AVICULTURE
VERS UNE
REDYNAMISATION DU SECTEUR
djam.bel@voila.fr
6.08.2015
Rencontrant
en ce début de mois d'août des producteurs puis le Conseil
Interprofessionnel de l'Aviculture, le Ministre de l'Agriculture a
souhaité une meilleure efficacité de la filière. Il a ainsi
exprimé le souhait d'un « développement durable » de
cette filière stratégique pour la fourniture de protéines animales
aux ménages.
RATIONALISER
L'ORGANISATION DES ELEVAGES AVICOLES
Par
« développement durable », le Ministre entend notamment
aller vers l'officialisation de l'activité de nombreux éleveurs.
Souvent ceux-ci utilisent des serres comme poulailler et nombreux
sont ceux qui agiraient dans le secteur informel.
Rendant
compte de l'activité ministérielle, Amokrane H donne différentes
informations dans le quotidien Horizon du 6 août. Il apparaît
qu'une des contraintes rencontrées par les éleveurs concerne le
prix de l'aliment pour volailles. Selon des éleveurs la suppression
de la TVA sur le maïs et les tourteaux de soja importés profitent
plus aux importateurs et fabricants d'aliments pour volailles qu'aux
producteurs et consommateurs.
A ce
propos les niveaux de prix sont un indicatif du rapport de force
exercé par les intermédiaires. Les éleveurs cèdent actuellement
leurs produits à 170 DA/kilo contre 360 DA/kilo concernant les
bouchers.
Les
producteurs réclament l'intervention des pouvoirs publics afin de
les protéger des risques de baisse des prix.
REVENU
DES AVICULTEURS, CERNER LES VRAIS PROBLEMES
Il est
quelque peu étonnant que les aviculteurs réclament l'intervention
des pouvoirs publics afin de protéger leur revenu sans même essayer
de s'organiser. La puissance publique intervient déjà avec la
suppression de la TVA sur l'aliment volailles. Par ailleurs, est-ce à
l'Etat de s'occuper de ce dont se nourrissent les poules ? N'est
ce pas le rôle de l'inter-profession ?
Comme
noté plus haut, ce ne sont ni les éleveurs ni les conommateurs qui
profitent de la baisse de la TVA sur les importations de maïs et
tourteau de soja. On atteint là les limites de l'action de la
puissance publique.
Aussi, il
nous semble que c'est aux producteurs à s'organiser et
accessoirement aux consommateurs de développer des AMAP. Aux
producteurs à s'organiser en groupements de producteurs afin de
produire leur propre aliment volaille. S'il y a une chose à demander
aux pouvoirs publics, les représentants des éleveurs ont à
demander au MADR de pouvoir bénéficier des mêmes avantages que les
importateurs. Enoncée ainsi, cette proposition semble irréelle et
bien ambitieuse vu les rapports de force actuels entre importateurs
et éleveurs.
Mais
n'est ce pas là la question centrale ? Si des groupements
d'éleveurs organisés librement sur la base d'une adhésion
volontaire à un tel programme de production d'aliments pour
volailles, les marges des éleveurs seraient meilleures. Ainsi, la
suppression de la TVA bénéficierait au plus grand nombre.
Il faut
signaler qu'à l'étranger de tels groupements existent. Ils achètent
une partie de la matière première aux céréaliers et assemblent
dans leurs ateliers les différentes formules selon les besoins des
élevages de poulets de chair ou de ponte. Lorsque de telles
structures ont la taille suffisante, elles recrutent même des
vétérinaires et techniciens qui assurent un appui technique au
niveau des élevages des sociétaires.
Si M le
Ministre souhaite réellement solutionner de façon « durable »
la protection du revenu des aviculteurs, il doit encourager ce type
de démarche. De tels groupements ont toute leur place à côté des
fabricants privés d'aliments, des Cassap et des grossistes. Ainsi
organisés, les producteurs permettraient de faire jouer une saine
concurrence. L'ONAB pourrait apporter au départ une aide technique à
de tels groupements.
De tels
groupements pourraient également enrichir leur activité par des
achats groupés de médicaments vétérinaires mais également par le
développement de moyens pour la conservation des produits avicoles
voire même la vente directe aux consommateurs et collectivités
locales.
ALIMENT
VOLAILLE, 100% IMPORTE
Arriver à
un développement « durable » de la filière passe
également par une réduction du poste des importations de maïs et
de tourteaux de soja nécessaires à la confection de l'aliment pour
volailles.
La
production locale de maïs est insignifiante malgré les efforts de
l'OAIC et l'ITGC. Cette culture réclame beaucoup d'eau. Outre la
maîtrise de son itinéraire technique peu familier pour les
agriculteurs, cette culture nécessite une irrigation de type goutte
à goutte. Quant au soja, il est pratiquement inexistant localement.
Maïs et
tourteaux de soja sont produits par des agriculteurs européens et
américains au niveau d'exploitations agricoles à la forte
productivité.
Produire
ces matières premières localement nécessite une politique de
subventions publiques qui risque d'être remise en cause dès 2020
par l'application intégrale de l'accord d'association DZ-UE et par
une éventuelle signature de l'Algérie à l'OMC. Par ailleurs, les
producteurs américains développent de fortes pressions afin de
placer leur tourteau dans les pays du Maghreb. Un accord avec le
Maroc existe déjà depuis plusieurs années . Cet accord a
ruiné la jeune industrie locale de trituration de graines
oléagineuses produites localement et a entraîné la baisse des
superficies de tournesol et colza.
En effet,
le tourteau de tournesol ou de colza peut être remplacé dans la
fabrication d'aliments pour bétail par le tourteau de soja.
Celui-ci, même importé, étant moins cher que le produit local, les
importateurs marocains se sont détournés de la production locale.
Celle-ci ne pouvait plus être subventionnée selon les termes de
l'adhésion à l'OMC. La seule loi applicable devant être celle des
forces du marché. Seule l'application d'une TVA est acceptée.
FILIERE
AVICOLE, DES QUESTIONS CONJONCTURELLES ET STRUCTURELLE
Assurer
un développement « durable » de la filière avicole
nécessite donc des actions dans différentes directions1.
La volonté du MADR d'arriver à ré-intégrer dans le giron de la
filière les aviculteurs agissant dans l'informel est à saluer. De
même que la volonté de développement les moyens de conservation
des produits avicoles.
Comme
dans de multiples filières agricoles, il s'agit de protéger les
marges des aviculteurs. Cela en encourageant la mise en place de
groupements de producteurs.
Par
ailleurs, il s'agit de renforcer les capacités de production locale
de substituts au maïs et au soja. L'orge, les triticales, la
féverole, le tournesol et le colza peuvent permettre partiellement
cette substitution. Des itinéraires adaptés2
peuvent permettre la réussite de ces cultures. L'utilisation
d'enzymes agissant sur les facteurs anty-nutritionnels peut également
permettre d'utiliser plus d'orge à la place de maïs.
Sur le
plan du mode de consommation alimentaire, on ne peut laisser
l'omelette frite prendre une place prépondérante aux dépends de la
diète méditerranéenne (couscous aux légumes et pois-chiche,
garantita, …) bien plus équilibrée du point de vue diététique.
L'amélioration
de l'efficacité de la filière avicole passe donc par des mesures
conjoncturelles mais également structurelles. Seule la combinaison
des deux assurera la durabilité de la filière.
1
Nous n'avons nous pas abordé la question des souches de poulets
actuellement utilisées localement.
2Voir
nos précédents articles sur cette question.
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