérien a continué à labourer ses terres avec la charrue en
acier introduite d'Europe. Or, le labour est l'une des causes de
l'érosion des sols et de leur perte de fertilité. Les USA en ont
fait l'amer constat après avoir défriché les grandes plaines. Dès
les années 1920 des tempêtes ont provoqué d'importants nuages de
poussières les « dust bowl » qui ont causé la ruine de
nombre d'exploitations. L'écrivain John Steimbeck en a d'ailleurs
tiré un best-seller. En Algérie, les mêmes causes ont créé les
mêmes problèmes qu'aux USA. A cela s'ajoute l'effet désastreux de
l'élevage du mouton. Résultats: une agriculture minière
dévastatrice pour les futures générations. Arrêter le labour
nécessitait de proposer aux agriculteurs une alternative. Celle-ci a
été développée aux USA, au Brésil et en Australie : le
non-labour avec semis direct.
Les semoirs SD permettent donc
de lever la menace de l'érosion. L'expérience menée dans
différentes régions semi-arides montrent qu'ils valorisent mieux
l'humidité du sol. A ce titre, ils constituent des semoirs
« anti-sécheresse ». Par ailleurs, leur système de
localisation des engrais permet de résoudre l'éternelle question de
l'insolubilisation du phosphore dans les sols algériens à pH élevé.
SEMIS DIRECT, L'EXCELLENCE
AUSTRALIENNE
En matière de semis-direct,
seule la coopération agricole australienne - dans le cadre de
l'Icarda - a été en mesure de proposer à l'Algérie et à d'autres
pays du Maghreb ou du Proche-Orient, une technologie adaptée aux
conditions pédo-climatiques et à la situation des petites et
moyennes exploitations. La technologie australienne dépasse celle
des autres constructeurs dans la mesure où les semoirs SD proposés
sont à dents et qu'ils permettent de créer après leur passage de
petits sillons. Ceux-ci collectent la moindre eau de
pluie pour la diriger vers la zone où sont enfouies les semences.
Par ailleurs, affrontant les mêmes risques de sécheresse que les
paysans algériens, les Australiens ont ajouté à leur semoirs des
roues plombeuses qui rappuyent le sol au dessus de la graine.
Résultat, un meilleur contact sol-graine et donc une meilleure
germination-levée même en conditions sèches. Il est donc possible
de semer dès le mois d'octobre avant l'arrivée des pluies, d'où un
gain de rendement. En Algérie, les semis traditionnels sont trop tardifs. Ils se déroulent jusqu'à
décembre ce qui pénalise les rendements.
« Cerise sur le gâteau »
les experts australiens, dont l'infatigable Pr.Jack Desbiolles –
l'Algérie s'honnorait à lui décerner une médaille – a
transmis aux cadres locaux le savoir-faire pour construire des
semoirs SD « low cost » parfaitement adaptés répétons
le aux petites et moyennes exploitations. Celles-ci sont souvent
équipées de tracteurs de moyenne puissance de 65 à 80 chevaux et
ne pourraient tirer les lourds semoirs SD importés. Précisons que
concernant les grandes exploitations, leurs managers possèdent les
moyens pour importer des semoirs de grandes tailles.
Le semis-direct est la
pratique qui revisite le dry-farming des années 50-60 et jusqu'à
maintenant encore pratiqué en Algérie.
CE QUI EST DORENAVANT POSSIBLE
EN ALGERIE
Les semoirs SD ont la capacité
de favoriser une meilleure utilisation de l'humidité du sol. Ils possèdent
deux autres avantages. En libèrant l'agriculteur de la corvée du
labour, ils permettent des économies de temps et de
carburant. Outre le carburant c'est toute une série d'opérations
culturales qui deviennent obsolètes : labour et recroisages
pour la réalisation du lit de semences. Ainsi, le SD se traduit par
une baisse des charges de mécanisation. Les décideurs du MADR ont
là une occasion de réduire ou de ne pas augmenter les subventions
aux céréaliculteurs – surtout ceux disposant de grandes surfaces.
En effet, les gains de productivité permis par le passage au SD
peuvent compenser l'inflation des intrants agricoles. Encore faut-il
que ce type de semoirs soit rapidement disponible et qu'une
vulgarisation efficace ait lieu. En effet, pour beaucoup
d'agriculteurs, le labour a une portée symbolique très forte. Et l'
abandonner est pour beaucoup d'entre-eux une hérésie. Cependant,
la récente hausse des carburants peut pousser les agriculteurs à
aller plus rapidement vers cette nouvelle pratique.
LE SEMIS-DIRECT POUR RESORBER LA
JACHERE
En rendant inutile le labour, le
semis-direct permet d'ensemencer la même surface de terre six fois
plus de temps qu'auparavant et à moindre coût. C'est d'ailleurs cet
argument qui a poussé de grandes exploitations céréalières en
Algérie, au Maroc, et en Tunisie à s'équiper en semoirs SD importés.
Semer plus vite permet un rêve caressé depuis des décennies par les cadres du MADR : résorber la jachère. Les semoirs SD offrent en effet la réponse idéale. C'est le cas concernant la vitesse et le coût réduit d'implantation des cultures de céréales, fourrages mais également légumes secs – il est même envisageable de semer du tournesol avec de tels engins. Les semoirs SD constituent également une réponse idéale pour une meilleure valorisation de l'humidité du sol. Ils sécurisent ainsi la récolte future et peuvent inciter les céréaliers à emblaver plus de superficie. Ceux-ci sont souvent échaudés du fait des sécheresses à répétition. Ils préfèrent moins semer et laisser les moutons pâturer sur les parcelles en jachère. Avec le semis-direct, l'incertitude climatique et donc l'incertitude de revenu liée à la culture des céréales est donc levée. Il s'agit là d'un aspect trop souvent négligé par les fonctionnaires des services agricoles assurés de leur revenu à travers leur paye mensuelle.
Semer plus vite permet un rêve caressé depuis des décennies par les cadres du MADR : résorber la jachère. Les semoirs SD offrent en effet la réponse idéale. C'est le cas concernant la vitesse et le coût réduit d'implantation des cultures de céréales, fourrages mais également légumes secs – il est même envisageable de semer du tournesol avec de tels engins. Les semoirs SD constituent également une réponse idéale pour une meilleure valorisation de l'humidité du sol. Ils sécurisent ainsi la récolte future et peuvent inciter les céréaliers à emblaver plus de superficie. Ceux-ci sont souvent échaudés du fait des sécheresses à répétition. Ils préfèrent moins semer et laisser les moutons pâturer sur les parcelles en jachère. Avec le semis-direct, l'incertitude climatique et donc l'incertitude de revenu liée à la culture des céréales est donc levée. Il s'agit là d'un aspect trop souvent négligé par les fonctionnaires des services agricoles assurés de leur revenu à travers leur paye mensuelle.
Un aspect est à approfondir. Il
s'agit de la possibilité de semer des fourrages. Semer du fourrage
de vesce-avoine ou pois-triticale est possible avec des semoirs SD.
Le défi à venir serait de pouvoir semer sur les jachères pâturées
des mélanges fourragers. Ceux-ci sont souvent constitués de petites
graines. Le semoir SD Néo-Zélandais Aitchison Grass Farmer permet cette
opération appelée « sur-semis ». Sera-t-il possible de
le faire avec le semoir SD-DZ Boudour ou avec ses différentes
versions ?
ALGERIE, LE SEMIS-DIRECT POUR
TOUT LE MONDE ?
Actuellement en Algérie, le
semis direct n'est accessible qu'à une caste privilégiée
d'agriculteurs : ceux ayant le moyen d'acheter de gros semoirs
européens ou brésiliens et ceux bénéficiant des travaux réalisés
par les unités motoculture des CCLS. En effet, certaines CCLS se sont équipés de semoirs SD importés. Démocratiser cette technique
passe bien sûr par une production de masse des semoirs Boudour de
CMA-SOLA et du seul constructeur privé algérien : les
établissements Refoufi (père et fils) de Mezloug (Sétif). Chacun
l'aura compris, ces deux entreprises en sont à leur début.
Une autre alternative au manque de semoirs SD consiste dans la
transformation ou upgrading des semoirs conventionnels en semoirs SD.
Cette démarche a été suivie avec succès en Irak et Syrie par des
céréaliers et de petits artisans soudeurs bénéficiant de l'aide
des experts australiens. Il s'agit pour cela de fabriquer des kits :
éléments semoirs à dents et roues plombeuses. Cette tâche est
réalisable par des entreprises privées et par CMA par exemple.
C'est là une tâche urgent. La technologie est relativement simple.
Peuvent faire l'objet d'un upgrading les semoirs conventionnels mais
également les épandeurs à engrais en ligne ou les cultivateurs à
dents de marque PMAT.dz sur lesquels il pourrait être possible de
fixer trémie à semences-engrais et système de distribution
proportionnel à l'avancement (DPA).
Les experts australiens et ceux
qui ont été formés en Syrie et Irak mettent en ligne des dossiers
complets sur internet. Ces informatoins détaillées sont accessibles
en tapant "Icarda + ZT + seeder » sur google".
CMA-SOLA, Ets REFOUFI LES
NOUVEAUX DEFIS
Les entreprises privés et
publiques CMA-SOLA et Ets REFOUFI sont devant de nouveaux défis.
