ALGERIE, REDUIRE LES SUBVENTIONS
AUX CEREALIERS SANS TOUCHER A LEUR REVENU
Djamel BELAID 1.04.2016
djamel.belaid@ac-amiens.fr
La baisse de la rente pétrolière
réduit les moyens financiers des pouvoirs publics. A terme, cette
baisse ne peut que se traduire sur le niveau des subventions versées
au secteur céréalier. Comment pour la puissance publique réduire
ces subventions où ne plus les aligner sur l'inflation sans
pénaliser la production?
REGIONALISER LES SUBVENTIONS
Une première solution serait de
régionaliser les subventions. Il existe en Algérie des régions
céréalières à fortes potentialités. Les sols y sont profonds et
la pluviométrie plus régulière. C'est notamment le cas à l'Est du
pays ou dans la région de Tiaret. Lorsque en culture non-irriguée
les rendements sont de l'ordre de 40 qx/ha, faut-il continuer à
verser la prime de 1 000 DA/qx pour le blé dur ? Ne faudrait-il
pas la maintenir aux céréaliers installés sur des terres plus
ingrates ? Il s'agit en effet d'encourager ces derniers à
intensifier la conduite de leurs céréales. Le risque est qu'ils
donnent la priorité à l'élevage ovin plus rémunérateur.
PERSONNALISER LES SUBVENTIONS
Un autre moyen est de
personnaliser les subventions selon les exploitations. Pour une même
région, un céréalier produisant sur 100 hectares reçoit plus de
subventions qu'un céréalier produisant sur 15 hectares. La solution
serait de n'attribuer, par exemple, la prime blé dur qu'aux seuls
premiers 300 quintaux1
livrés à l'organisme collecteur. Malgré un montant réduit de
subventions au secteur céréales, les pouvoirs publics assurent
ainsi une aide aux exploitations et aux familles les plus fragiles.
Cette façon de faire est notamment développée par les récentes
versions de la Politique Agricole Commune (PAC).
Nombre de grandes et moyennes
exploitations ont acquis ces dernières années un équipement
matériel qui leur permet de réaliser des travaux agricoles vers des
exploitations démunies. Cette prestation de services agricoles leur
assure des revenus dont il s'agit de tenir compte et qu'il est
possible de développer – notamment par le développement du
non-labour avec semis direct.
ASSURER UN FILET DE SECURITE
TECHNIQUE
Pour la puissance, réduire le
montant des subventions céréalières – ou ne pas les augmenter à
l'avenir – nécessite de ne pas s'aliéner les céréaliers et leur
capacité à réduire les importations. La solution pourrait être
d'offrir à ces céréaliers un saut technologique leur assurant un
gain de productivité. Ce saut est possible grâce au développement
du non-labour avec semis direct. Outre une meilleure régularité des
rendements en sec, il permet de réduire les charges de mécanisation.
Il s'agirait donc de faciliter l'importation de semoirs pour semis
direct (SD). Nombreuses sont en effet les grosses exploitations
céréalières intéressées par ce genre d'engins. Ils permettent en
effet d'implanter les cultures 6 à 10 fois plus vite. Certaines ont
déjà abandonnée le labour. La récente hausse du prix des
carburants ne pourra que favoriser cette tendance.
Pour les petites et moyennes
exploitations, il s'agit de rendre disponibles ce genre d'engins. La
solution passe par l'importation de modèles de semoirs SD tels ceux
développés en Syrie, Irak et Jordanie par les experts australiens
au sein de l'Icarda. Mais l'idéal serait leur production locale par
CMA2
et des investisseurs locaux privés.
ASSURER UN FILET DE SECURITE EN
TERME DE MARCHE
Toujours afin de ne pas
s'aliéner les gros céréaliers, les pouvoirs publics pourraient
basculer une partie des subventions céréalières vers les
protéagineux, oléagineux ou légumes secs. Actuellement afin de
maximiser leurs profits, bon nombre d'exploitations céréalières
ont tendance à pratiquer des rotations courtes. Le blé dur revient
souvent sur les parcelles. Cette pratique favorise le développement
d'une flore adventices et de ravageurs spécifiques des céréales.