Bien sûr le premier est d'améliorer leurs prototypes afin de
produire des engins répondant aux spécificités locales. Il s'agit
ensuite d'arriver à une production de masse et de la fabrication de kit pour
upgrading. Par leur contribution à la réduction des importations
alimentaires, ces entreprises ont besoin d'une aide stratégique de
la part des pouvoirs publics : aides financières bien sûr ou
par exemple limitation de l'importation des semoirs SD étrangers
pouvant concurrencer cette production nationale naissante. Les
entreprises privées constituent un allié puissant pour les pouvoirs
publics. En effet, leur localisation rurale au contact direct des
agriculteurs utilisateurs de leurs semoirs leur permet de les
améliorer et d'assurer une maintenance. La volonté de grandir de
ces petites entreprises constitue par ailleurs, un puissant levier de
vulgarisation du semis-direct. Levier plus puissant que les agents
des services agricoles. Par ailleurs, elles participent à la
création d'emplois.
Concernant les Ets REFOUFI Fils,
la mise au point d'un prototype basée sur l'observation du modèle
de semoir SD syrien Aschbel actuellement en fonction à Sétif est à souligner.
Avec des moyens limités, cette jeune entreprise s'est lancée dans
un projet ambitieux. Il est à espérer que d'autres petits
constructeurs privés s'inspirent ce cette démarche.
Pour ces entreprises, il s'agira
ensuite de proposer des versions de semoirs SD utilisables sous
pivots dans les sols sableux du grand Sud ou utilisables en sol
steppique. Bien que sujet à caution, certains effets néfastes
de ce type de mise en valeur peuvent être atténués par le SD. En
effet, labourer sous pivot ou en steppe – cas des sols profonds des dépressions (dayat) – constitue une hérésie. Il est urgent
de proposer aux agriculteurs de ces zones de tester le semoir SD Boudour ou tout autre
solution comme par exemple le semoir Agric PSM 30 à double spire (un exemplaire est utilisé par l'ITGC Oued-Smar)
.
JACK DESBIOLLES, UN AMI DE L'ALGERIE
.
JACK DESBIOLLES, UN AMI DE L'ALGERIE
Les entreprises DZ ont
l'extraordinaire chance de pouvoir bénéficier de l'aide
désintéressée de la coopération australienne et en particulier de
la présence ponctuelle en Algérie du Pr Jack Desbiolles. Cette
situation risque de ne pas durer ; l'aide technique australienne
est progressivement ré-orientée vers l'Asie. Or, l'expérience
étrangère est fondamentale: ainsi, l'utilisation de pointes
de dents en acier ordinaire peut conduire - en quelques heures en sol abrasif - à une usure rapide et à
la formation d'un lit de semence inadapté. Les Australiens montrent comment charger en tungstène les zones d'usure des socs ouvreurs de ces dents.
Les autres défis auxquels est
confrontée la filière céréales concernent la maîtrise du
désherbage indispensable en SD. Traditionnellement mené
chimiquement, le désherbage nécessite la disponibilité en
pulvérisateur et herbicides. La production locale de pulvérisateurs
low-cost de marque SFT met aujourd'hui le désherbage chimique à
portée de toutes les bourses en Algérie. A ce propos, les efforts
réalisés par les cadres de l'ITGC afin de vulgariser la technique
du désherbage chimique auprès des agriculteurs est à souligner.
Avec le semi-direct,
l'agriculture est à l'aube d'une révolution technique que seule une
mobilisation de toute la filière céréale permettra de concrétiser.
Bonjour,
RépondreSupprimermerci pour cet article très instructif,bravo pour vos efforts vers ce modèle d'agriculture.
bonne continuation.
Mourad.B
Merci pour votre intérêt.
SupprimerMr Mourad B. merci pour votre commentaire.
RépondreSupprimerNous pensons en effet, que le semis-direct est une solution très intéressante en zone semi-aride.
ps: nous avons relu l'article et corrigé certaines "coquilles", erreurs et lourdeurs de style.
Bonjour Mr Belaid,
RépondreSupprimerJ'ai quelques questions:
es-que le semis direct est déjà utilisé en Algérie ou pas encore?
qu'elle est le prix de ce semoir ? l'endroit de sa production?
quand vous dites résorber la jachère sa veut dire mettre des légumineuses a la place c'est ça? il y'a un cout pour les légumineuses es-que c'est rentable?
merci pour vos réponses.
Mourad .B
mouradcne2@gmail.com
Bonjour,
Supprimer1- Oui, le semis direct est déjà utilisé en Algérie. Mais sur une faible surface (environ 10 000 ha). Cause de cette faiblesse: absence de disponibilité en semoirs SD. Seules de grosses exploitations privées ou étatiques peuvent acheter des semoirs SD étrangers (3 fois plus chers que des semoirs classiques).
2- Le modèle CMA-SOLA-ITGC est produit à Sdi Bel-Abbès.
3- Oui, cet engin est intéressant pour résorber la jachère. Concernant les légumineuses, dont les légumes secs, quelques remarques. Les agronomes marocains ont montré l'intérêt des semis d'hiver (pois-chiche). Concernant le désherbage mécanique (moins cher et moins sophistiqué), il serait intéressant d'utiliser des herses étrilles (cf Arvalis.fr). Enfin, question rentabilité, on peut compter sur un apport d'azote dans la rotation.
Le prix svp n tel
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