Encourager les céréaliers à développer des oléagineux tels le
tournesol ou le colza permettrait de réduire les importations. Il en
est de même avec la production de pois fourrager ou de féverole qui
peuvent concourir à réduire les importations de soja. Ces dernières
années, en matière d'oléagineux et de protéagineux, les variétés
et les techniques ont évolué en milieu semi-aride. Au Maroc, les
surfaces semées en tournesol ont progressé.
ASSURER UN FILET DE SECURITE EN
TERME DE MARGES
Il est également possible de
réduire le montant des subventions des céréaliers sans toucher à
leur revenu. La solution passe par le développement des activité
des transformations de céréales à la ferme ou du moins dans des
groupements de producteurs. Les statuts des CCLS devraient pouvoir
leur permettre de disposer de filiales3
- sous statut privé ou non - chargées des activités de
transformation. Les agro-industriels de la première transformation
(farine, semoule, aliments du bétail) et ceux de la deuxième
transformation (couscous, pâtes alimentaires, pain et biscuits)
réalisent de confortables marges. Les céréaliers qui sont les
producteurs de grains sont actuellement tenus à l'écart de toute
transformation. Toute mesure en leur faveur – aide à l'équipement
matériel, compensations financières liées au soutien du prix des
céréales – ne pourrait que protéger leur marge financière et
donc le revenu des exploitations.
DECIDEURS, FAIRE TOURNER LES
ORDINATEURS DE MODELISATION
Afin de réduire la charge des
subventions agricoles sur le budget de l'Etat, des solutions
existent. A condition d'être mûrement réfléchies, celles-ci
peuvent être prises sans que le revenu des exploitations ne soit
remis en cause. On peut penser à une ré-orientation des subventions
selon la région ou la taille des exploitations, à des mesures
techniques innovantes ou liées à la promotion de productions très
fortement déficitaires ou à des mesures liées aux marges.
On ne peut continuer à
distribuer des subventions agricoles sans discernement comme cela est
le cas également pour les subventions liées au soutien des prix
alimentaires. Une telle pratique développe des effets d'aubaine.
Réduire le montant des subventions ne peut que pousser à
l'innovation. On n'évolue que sous la contrainte. Mais pousser à
l'innovation implique un meilleur management de l'encadrement
institutionnel. Par exemple, au conseil d'administration d'organismes
tels l'ITGC ou l'OAIC devraient figurer des représentants4
de l'amont et l'aval. Dans les CCLS, le représentant du conseil de
gestion devrait pouvoir apposer sa signature à côté de celle du
directeur pour toute décision importante. Au « centralisme
administratif », il s'agit de préférer le principe de
subsidiarité. Comme « rien ne tombe du ciel », aux
céréaliers, cadres de terrain et patriotes de terrain de pousser en
faveur de mesures pour lever les goulots d'étranglement.
Au niveau du gouvernement mais
également dans leur ministère respectif, les Décideurs peuvent
prendre des mesures novatrices à zéro dinars d'effet sur le budget
de l'Etat. A eux de faire tourner les logiciels de modélisation.
Existent-ils au niveau du MADR et de l'OAIC ?
Notes:
1Il
s'agit là d'un exemple. Ce chiffre est à affiner. Il pourrait être
modulé selon les zones céréalières.
2CMA
Sidi Bel Abbès a construit un prototype actuellement à l'essai.
3Le
staff de direction de l'OAIC devrait étudier l'évolution des
coopératives céréalières paysannes françaises.
4Il
doit s'agir de représentant démocratiquement élus par leurs pairs
et participant au financement de ces structures par un pourcentage
minime prélevé sur chaque quintal de céréales.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire