UNIVERSITE
MOHAMED BOUDIAF DE
M’SILA
Faculté
des Sciences
Département
des Sciences Agronomiques
Communication
au séminaire sur l’agriculture
Organisé
par l’université
MOHAMED BOUDIAF
de M’sila (Algérie)
Le
4 et 5 novembre 2015
Le
rôle de l’agriculture
dans
le développement économique et social
Qu’en
est-il de l’Algérie ?
|
Par
Badreddine BENYOUCEF
Docteur
en économie rurale
I.T.A
de Mostaganem, Université de Montpellier I et Université de Batna
« Une
population rurale dont le territoire est planifié par autrui,
aménagé par autrui,
géré
par autrui, exproprié par autrui et au profit d’autrui, est
réduite à l’insignifiance1 »
Table des
matières
I.
INTRODUCTION
II. LE
ROLE DE L’AGRICULTURE
III. LE
CAS DE L’ALGERIE
III.1.
L’évolution de l’agriculture algérienne durant la colonisation
III.2. La
part de l’agriculture dans l’économie
algérienne
IV.
LES DIFFERENTES REFORMES DU SECTEUR AGRICOLE DEPUIS L’INDEPENDANCE
IV.1. L’autogestion
IV.2. La
révolution agraire
IV.3. Les
réformes de la décennie 80
V.
LES CONTRAINTES QUI EMPECHENT UN DEVELOPPEMENT HARMONIEUX DE
L’AGRICULTURE ALGERIENNE :
V.1 :
Une croissance démographique inhibitrice de tous les efforts du
secteur agricole :
V.2 :
Le foncier, pierre angulaire du secteur
V.2.1 :
La propriété de la terre
V.2.2 :
L’émiettement des parcelles algériennes, facteur inhibant
V.2.3 :
L’hydre du béton et la raréfaction des terres arables
V.3 Le
paradoxe de l’eau
V.4 :
Le gaspillage, sport national et sans doute la
goutte qui manquera pour remplir le verre de l’indépendance
alimentaire :
V.5 :
La déconfiture des élevages :
V.5
1. :
L’élevage avicole, une
virtualité qui hésite à se dévoiler
V.5
2 :
L’élevage ovin, un atout mué en danger pour la steppe :
V.5.3 :
L’élevage bovin, le panier percé à fourrages ou une filière
lait sinistrée :
VI
ET SI L’ON OSAIT QUELQUES SOLUTIONS A SOUTENIR OU A AMORCER
VI.1
La steppe algérienne, un
écosystème à conserver :
VI.2.
Recherche fondamentale, recherche appliquée, des mots creux sans une
valorisation effective sur le terrain
VI.3
Le paysan et l’agriculteur algérien,
acteur incontournables du développement rural,
doivent accéder à un statut régalien :
VI.4 :
La suppression de la jachère, une solution longtemps oubliée
VI.5 :
La technique du semis direct
VI.6 :
Une prise en charge innovante de la jeunesse paysanne
VI .7.
Coopération agricole et mutualisation des facteurs de production,
deux conditions émulatrices du monde paysan.
VI.8 :
Le Conseil Supérieur de l’agriculture ou un observatoire des
céréales !...
VII.
CONCLUSION
- INTRODUCTION :
Le
rôle de l’agriculture dans le développement économique et social
est diversement perçu par les pays qui peuplent notre planète. La
vocation agricole d’un pays ne dépend pas seulement de la volonté
des hommes. La nature, la pluviométrie, la qualité de la couche
arable, entre autres, influent sur cette capacité à offrir des
produits agricoles à la population autochtone. Pour l’exemple, les
Etas Unis, pays agricole par excellence, se doit de soutenir en
matière de consommation en produits agroalimentaires l’Alaska, son
49ème Etat qui
n’a aucune vocation vouée à l’agriculture, à part la pêche.
La
dualité du secteur agricole avec les autres acteurs de l’économie
d’un pays, fait que l’agriculture, dont la fonction exclusive est
de nourrir les hommes, est perçue soit comme une locomotive du
développement, soit comme un boulet que les autres secteurs de
l’économie doivent nécessairement tirer afin que tous les membres
de la communauté aient à leur disposition l’alimentation qui leur
est nécessaire.
C’est
dans le but d’atteindre un équilibre entre les différents
secteurs de l’économie que nombre de pays dans le monde ne cessent
de soutenir l’agriculture lorsqu’elle est défaillante. Soit en
développant de nouvelles techniques culturales et en encourageant
la recherche agronomique, soit en développant les autres secteurs
dont les surplus serviront à financer la facture alimentaire.
Notre
intervention de ce jour portera essentiellement sur l’évolution de
l’agriculture dans notre époque contemporaine et son rôle dans
les relations commerciales entre les hommes, entre les différents
pays et surtout montrer comment elle peut avoir, soit un rôle moteur
dans une société, soit simplement un rôle subalterne car justement
elle ne répond pas au rôle qui lui a été dévolu depuis l’aube
de l’humanité, celui d’assurer l’alimentation des hommes.
On
tentera de disséquer l’évolution de l’agriculture algérienne
de 1950 à nos jours. Notre intervention s’appuiera sur des données
valides et crédibles et surtout simples à appréhender par la
communauté universitaire. Il indispensable de cerner les handicaps
qui n’ont jamais cessé d’harceler ce secteur nourricier et qui
l’empêchent de remplir le rôle qui lui est dévolu.
Notre
propos n’est pas d’incriminer ce secteur et d’en faire le
parent pauvre du développement économique. On tentera d’apporter
une explication de bon sens qui nous éclairera sans doute à lever
les facteurs limitant qui se dressent en rempart sur le chemin de
l’utopique indépendance alimentaire.
Et
pourtant, à la lumière de nos enseignements et de notre expérience
professionnelle, nous n’éprouvons aucune honte à nous classer
parmi les utopiques qui envisagent avec optimisme une réelle
indépendance alimentaire de l’Algérie, tant la marge de manœuvre
est assez large et qu’ils existent désormais dans le pays des
compétences avérées qui, si elles sont bien canalisées, seraient
capables d’atteindre ce but.
Tant
d’essais et tant d’erreurs ont été commis dans le secteur
agricole algérien. Pour notre part nous tenterons, à travers notre
intervention de mettre en évidence une réalité que nul ne peut
s’aventurer à nier, à savoir que l’agriculture algérienne est
effectivement le boulet du développement économique et social. Loin
de remplir son rôle, elle risque, si les faits persistent, de
plonger le pays dans un avenir dangereux pour les générations
futures. Loin de nous l’habit du pessimiste ou du détracteur, nous
essayerons de cerner avec objectivité la réalité du pays. Il y va
de son indépendance réelle et qui nous évitera une soumission aux
pays détenant l’arme alimentaire, l’arme verte.
On
peut affirmer pour notre part que les pays qui domineront le monde à
l’avenir seront ceux qui auront apprivoisé le secteur agricole
pour en faire le fer de lance de leur économie. Malheureusement et
pour ne pas accabler notre pays, cette situation dominatrice est
hélas contemporaine. Les Etats Unis, à eux seuls couvrent plus de
70% des besoins alimentaires des pays arabes.
C’est
pourquoi nous pensons, à juste titre nous l’espérons, que
l’agriculture algérienne a sans doute besoin de véritables
réformes et d’un véritable lifting nécessaires pour tenter
d’assurer le premier besoin de chacun d’entre nous, c’est-à-dire
son alimentation.
Notre
intervention se focalisera sur une production stratégique, les
céréales. Tout d’abord parce qu’elle constitue l’élément de
base de la ration alimentaire mais surtout parce que notre pays n’a
pas encore trouvé de solutions idoines pour répondre aux besoins
croissants en blé dur, blé tendre, orge avoine et maïs. On importe
bon an mal an plus de 80% de nos besoins. L’Algérie est devenue de
ce fait le 3ème
importateur en céréales au monde.
Aucun
pays au monde ne vit en autarcie en matière de produits
agroalimentaires, c’est un fait établi. Sauf que les autres pays
importent souvent des produits exotiques (bananes, kiwi, mangues
etc.), alors que pour l’Algérie, il s’agit d’un produit
stratégique dont l’absence risque de poser de sérieux problèmes
au pays s’il venait à manquer.
Un
éminent Professeur algérien, le Docteur Chems-Eddine CHITOUR2
a récemment lancé les bases d’un tel chantier en intitulant une
de ses interventions par cette déclaration : « Pour
sauver le pays, il faut passer de l’ébriété à la sobriété
énergétique3. »
En filigrane de cette prédiction, et concernant le secteur agricole,
osons informer les acteurs du secteur agricole et surtout aux
décideurs politiques, que l’Algérie ne se maintiendra en tant que
nation au XXIe siècle
que si
elle trouvera enfin les clés pour sortir son agriculture de
l’ornière dans laquelle elle se débat. »
- LE ROLE DE L’AGRICULTURE :
La
fonction initiale et essentielle de l’agriculture est celle
d’assurer l’alimentation de la population d’un pays. Si on
prend soin d’apporter un bref instantané de l’évolution de
l’agriculture dans le monde, on pourra dire qu’au départ la
simple cueillette en était l’activité principale. Le nombre
limité des hommes leur permettait de vivre simplement en se
contentant de ce que la nature a de meilleur à leur offrir. Il
suffisait juste que l’homme s’adapte au mieux avec le cycle des
saisons pour, soit se pencher pour cueillir une fraise des champs,
soit agripper l’arbre pour s’offrir la pomme ou la poire qui se
propose en offrande, soit enfin user de simples stratagèmes pour
chasser le gibier qui offrait le complément de son alimentation. Les
hommes de cette époque se paraient d'objets divers et vivaient de
chasse et de cueillette et étaient en général nomades. C’est
l’époque du Paléolithique qui a vu apparaître l’Homo Sapiens
il y a de cela plus de 200.000 ans en Afrique.
Ce
n’est que par la suite, lorsque la tribu s’agrandissait et que
les besoins devenaient plus importants et la nature s’avérait
insuffisante pour nourrir tous les membres de la communauté, que
l’homme a commencé à cogiter en essayant de comprendre comment la
nature s’agençait pour leur offrir les moyens de répondre à leur
alimentation. De cette période nous proviennent les échos de la
création des premiers outils qui ont permis à l’homme de
solliciter la terre afin qu’elle réponde d’une façon plus
efficace aux besoins des hommes.
Ensuite,
lorsque les surfaces cultivées ne suffisaient plus aux nouveaux
besoins, l’homme a découvert la notion d’extension des terres
vouées à l’agriculture. Il suffisait donc d’inviter le surplus
de la population à émigrer sous d’autres cieux plus cléments
car, précisons-le, la possibilité de le faire était aisée, ce qui
n’est le cas de nos jours !...
Lorsque
les besoins des hommes ont évolué et qu’ils se découvrirent
d’autres besoins autre
que celui de s’alimenter, est donc
apparue une autre activité qui devait répondre justement aux
nouveaux besoins très souvent liés au début à l’activité
agricole. Comment fabriquer une faucille, comment fabriquer la houe,
la binette ou la bêche qui devaient les aider à apprivoiser la
terre ? De nouveaux groupes d’humains se sont constitués et
dont l’activité principale se réservait exclusivement à cette
seconde tâche et qu’il fallait tout de même nourrir. C’est
ainsi qu’est apparu le premier système d’échange, le troc, qui
permettait aux agriculteurs d’échanger les surplus agricoles
contre des produits manufacturés. L’économie rurale et sociale
est née.
La
suite n’a été que la conséquence logique de l’évolution du
rôle de l’agriculture dans le développement économique et social
dans le monde. Plus les besoins de l’homme devenaient plus
importants et surtout plus variés, plus la sollicitation de
l’agriculture devenait plus exigeante envers cette dernière. Il
fallait donc produire plus sur les mêmes surfaces.
La
nécessité d’étendre les surfaces dévolues à l’agriculture
est devenue indispensable et lorsque ces dernières ne suffisaient
pas, l’homme a cherché à obtenir plus de production pour
satisfaire la nouvelle demande. Ce sont les premiers balbutiements de
l’intensification que l’on connaît de nos jours. La notion de
rendement s’est immiscée dans l’esprit de l’homme et la course
à la performance devenait indispensable pour soutenir une réelle
participation de l’agriculture dans l’économie d’un pays. On
exigeait donc de la terre qu’elle nous en offre plus et on a ainsi
développé différentes techniques culturales aussi efficaces les
unes que les autres, jusqu’à arriver de nos jours à flirter
dangereusement avec la nature en inventant les OGM4
et autres clonages de plantes et d’animaux. La spirale n’est
malheureusement pas achevée et nul ne pourra prédire l’évolution
de l’agriculture dans le monde.
Quelques
voix s’élèvent depuis une vingtaine d’années dans le monde
pour tenter d’endiguer cette course déraisonnable vers ce qui nous
mène vers une agriculture non maîtrisée qui risque de s’avérer
néfaste pour toute l’humanité. De là est née l’agriculture
biologique qui est l’expression d’un non-sens car toute
l’agriculture au départ était biologique, les acteurs de ces
mouvements ne font qu’appliquer une résurgence de cette dernière.
Ils cherchent simplement à faire le chemin inverse de leurs
prédécesseurs en extrayant de l’agriculture tous les ingrédients
qui rendent l’alimentation dangereuse pour l’homme (pesticides..
clonages et autres…) Le sujet est assez grave pour que l’on soit
obligé d’en parler, ne serait-ce que pour expliquer à la jeune
communauté universitaire les dangers qui s’annoncent ou qui sont
déjà là. Mais là est un autre débat.
Dans
le même ordre d’idées relatives à l’alimentation de la
population mondiale, un éminent économiste des années 1800, Thomas
Malthus5,
qui, à l’issue de raisonnements très sérieux, était parvenu à
la conclusion qu’il serait toujours impossible de nourrir la
totalité de la population humaine, et par conséquent, qu’il était
nécessaire de laisser mourir les « pauvres » ou les
« inutiles », ce qui est la loi naturelle, celle qui
s’applique à toutes les espèces animales sauvages. C’est dire
que le problème est préoccupant et interpelle tous les dirigeants
du monde contemporain.
C’est
ainsi que tous ces efforts consentis au profit de l’agriculture
dans le monde n’ont comme unique but que d’éviter la
malnutrition dans le monde. Le programme alimentaire mondial (PMA)6,
censé lutter contre la faim dans le monde a établi les statistiques
effarantes suivantes. Nous n’en avons retenu que huit qui doivent
nous interpeller en tant qu’acteurs économiques en général et
notre qualité d’experts œuvrons à faire avance la science
agronomique sinon comment peut-on expliquer les alertes du plan
alimentaire mondial qui nous cingle avec quelques cruelles réalités
:
- 795 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, soit 1 personne sur 9.
- La grande majorité des personnes souffrant de la faim vivent dans des pays en voie de développement où 13,5% de la population est sous-alimentée.
- La malnutrition provoque la mort de 3,1 millions d'enfants de moins de 5 ans chaque année, soit près de la moitié (45%) des causes de décès.
- Un enfant sur six, soit 100 millions d’enfants, souffre d’insuffisance pondérale dans les pays en voie de développement.
- L'Afrique subsaharienne est la région avec la plus forte prévalence (pourcentage de la population) de la faim. Une personne sur quatre y est sous-alimentée.
- Un enfant sur quatre souffre de retards de croissance. Dans les pays en développement, ce chiffre peut atteindre un enfant sur trois.
- Dans le monde en développement, 66 millions d’enfants en âge d'aller à l'école y vont le ventre vide, dont 23 millions rien qu’en Afrique.
- Selon les estimations du programme alimentaire mondial, il faudrait 3,2 milliards de dollars US par an pour nourrir les 66 millions d’enfants en âge d'aller à l'école et qui ont faim.
- Dans le monde en développement, 66 millions d’enfants en âge d'aller à l'école y vont le ventre vide, dont 23 millions rien qu’en Afrique.
Pour
ce concerne l’Algérie, force est de constater que la situation
n’est pas reluisante. Par exemple, en ce qui concerne la superficie
agricole utile (S.A.U), nous pouvons d’ores et déjà dire qu’elle
est située et confinée le long de la façade méditerranéenne et
sa largeur ne dépasse que rarement 300 kilomètres à l’intérieur
du territoire. Elle ne représente en fait que 3,5% du territoire et
on peut penser qu’il n’existe donc de marge confortable dans
l’optique d’extension des terres cultivables. Hélas, le reste du
territoire est constitué de terres inhospitalières et inadaptées à
l’agriculture. Hélas, le
reste du territoire est constitué de terres inhospitalières et peu
ou pas adaptées à l’agriculture comme on peut le voir ainsi :
A
peine 3 % des terres algériennes sont arables. Le développement de
l’agriculture algérienne ne passera donc que par une meilleure
exploitation des terres arables disponibles et une meilleure économie
de l’eau et ce pour augmenter les rendements. Produire plus sur les
mêmes superficies est donc le défi qui reste à réaliser pour
l’agriculture algérienne. La marge de manœuvre est immense et
c’est ce qui nous laisse optimiste. Dans le cas des céréales par
exemple, les rendements ont été longtemps aléatoires, en moyenne
10 quintaux à l’hectare, alors que l’agriculteur de la Beauce en
France flirte chaque année avec les 80, voir 100 quintaux à
l’hectare. Ce qui nous laisse penser qu’il existe une marge de
manœuvre très importante pour le pays.
La
participation de l’agriculture à l’économie est le plus souvent
consubstantielle à son niveau de développement. Plus elle est
développée, plus elle réussit
dans son fonction initiale, et plus son
rôle est prépondérant dans la vie des hommes. A contrario, quand
elle peine à nourrir la population autochtone et qu’il faille
faire appel à un autre pays pour l’aider dans son rôle de nourrir
la population, alors elle devient un boulet trainé par tous les
gestionnaires de ces pays chargés d’encadrer ce secteur vital pour
l’économie.
Enfin,
pour nous permettre une litote à ce propos, lorsqu’un secteur est
défaillant, on cherche soit à l’améliorer soit à l’éliminer,
sauf que le rôle nourricier de l’agriculture ne peut disparaître
et ce jusqu’à la fin des temps car l’homme a toujours besoin de
se nourrir !... Notre intervention gravitera autour du rôle de
l’agriculture dans sa relation avec les autres secteurs de
l’économie et nous tenterons de montrer le rôle sociétal de
chaque activité économique.
On
tentera de montrer comment l’agriculture s’articule dans
l’activité économique d’un pays. Sauf que la tâche est ardue
car tout ce qui est inhérent à l’agriculture est par essence
récalcitrant à toute analyse économique en l’état actuel des
méthodes d’investigation. Le secteur agricole est celui où le
passé est le plus incriminé en raison de son ancienneté. Même
lorsque le passé est éloigné, il demeure tenace et continue à
manifester son influence dans le l’économie d’un pays ou d’une
contrée quelconque. Il continue à exercer son influence sur la
mentalité des agriculteurs, sur la structure des exploitations et
sur le régime foncier, essentiellement sur le régime foncier qui
acte la notion de propriété qui est devenue de nos jours la
condition qui régit les relations entre les hommes et les même
entre les Nations. L’exemple de la Palestine qui se débat depuis
plus de 70 ans dans un bourbier en est l’exemple parfait de
l’avidité des hommes. L’exemple
de la Palestine qui se débat depuis plus de 70 ans dans le bourbier
de l’occupation-colonisation en est l’exemple parfait de
l’avidité des hommes.
Robert
Badouin7
a eu sans doute raison d’affirmer que « les
maintes résurgences du passé ont été observées principalement
dans les pays en voie du développement ».
Nous poursuivrons pour dire, hélas, que l’Algérie n’en est pas
exclue.
- LE CAS DE L’ALGERIE :
La
littérature sur l’agriculture algérienne se distingue par sa
profusion et surtout par sa diversité. On ne compte plus les thèses
dont l’objet a gravité autour du secteur agricole. Après avoir
compulsé de larges publications parues depuis l’indépendance du
pays et même antérieurement pour quelques-unes, nous sommes sortis
totalement renforcés par le fait que de nombreux pré requis sont
d’ores et déjà aptes à constituer une élite algérienne dans le
domaine de la science agronomique qui nous intéresse tant. Il s’agit
juste de canaliser toute cette énergie afin de mieux la valoriser.
Tous
les avis se rejoignent pour dire que l’agriculture algérienne ne
remplit pas son rôle qui est celui d’assurer l’alimentation aux
autochtones. Et comment peut-on affirmer le contraire lorsque l’on
apprend que durant les 11 premiers mois 2014, les importations des
produits alimentaires ont atteint 10,27 milliards de dollars contre
8,77 milliards de dollars à la même période en 2013, une hausse de
près de 17%8.
La
part des céréales dans cette facture est de 3,54 milliards de
dollars en 2014. En effet l’Algérie a importé 12,3 millions
de tonnes de céréales en hausse de 12 % par rapport à 2013.
Il est aussi utile de rappeler qu’en 2015, rien que pour le premier
semestre de l’année, la facture des importations a fait un bond de
7,3%9.
Force est donc de constater que les
différentes politiques menées depuis l’indépendance n’ont pas
permis d’assurer une indépendance alimentaire.
Comment
en est-on arrivés à cette extrémité qui expose le pays à de
lourdes conséquences si pour une raison d’ordre géopolitique ou
autre les pays fournisseurs de céréales décideraient de ne plus
livrer cette denrée stratégique à l’Algérie ? Il faut tout
de même préciser que les quantités importées constituent tout de
même plus de 80% de la consommation réelle du pays.
Notre
démarche qui se veut inévitablement empirique et nous l’espérons
pédagogique, va nous inciter à faire une présentation de
l’évolution de l’agriculture algérienne de 1962 à 2015. Dans
un premier temps, nous dévoierons les différentes réformes qui
sont intervenues dans le secteur. Nous tenterons d’analyser les
raisons des échecs des unes et des autres en étayant notre démarche
en rappelant, selon notre point de vue, les causes du
dysfonctionnement chronique de l’agriculture algérienne.
Enfin,
notre contribution se proposera modestement de citer, à la lumière
de notre constat, de jeter les actions qui nous semblent nécessaires
pour insuffler un nouvel élan à l’agriculture algérienne.
III.1/
L’évolution de l’agriculture algérienne durant la colonisation
:
Bien
avant l’indépendance du pays les meilleures terres étaient
accaparées par les colons. Pour les céréales dont nous avons fait
notre paramètre de discussion, les superficies vouées à cette
culture étaient d’environ 3 millions d’hectares.
Ces
surfaces ont bien sûr évolué depuis la colonisation passant de
500.000 hectares en 1870 à plus de 3 millions d’hectares à
l’indépendance du pays, réparties d’une façon très inégale
entre les colons et les paysans algériens. D’abord pour une raison
qualitative car les terres des premiers se situaient très souvent
dans les plaines céréalières bien pourvues en pluviométrie et que
surtout les derniers n’avaient accès à aucun crédit ou autre
appui pour l’exemple. Ils étaient résignés à cultiver les
céréales uniquement dans un but de subsistance minimale.
L’accaparement
des terres détenues par les algériens a exaspéré les paysans
autochtones et la
révolte a alors commencé à poindre du nez dans les campagnes
algériennes et il a fallu attendre 1863 pour que Napoléon III, pour
éteindre le feu naissant, déclare : «Les
indigènes ont comme les colons
un droit égal à ma protection» et
le sénatus-consulte du 22 avril 1863 qui reconnut «les
tribus d’Algérie propriétaires des
terres dont elles avaient la jouissance permanente et traditionnelle»
Cette
loi précédée par la loi Warnier du 26 juillet 1973 a fini par
soumettre toutes les terres algériennes sous l’égide du droit
français. Enfin, la loi du 28 avril 1887, le petit Sénatus Consul
pour certains, est venue parachever la spoliation des terres
algériennes en délimitant les tribus, à contribué à la formation
des douars et au classement des terres selon la nature de la
propriété.
Dans
ces conditions défavorables à la population autochtone, il est
évident que la population rurale s’est vue cantonnée dans terres
ingrates, quelque même impropres à l’agriculture et qu’il a
fallu toute la ténacité et surtout du réflexe de survie des
paysans algériens pour e tirer une maigre subsistance. C’est ainsi
qu’au lendemain de l’indépendance les terres algériennes du
secteur privé se répartissaient ainsi :
Répartition
des terres dans le secteur privé
La
conséquence consubstantielle de ces inégalités a fait que même
parmi la paysannerie algérienne une stratification sociale s’est
imposée ainsi :
Classes sociales
en milieu rural à l’indépendance
Malgré
ces conditions imposées par la colonisation, la population rurale,
boostée par une croissance démographique soutenue et aussi par un
exode villes-campagnes pour échapper aux répressions, a plus que
doublé en 60 ans, passant de 3 millions d’individus à plus de 7
millions :
On
constate que la céréaliculture a connu une évolution remarquable
durant cette période pour atteindre des niveaux de production
oscillant entre 20 et 25 millions de quintaux dont une grande partie
était destinée à l’exportation vers la Métropole avec des
rendements aléatoires :
La
SAU du pays n’a pas connu de variation notable. Elle était de 7,2
millions d’hectares avant 1962 à près de 8,5 millions ha en 2015.
La céréaliculture continue d’occuper des superficies identiques
qu’il y a 50 ans, soit 3,4 millions ha mais pour des rendements
toujours faibles : La production céréalière moyenne actuelle
oscille entre 45 et 50 millions de quintaux alors qu’avant 1962,
comme il a été noté ci-dessous, elle atteignait jusqu’à 25
millions de quintaux malgré le caractère rudimentaire des modes de
culture et des progrès technologiques et la mécanisation de
l’époque.
De
prime abord nous constatons que la production de céréales a connu
un bond quantitatif appréciable mais insuffisant par rapport à une
croissance démographique démentielle, comme nous le verrons plus
loin. L’économie algérienne à l’époque coloniale dépendait
étroitement de l’agriculture. Les exportations agricoles étaient
réparties ainsi :
L'agriculture
était donc profondément désorganisée. Les ouvriers agricoles
algériens, la plupart sans formation, assurent avec de nombreuses
difficultés les récoltes de l'été et de l'automne 1962 en
autogérant les domaines ex-coloniaux.
L’industrie
était peu développée à part quelques balbutiements de quelques
initiatives liées à l’exploitation minière, de la construction
BTP ou d’une industrie agroalimentaire tatillonne (cuvage de vins,
fabrication d’alcool, conserverie de fruits et de légumes,
conserverie de poissons entre autre).
Observons
comment l’agriculture algérienne a évolué depuis l’indépendance
du pays en nous référant aux paramètres économiques fiables qui
nous dévoilent la part du secteur agricole dans le développement
économique.
III.2 La
part de l’agriculture dans l’économie algérienne :
Le
meilleur curseur économique qui peut nous orienter sur la
participation de l’agriculture est sans doute la part de cette
dernière dans la formation du P.I.B. Observons d’abord la position
de l’Algérie dans le monde :
On
constate que, plus la part de l’agriculture dans la formation du
P.I.B est importante et plus on a tendance à considérer que ce pays
est à vocation agricole. Plus un pays ne dispose pas de conditions
idoines pour la pratique de l’agriculture et plus sa part dans le
P.I.B est donc insignifiante. Le Qatar et le Koweït sont des
exemples significatifs avec 0,1 et 0,3%. Il est admis que La
contribution de l’agriculture avoisine les 23% du PIB dans les pays
à bas revenus, 10% dans les pays intermédiaires et 2% dans les
pays à hauts revenus.
Si
l’on considère l’évolution de la participation de l’agriculture
dans le P.IB depuis l’indépendance, on ne peut que constater un
effondrement chronique du secteur agricole dans l’économie
algérienne. Actuellement l’agriculture algérienne participe à
hauteur de 10% dans le P.I.B.
Le
secteur agricole s’est effacé d’une façon chronique et
régulière depuis l’indépendance. Alors qu’il était considéré
comme secteur moteur de l’économie de part sa valeur ajoutée de
2,1 milliards de dinars en 1963, elle passe à 9,9 milliards en 1980
alors que dans le même temps le PIB total a été multiplié par 12
pour la même période.
L'agriculture
contribue à environ 10% du PIB et emploie 10,8% de la population
active.
Le
secteur tertiaire contribue à plus de 40% du PIB et emploie près de
60% de la population active.
L'industrie
contribue à 47% du PIB et emploie près du tiers de la population
active. Le secteur du pétrole et du gaz représente la majorité des
recettes budgétaires et la quasi-totalité des recettes
d'exportation.
Le
secteur agricole a vu sa production chuter de 30% au cours des
dernières années et ce malgré les politiques de réforme et les
investissements publics. L’agriculture a subi les coups durs des
solutions de facilité de court-terme privilégiées par les
gouvernements successifs. La rente pétrolière a permis de faire
face à des importations massives de produits agroalimentaires. La
consommation a été soutenue et continue de l’être par les
revenus exclusifs du pétrole et du gaz. L’effondrement des prix
des hydrocarbures sur le marché international doit être perçu par
les décideurs algériens comme une sévère alerte qui constituer un
signe fort pour une relance efficiente du secteur agricole.
- Les différentes réformes du secteur agricole depuis l’indépendance:
A
l’évènement de l’indépendance du pays, les
responsables du pays étaient préoccupés à remettre de l’ordre
dans la création du nouvel Etat. Ils ont été pris de court
concernant le foncier agricole. Ils ont tout simplement laissé les
terres à ceux qui se trouvaient à proximité, en l’occurrence les
ouvriers agricoles qui travaillaient chez le colon.
C’est
ainsi que plus de 2 millions d’hectares de terres arables et
environ 200 000 ha de forêt se sont retrouvés, du jour au
lendemain, biens vacants et à la disposition des ouvriers qui
occupaient l’espace rural.
IV.1 :
l’autogestion :
La
nature a horreur du vide et le transfert de propriété massif a
commencé à se matérialiser par une intervention de l’Etat qui a
promulgué l’Ordonnance 62-20 du 24 août 1962, relative à la
protection et la gestion des biens vacants et le décret de mars
1963. Ces textes sont venus régulariser une situation de fait. Les
hautes autorités du pays institutionnalisé ce qu’on a appelé
l’autogestion ou système socialiste. C’est ainsi qu’en 1965,
le secteur agricole autogéré s’étendait sur 2,3 millions ha,
occupés par les colons durant la colonisation. L’Ordonnance 66-182
du 06 mai 1966, a dévolu à l’Etat la propriété des biens
déclarés initialement vacants. Il en devient donc le seul
propriétaire.
Le
système autogéré se distingue par :
- Un mode de production collectiviste. La notion de propriété privée est supprimée au profit de la propriété collective.
- La forme d’organisation est décentralisée. Les centres d’activités ont un développement autonome.
- L’objectif initial est de permettre un développement optimal dans ses dimensions politiques et économiques.
Très
vite l’autogestion a montré ses limites. L’Etat a tenté d’y
remédier en le consolidant par la parution de pas moins de 7 décrets
dont le but était de réformer en profondeur un secteur agricole
délabré.
La
gestion centralisée et administrée à outrance de l’autogestion a
été le fossoyeur de ce mode de gestion. Les plans de culture
étaient élaborés à Alger et aucune concertation avec les acteurs
de base n’était possible.
Le
seul avantage qu’ont tirés les ouvriers de ce secteur, est
paradoxalement un relâchement du contrôle par rapport à la période
coloniale où le colon était maître absolu des lieux et gérait son
exploitation avec une rigueur imposée aux ouvriers indigènes qui ne
pouvaient se permettre de discuter un ordre ou une quelconque
directive.
Les
dirigeants du secteur autogéré ont manifestement manipulé les
chiffres et on a assisté à des distributions de bénéfices de
campagne à des exploitations déficitaires, et ce uniquement pour
plaire aux dirigeants politiques et conserver les privilèges acquis.
Mais,
la forfaiture ne pouvait résister à la réalité de la sphère
économique. Du fait de plans de campagnes inadaptés, l’offre des
produits agricoles était totalement décalée par rapport aux
besoins de la population. Pour les céréales, on a assisté bon an
mal an à un effondrement des rendements déjà aléatoires et pour
les autres productions, l’offre était plus que fantaisiste. On
pouvait trouver sur les marchés, que des tomates, ou que des
courgettes, ou que des pommes de terre !...
IV.2 :
La révolution agraire :
Ce
n’est qu’après que l’ancien président Houari Boumediene a
tenté de remédier à la gabegie qui s’est installée. Dans un
esprit de justice sociale, il n’a pas trouvé mieux que de
proclamer une déclaration qui a fait focus par la suite. Il a pensé
à juste titre que «la terre appartient à celui qui la travaille».
C’est dans cette optique qu’il y a eu mise en place d’un
système socialisant. L’Ordonnance 71-73 du 8 novembre 1971, a
institué la révolution agraire dont le principe fut justement «La
terre à celui qui la travaille». Ce qui a permis de récupérer 1,2
million ha qui étaient auparavant la propriété de grands pachas.
La
loi du 8 novembre 1971 portant «Révolution agraire» a donc décidé
l’extension des nationalisations au profit d’un «Fonds national
de la révolution agraire» (FNRA) pour deux ensembles fonciers :
- les biens à caractères agricoles des collectivités publiques : communes, wilaya, domaine privé de l’Etat, terres de statut collectif (arch) et bien des fondations religieuses (habous) ;
- les biens des propriétaires agricoles qui n’exploitent pas directement et personnellement leurs terres et ceux dont les superficies excèdent un plafond déterminé.
La
pratique et la réglementation ont conduit à préciser et à
distinguer deux notions employées indifféremment par la loi. Celle
de propriétaire non exploitant et de propriétaire absentéiste.
Lors
des réformes de la décennie 80, nombre d’anciens propriétaires
qui avaient fait don de leurs terres au profit de la révolution
agraire n’ont pas manqué l’occasion pour fustiger le défunt
président en lui portant l’opprobre nationale. Il est utile de
rappeler deux de ses déclarations qui étaient prémonitoires de ce
qui est advenu par la suite à l’agriculture algérienne. La
première relative à la notion de propriété :
« Lorsque
nous avions promulgué la Révolution agraire, d’aucuns ont pensé
que cela consistait uniquement en un transfert de la propriété d’un
citoyen à un autre. La Révolution agraire, chers frères, ne se
limite pas à cela. Cette œuvre vise, entre autres objectifs à
permettre au fellah de jouir des commodités de la vie moderne. Elle
lui permet de brûler son gourbi et de s’installer dans un village
socialiste. Elle ouvre les portes du savoir et de la science à ses
enfants. Elle lui permet d’entrer à l’école de la
vie communautaire et coopérative par laquelle il devient le garant
de l’édification d’une véritable société socialiste...10 »
La
seconde, inspirée sans doute par un altruisme et une perspicacité
qui lui collaient sans doute à la peau :
« Si
jamais un gouvernent bourgeois s’installerait dans le pays, le
paysan et l’ouvrier ne connaitraient que l’avilissement. Il
va sans dire qu’une classe bourgeoise se serait créée et
serait pire que le colonialisme lui-même. »
|
IV.3 :
Les réformes de la décennie 80 :
Les
réformes de la décennie 1980 ont voulu casser le tabou qui pesait
jusque-là sur la propriété privée. Le statut des terres publiques
(1987) institue un droit individuel d’exploitation et la loi
d’orientation foncière qui intéresse les terres privées annule
la loi de réforme agraire de 1971 et restitue des terres expropriées
à leurs anciens propriétaires. C’est la réhabilitation de la
propriété privée.
C’est
ainsi que plus de 2 millions d’hectares de bonne terre ont été
cédées à des entités individuelles ou collectives avec des modes
de concession qui ont évolué durant la décennie 80. Une batterie
de Lois a vu le jour mais les décrets d’application tardent à
être publiés et plongent ainsi ce secteur dans une opacité qui
paralyse l’agriculture algérienne. L’UNPA a dénoncé ce
problème en citant l’exemple d’un décret d’application de la
loi 87/19 qui n’a été publié que 18 ans après !...
Le
résultat de ce morcellement a eu une incidence inefficace sur les
plans, social et économique, dans le monde rural. Les 170277
exploitants en EAC ont de suite voulu imiter les 17632 qui ont eu la
chance d’avoir bénéficié d’une concession individuelle. D’une
part, des mésententes dans les EAC ont déstabilisé la production
et d’autre part les bénéficiaires des EAI ont joué le jeu les
premières années de la réforme et par la suite se sont mués en
rentiers en louant leurs terres à des ouvriers agricoles ou à des
investisseurs sans rapport avec l’agriculture.
Depuis
2010, une autre loi leur permet même de vendre leurs concessions.
Les bénéficiaires d’EAC et EAI
peuvent désormais céder des terres légalement et surtout dans un
cadre qui relève de l’imposture, à la faveur de la loi 10-03 de
2010 sur les terres agricoles du domaine privé de l’Etat. Il n’y
a qu’en Algérie que l’on trouve une telle turpitude.
Bilan
de la réorganisation des structures foncières du domaine de l’Etat
(1992)
Types
d’exploitations
|
EAC
|
EAI
|
Total
|
Nombre
d’exploitations
|
28707
|
17632
|
46339
|
Superficies
(ha)
|
1910109
|
222246
|
2132355
|
Nombre
d’exploitants
|
170277
|
17632
|
187909
|
L’Etat
a conservé une superficie de 166234 hectares où elle a érigé 176
fermes plotes pour 8144 salariés. Il a également
souhaité conserver 176 entités pour une surface totale de 166 234
hectares quelques pour en constituer des fermes pilotes. Elles ont
été chargées d’exécuter des programmes d’expérimentation
dans le domaine des techniques de culture et d’élevage.
Très
vite, cette réforme a montré ses limites car la notion de propriété
n’a pas été perçue de la même manière par tous les
intervenants du secteur agricole. Les bénéficiaires des E.A.C se
sont embourbés dans des problèmes de division du travail et la
production s’en est très vite ressentie.
- Les contraintes qui empêchent un développement harmonieux de l’agriculture Algérienne :
Comment
l’Algérie, pays réputé à vocation agricole au lendemain de
l’indépendance, dont l’agriculture dégageait des surplus
destinés à l’exportation s’est retrouvée en 2015 dépendante
largement des importations ? Précisons comme nous l’avions
précisé plus haut que les produits de l’agriculture coloniale
étaient destinés pour une large part à l’exportation car la
population indigène, avec un faible pouvoir d’achat ne pouvait
constituer un débouché solvable. Enfin, le vin était destiné à
l’exportation pour des raisons religieuses et la consommation
interne était de ce fait minime.
V.1 :
Une croissance démographique inhibitrice de tous les efforts du
secteur agricole :
Avant
d’aborder les difficultés inhérentes un secteur agricole, il est
nécessaire de préciser un point qui nous semble capital dans la
stagnation du secteur agricole et qui est relatif à l’augmentation
drastique de la population algérienne depuis l’indépendance. S’il
est vrai que le secteur agricole a pour rôle d’assurer
l’alimentation de la population d’un pays, on se doit de
préciser, à sa décharge une démographie démentielle que d’autres
l’ont affublée de galopante.
Au
lendemain de l’indépendance on comptait 11 millions d’algériens.
La population a été multipliée par 4 en 50 ans. La population
s’élève en 2014 à 40 millions d’habitants et l’on peut
comprendre qu’à ce rythme l’agriculture algérienne ait éprouvé
des difficultés à répondre aux besoins alimentaires de la
population.
En
comparaison avec d’autres pays du Maghreb, on peut constater que la
population algérienne a augmenté de 254% en 40 ans alors que les
populations marocaines et tunisiennes n’ont eu que des
augmentations de 171 et de 160% durant la même période. L’Egypte
n’a eu que 118% d’augmentation alors que la France s’est
contentée d’un taux de 41% d’augmentation durant la même
période. Pour illustrer ce paramètre important, si la France avait
connu la même croissance démographique que l’Algérie, on
compterait en 2015 160 millions de personnes.
Nous
avons tenu à mettre en évidence cette pression démographique qui
nous semble avoir exacerbé les difficultés du secteur agricole.
Par
ailleurs, le secteur agricole a été englué dans une succession de
problèmes qui ont été répertoriés par les experts du secteur.
Citons la liste du Professeur Slimane Bedrani11
qui nous précise qu’elle n’est pas exhaustive :
- Les difficultés qu’ont les agriculteurs à s’approvisionner en engrais et à bénéficier effectivement de la subvention accordée à ce type d’intrants (souvent accaparée par le distributeur) ;
- La difficulté pour beaucoup d’agriculteurs travaillant en tant que concessionnaires ou en tant que bénéficiaires d’APFA à obtenir des titres de concession ou de propriété définitifs ;
- Les «coûts de transaction» élevés que subissent les petits et moyens agriculteurs pour bénéficier des quelques avantages que leur offre l’Etat du fait de l’éloignement des centres de décision (multiples déplacements) et de la petite corruption endémique, si bien que les crédits «Rfig» et «Ettahadi», par exemple, ne sont pratiquement utilisés que par quelques gros exploitants ;
- La faiblesse, pour ne pas dire l’inexistence, d’un service public d’alerte aux agriculteurs (stations d’avertissement agricole) en cas d’apparition de maladies de cultures, d’attaques parasitaires ou d’évènements climatiques particuliers ;
- Le niveau technique maigre de beaucoup d’agriculteurs (particulièrement les néo agriculteurs installés depuis quelques années sur les terres publiques, mais pas seulement eux) est une contrainte importante au développement agricole. Il n’est pas compensé par des services de vulgarisation au personnel bien formé et fortement motivé ;
- L’inorganisation des marchés agricoles qui laisse les petits et moyens agriculteurs et éleveurs à la merci des intermédiaires, les privant ainsi d’une meilleure valorisation de leurs produits et obérant donc leur capacité à investir ;
- La faiblesse des moyens matériels (particulièrement les moyens de locomotion) mis à la disposition de l’administration agricole au niveau des communes, des daïrates et des wilayates. Au lieu de maintenir des effectifs pléthoriques -donc financièrement coûteux-, il serait plus utile de consacrer plus de ressources à doter de plus de moyens et de compétences techniques et organisationnelles un effectif moindre. Une administration agricole dont les membres sont compétents et motivés est un outil incontournable de développement agricole.
Il
est admis par tous les experts agricoles que le premier réflexe pour
augmenter la productivité d’un champ, il est de tradition de
booster le sol par des engrais chimiques apportés par l’homme. Et
comment le paysan algérien peut supporter l’augmentation drastique
du prix des engrais. Comment peut-on expliquer une augmentation de
plus de 2100% du prix d’un kilogramme d’azote ou de phosphate
entre 1993 et 2015, comme précisé par O. Bencherkri : « En
1993, moins d'un kilogramme de blé dur suffisait à l'achat d'un
kilogramme d'azote ou de phosphate. En 1997, deux kilogrammes étaient
nécessaires et, en 2004, environ trois et aujourd'hui il en faudrait
presque 22 kilos12
».
Pour
notre part, osons complétez la liste :
V.2 :
Le foncier, pierre angulaire du secteur :
V.2.1 :
La propriété de la terre :
Toutes
les réformes engagées depuis l’indépendance ont gravité autour
de la notion de propriété de la terre. Il n’y a eu que de timides
tentatives dans ce domaine. Il a été démontré à de nombreuses
reprises que l’algérien a toujours été réfractaire à la notion
de collectivisme. Durant l’autogestion, la Révolution agraire ou
lors des réformes des années 80, cette notion de propriété a été
altérée par le fait que la terre appartenait à tout le monde et à
personne et surtout elle restait liée à l’état qui ne manquait
pas d’occasions pour le rappeler. Tant que cette situation perdure,
l’agriculture restera toujours à la traîne du développement. De
nombreux auteurs suggèrent la privatisation totale des terres
algériennes. Aït Amara13
insiste sur une transition de l’agriculture algérienne qui doit se
diriger inéluctablement vers un régime de propriété individuelle
et d’exploitation familiale.
V.2.2 :
L’émiettement des parcelles algériennes, facteur inhibant :
Les
efforts entrepris dans le domaine céréalier ne donneront des
résultats probants que sur de grandes surfaces adaptées à la
culture intensive. Or, la majorité des parcelles algériennes sont
détenues pas de petits paysans dont les parcelles n’excèdent que
rarement les 10 hectares. Un remembrement des terres algériennes
semble inéluctable à moyen ou long terme. D’autres pays ont
réussi cette entreprise mais avec la réticence du paysan algérien
à tout changement, l’entreprise semble délicate. A titre
d’exemple, le problème du remembrement des terres en France a été
évoqué dès le XVIIIème siècle lorsque Pattullo14
dans son « Essai sur l’amélioration des terres »,
écrivait que : « La
distribution des terres en France est si désavantageuse pour leur
culture qu’on aurait pu faire pis si on l’avait fait exprès. »
et il rajoute : « quelques
morceaux sont si petits qu’ils ne valent pas la peine d’y
transporter les charrues aussi souvent qu’il serait nécessaire. »
Que dirait aujourd’hui Pattullo si on l’inviterait en Algérie où
de nombreuses parcelles sont inaccessibles non pas aux charrues du
XVIIIème siècle mais aux tracteurs nécessaires à une
intensification des zones céréalières ?
V.2.3 : L’hydre du béton et la raréfaction des terres arables :
A
ce propos, nul besoin de faire appel à des statiques agricoles ;
il n’en existe pas. Contentons-nous de relever deux chiffres. Le
premier annoncé lors d’une émission de télévision où un
ingénieur agronome avisé, S. Benadjila15,
a annoncé le chiffre de 160.000 hectares envahi par le béton. Un
autre confrère H. Zitouni16
a réagi à ce chiffre et il a estimé quant à lui les terres
perdues définitivement pour l’agriculture à 500.000 hectares. Ce
dernier, ancien directeur des services agricoles a contribué, selon
ses modestes moyens à stopper un projet industriel à Sétif où 300
hectares allaient être sacrifiés pour l’édification d’une
boulangerie industrielle. Il précise que la frénésie à consommer
les terres agricoles est surtout du fait des autorités locales
généralement mal inspirées par leur empressement et
parfois leur mégalomanie et mal conseillés par un personnel
s'apparentant à un ensemble de courtisans qu'à des conseillers
compétents. 500.000 hectares engloutis par le béton !... Plus
de 35 pays dans le monde inscrit dans le fronton des Nations Unies ne
peuvent rêver d’une telle superficie !... C’est juste une
belle hypothèque que les générations futures supporteront durant
longtemps.
En
essayant d’apporter une réponse aux différentes critiques, le
MADR a tenté timidement de contrer l’invasion du béton en
initiant une mise en valeur des terres qui nous paraît virtuelle. Le
même confrère, rompu aux affres de l’administration, précise
que : « La
mise en valeur de nouvelles terres agricoles, lorsqu'elle est réelle
et durable ne dépasse pas les 20 000 ha essentiellement localisés
dans le sud, les contreforts de l'Aurès Nememchas et les monts de
Tlemcen. »
Sans
doute le problème qui, eu égard aux besoins du pays en terres
arables, constitue à notre sens, l’écueil le plus important à
surmonter à l’avenir. Nous avons à maintes reprises soulevé ce
problème et alerté les pouvoirs publics sur ce fléau qui enterre,
en même temps que nos espoirs, les 50 centimètres de terre arable
que la nature nous a confiés. Nous l’avions rappelé lors d’une
interview d’El Watan économie : « Toutes
ces superficies fertiles accaparées sont des verrues qui agressent
le regard et illustrent la gabegie des politiques menées. C’est
juste par confort et paresse que nos dirigeants ont permis cela. Le
complexe pétrochimique de Skikda en est un exemple édifiant. Dans
cette zone, il y avait une belle plage de plus de 10 km et adossée à
des terres agricoles des plus fertiles. Les dirigeants, au lieu
d’installer le complexe à la lisière de ces 10 km, ont préféré
installer le complexe sur cette défunte plage à proximité de la
ville de Skikda. Et si un accident majeur se déclarerait, c’est
toute la population de Skikda qui est menacée.17 »
Sans
une intervention rapide de l’Etat pour annihiler réellement cette
invasion du béton, sans nul doute que les générations futures
seront confrontées à des problèmes de survie. Les terres arables
ne suffiraient plus à nourrir les populations et ces dernières
seraient condamnées à émigrer sous d’autres cieux plus cléments.
Il
y a lieu d’inscrire rapidement sur le marbre la destination
exclusive des terres dévolues à l’agriculture et créer un
organisme indépendant relevant des plus hautes autorités du pays
qui servira de rempart contre cette boulimie foncière.
V.3 :
Le paradoxe de l’eau :
Depuis
quelques années, les autorités semblent présenter l’irrigation
des terres vouées à l’agriculture comme une panacée au problème
de la sécurité alimentaire. Le chiffre de 600.000 hectares en
irrigué a été a avancé et on projette un million d’hectares
pour les années à venir. On a juste oublié de préciser que pour
produire 1 kg de blé 590 litres d’eau sont
nécessaires. Cette solution, si elle venait à être appliquée
sera difficile à mettre en œuvre au regard de la raréfaction de
l’eau en Algérie.
Déjà,
notre pays, de par sa situation géographique et les aléas
climatiques qui y découlent, se situe parmi les pays les plus
pauvres en matière de potentialités hydriques, soit en dessous du
seuil théorique de rareté fixé par la Banque Mondiale à 1000 m3
par habitant et par an18.
La situation a empiré depuis 1962 où la disponibilité en eau
théorique par habitant et par an était de 1500 m3,
elle n'était plus que de 720 m3
en 1990, 680 m3
en 1995, 630 m3
en 1998. Un rapport du PNUD estime à 190 m3 disponibles par habitant
en Algérie contre 500 m3 au Maroc et 300m3 en Tunisie.
Des
études crédibles annoncent qu’il faudrait disposer entre 15 et 20
milliards de m3 par
an, en réservant 70% à l'agriculture, pour parvenir à une sécurité
alimentaire satisfaisante. C'est un défi titanesque lorsqu'on sait
qu'on mobilise à peine 5 milliards de m3
d'eau par an.
Les
projections relatives aux potentialités en eau du pays ne sont pas
optimistes car les changements climatiques tendent plutôt vers une
aridification plus sévère du pays. Il y a donc lieu de tenir compte
de la pression exercée sur ces ressources qui ne cessera de
s’amplifier sous les effets de la croissance démographique évoquée
plus haut et des politiques appliquées qui nécessitent des
activités consommatrices d’eau, dont l’agriculture. Une gestion
bénédictine des périmètres irrigués est à mettre en place sans
tarder.
Il
apparaît clairement que l’on se trouve devant un paradoxe
inquiétant. L’Algérie située dans une des régions du monde le
plus déficitaires en eau et que son agriculture doit inévitablement
faire face à un complément d’irrigation pour ses cultures et
atteindre des rendements de productions acceptables. A cet effet, un
rapport Efficience des systèmes d’irrigation en Algérie précise
que la superficie irriguée est de l’ordre de 985 200 ha soit
environ 10% de la surface agricole utile, en très grand partie
concentrée dans le nord du pays.
V.4 :
Le gaspillage, sport national et sans doute la
goutte qui manquera pour remplir le verre de l’indépendance
alimentaire :
Il
était de tradition dans notre pays de ramasser un morceau de pain
égaré dans la rue, de l’étreindre et de le remettre dans un
endroit propre inaccessible aux différentes pollutions. On le
mettait de préférence sur les abords d’une fenêtre espérant
qu’un oiseau affamé puisse en profiter. Hélas, cette vertu n’est
plus de mise dans notre pays et on apprend que l’année 2014, que
les poubelles algériennes se sont délectés avec 40 millions de
dollars US en baguettes de pain. Et l’article était illustré par
cette désolante photo :
40
millions de dollars US (35,75 millions d’euros) jetés ainsi dans
les poubelles. A raison de 160 euros la tonne19,
C’est juste 223437 tonnes de blé qui rejoignent chaque année les
fonds de poubelles, et si l’on se base sur un rendement d’une
tonne à l’hectare pour faire simple, c’est la production de
223437 hectares qui est ainsi dilapidée, c’est 15% de la surface
emblavée en Algérie !... Juste effarant !...
V.4 :
La déconfiture des élevages :
V.4
1. :
L’élevage avicole, une virtualité qui hésite à se dévoiler :
Au
début de la décennie 80, les autorités avaient opté pour
l’intensification des élevages avicoles. C’était un non sens
dans toute sa plénitude. Le pays se trouvait devant une cruelle
évidence qui était celle d’offrir à la population un aliment
essentiel de la ration constitué principalement de céréales. Le
blé dur et le blé tendre manquaient cruellement au pays et on
projetait d’introduire un élevage gourmand de cette denrée
précieuse. Un poulet de chair de 2 kilogrammes n’est autre qu’un
poussin d’environ 50 grammes qui aura consommé durant la période
d’élevage plus de 5 kilogrammes d’aliment composé à plus de
80% de céréales. Il était clair que la mesure n’était pas
adaptée au pays.
De
plus, les intrants de l’aviculture étaient inexistants dans le
pays. Il n’y avait aucune tradition avicole et le matériel
génétique (poussins, œufs à couver, poulettes pondeuses) allaient
être irrémédiablement être importés.
Enfin,
l’encadrement spécialisé faisait défaut. La formation d’un
ouvrier spécialisé en aviculture nécessitait deux années de
formation et aucune voix ne s’était élevée pour condamner ce
choix suicidaire pour le pays. Quelques voix qui se croyaient
autorisées, avaient même défendu cette option en mettant en
évidence le souci d’améliorer la ration alimentaire de l’Algérien
en protéines animales. C’était une ineptie de trop. L’algérien
n’avait jamais marqué sa préférence pour une ration protéinique
à base de viande blanche ou rouge, qu’importe le choix. Il y avait
des options plus sages et adaptées aux coutumes du pays.
Trente
cinq ans plus tard, alors que l’Espagne et l’Algérie avaient
sensiblement le même niveau de développement en aviculture,
l’Espagne est devenue une référence en matière de souches mères,
en bâtiments spécialisés, en matériel d’élevage et a même
développé une industrie pharmaceutique spécialisée en produits
avicoles. Alors que notre Pays dépend à 100% de l’étranger pour
tout ce qui concerne l’aval de la production. Un gâchis
incommensurable que le pays aurait pu éviter si le secteur avicole
aurait été appréhendé différemment.
V.4
2 : L’élevage ovin, un
atout mué en danger pour la steppe :
Alors
que le pays devrait se réjouir de l’augmentation du cheptel ovin
qui est passé de 17 millions en 2003 à presque 23 millions en 2010,
on assiste à une levée de boucliers d’experts qui fustigent ce
mode d’élevage car disent-ils il représente un danger pur la
steppe algérienne !... Quelle malédiction a frappé notre pays
pour en arriver à cette extrémité ? L’un de ces expert,
Khaldi Abdelkader20
précise que «le
surpâturage» en milieu aride participe
grandement à la dégradation irréversible d’un écosystème déjà
vulnérable.»
Evolution
des effectifs 2003-2010 (103 têtes)
Années
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2009
|
2010
|
|
17
502
|
18
293
|
18
909
|
19 615
|
20 154
|
21
404
|
22
868
|
Source :
Ministère de l’Agriculture : Statistiques agricoles
(2000-2010)
En
1975, nous avions déjà anticipé le problème en apportant une
modeste contribution21
à ce sujet. L’association céréales-élevage était pour nous la
panacée. Des résultats sur champ avaient laissé présager une
solution idoine pour le développement de deux secteurs nourriciers,
les céréales et l’élevage ovin. Quarante ans plus tard, la
question est toujours posée et nul ne peut nous éclairer sur
l’omission de cette solution.
Un
expert22,
rompu aux problèmes de la steppe et qui en a réservé la
quintessence à son D.E.S.S en 1976 avait déjà conclu que « La
steppe se dégrade et son pastoralisme se meurt. »
La
forte charge animale disait-il, conjuguée à l’exploitation
anarchique des parcours a conduit au désastre tant économique
qu’écologique. De vaste espaces des 20 millions
hectares de la steppe, jadis couverts d’une végétation
naturelle quand bien même éparse et rabougrie se sont transformés
peu à peu en terrains nus et stériles. La mince couche de terre
végétale elle-même disparait sous l’action du vent et du
ruissellement.
L’ancien
mode d’exploitation pastorale basé sur le droit coutumier
s’est éteint sans pour cela être remplacé par un mode d’élevage
plus productif et surtout respectueux de l’équilibre écologique
de la steppe. On a basculé du mode traditionnel à peu
près respectueux de la nature à un mode d’exploitation minière
anarchique.
Il
est plus que probable que l’essentiel du cheptel ovin n’est plus
le produit du pastoralisme de la steppe mais plutôt des Hauts
plateaux ainsi que de la bande tellienne. Du fait de l’accroissement
de sa population et de la disparition progressive de son couvert
végétal, la steppe n’est plus en mesure de tirer
l’essentiel de son économie de l’élevage pastoral. Celui-ci
doit être aidé à se transformer en activité plus productive et
surtout moins extractive et céder un peu de sa place à d’autres
activités économiques qui lui sont proches ou complémentaires
notamment la production fourragère.
Le
très coûteux programme de la mise en valeur par la concession
souvent réalisé dans des conditions les plus hasardeuses par la GCA
ou le HCDS a parfois généré de véritables désastres
écologiques. Les projets d’abattoirs industriels lancés ces
derniers mois risquent de marcher à vide et fermer à court terme
faute de matière première suffisante.
La
situation de la steppe et son pastoralisme ont besoin d’être
diagnostiqués une nouvelle fois, la dernière enquête sérieuse qui
lui été consacrée date de 1974. A partir des données actualisées,
il est possible de réinventer un avenir meilleur pour cette
région charnière entre le Sahara et le Nord du pays.
V.4
3 : L’élevage
bovin, le panier percé à fourrages ou une filière lait sinistrée :
Alors
qu’il a été établi depuis fort longtemps que «
L’économie du bétail est l'axe sur
lequel tourne l'exploitation rationnelle et scientifique de la terre.
Tel bétail, telle agriculture…» ;
comme le préconisait André Sanson23
au début du siècle ; on assiste en Algérie à un délabrement
plus qu’inquiétant de la filière lait, à telle enseigne que les
faillites des éleveurs ne se comptent plus et que pour sauver ce qui
peut être sauvé, on apprend que des éleveurs se sont résignés,
la mort dans l’âme sans doute, à abattre des génisses importées
à coups de devises, 300 pour être précis. L’anecdote est
symptomatique de l’effondrement de la filière. L’élevage est
sinistré au point que le président24
des éleveurs bovins de la wilaya de Tizi-Ouzou
déclare que «Certains d’entre nous sont
endettés et d’autres ont vendu leurs vaches. Dans pas longtemps il
n’y aura plus d’éleveurs. »
La
situation est sinistrée, à un tel point que des
éleveurs-contestataires montrent du doigt les cadres du secteur, au
ministère de la tutelle ou aux différentes chambres d’agriculture,
ainsi que les industriels laitiers qu’ils accusent d’être les
premiers responsables de leur malheur. Et l’un des éleveurs
rajoute : «Le
ministère nous soutient. Nous étions prêts à un compromis, mais
les laitiers ne veulent rien lâcher. Les producteurs sont à bout.
Certains menacent de s’immoler et de brûler leurs vaches sur la
place publique.»
L’élevage
bovin se trouve dans une situation critique à tel point que tous les
facteurs de production y sont subventionnés par le trésor public
qui intervient à diverses phases de l’élevage :
- De la génisse importée pour laquelle l’état y contribue en deux phases, d’abord en y injectant des devises pour son importation et même une prime consistante de 45000 dinars pour toute génisse élevée !...,
- Pour la subvention des céréales et des issus de meunerie (son de blé),
- Jusqu’à la subvention du litre de lait, qui sans une intervention de l’état sera inaccessible aux algériens.
Peut-on
parler d’élevage dans ces conditions ? Le talon d’Achille
de l’élevage bovin est sans aucun doute le poste aliment. Ne
dit-on pas que la vache produit du lait par l’intermédiaire de sa
bouche ? L’Algérie, en l’état actuel de son agriculture
est dans l’incapacité de produire tous les fourrages nécessaires
à l’alimentation de son cheptel bovin. C’est le nœud gordien de
l’élevage bovin et les déclarations qui peuvent paraître
intempestives et agressives de la part des éleveurs du secteur
semblent justifiées.
VI
ET SI L’ON OSAIT QUELQUES SOLUTIONS A SOUTENIR OU A AMORCER :
VI.1
La steppe algérienne, un
écosystème à conserver :
La
steppe algérienne, forte de ses 20 millions d’hectares, a toujours
constitué un fossé anti char naturel contre l’avancée
inéluctable du désert. C’est le domaine privilégié de l’élevage
ovin. Pourtant on assiste depuis de longues années à un
processus de dégradation continue auquel ont contribué le
surpâturage et une agriculture inadaptée. Ces
zones, dont les ressources pastorales constituent la principale
source de revenu pour 3,6 millions d’habitants, sont en effet
soumises à une dégradation chronique
qui touche essentiellement la ressource
«parcours».
Le
tableau suivant synthétise parfaitement la dégradation de la steppe
algérienne. Les parcours palatables ont rétrécit de plus d’un
million d’hectares au profit des parcours dégradés impropres au
pâturage ont augmenté de 2,5 millions d’hectares. Si la situation
perdure et qu’une solution adaptée n’est pas trouvée, sans nul
doute que la steppe fera corps dans quelques années avec le Sahara.
Evolution
de la structure de l’occupation du sol de la steppe.
|
1985
|
1995
|
||
|
Superficie
(millions d’ha)
|
Part
(%)
|
Superficie
(millions d’ha)
|
Part
(%)
|
Parcours
palatables
|
10
|
50
|
8,7
|
43,5
|
Parcours
dégradés
|
5
|
25
|
7,5
|
37,5
|
Terres
improductives
|
2,5
|
12,5
|
0,1
|
0,5
|
Forêts
et maquis
|
1,4
|
7
|
2,1
|
10,5
|
Cultures
marginales
|
1,1
|
5,5
|
1,6
|
8
|
Total
|
20
|
100
|
20
|
100
|
Source :
MARA, 1985 et HCDS, 1995 cité par Riad Bensouiah[1] 2003.
Force
est donc de constater que la menace est réelle et qu’un cri
d’alarme a même été poussé par Khaldi Abdelkader25
qui prédit pour la steppe la steppe algérienne une
«désertification de vaste ampleur» provoquée par un
surpâturage qui
participe grandement à la dégradation
irréversible d’un écosystème déjà vulnérable.
Pourtant
les coopératives mises en place par le défunt Rabah CHELLIG26
par leur succès certain ont montré assez tôt les voies à
suivre : responsabilité partagée, pâturage raisonné,
transfert du croît du troupeau vers les fermes d’engraissement des
Hauts Plateaux. Pourquoi n’a-t-on pas persévérer dans cette
voie ? C’est la question posée aux décideurs.
VI.2.
Recherche fondamentale, recherche appliquée,
des mots creux sans une valorisation effective sur le terrain :
Une
foultitude de thèses ont été soutenues tant en Algérie qu’à
l’étranger et dont les thèmes ont été étroitement liées à
l’agriculture. Hormis celles qui relevaient de domaines techniques,
toutes les autres s’accordent pour montrer que l’agriculture
algérienne a entrepris depuis l’indépendance une descente en
enfer inéluctable. Les statistiques inhérentes à ces recherches
sont quelque fois assez différentes selon la source d’où elles
proviennent.
Le fardage des
statistiques par les autorités agricoles est devenu désormais du
domaine public. Il ne sert donc à rien de cacher ou d’omettre les
chiffres. L’ère de la communication bat son plein et la réalité
du terrain apparaît évidente à tous.
La recherche
scientifique en Algérie et particulièrement des efforts consentis
par les experts de la science agronomique ne resteront que de vieux
pieux si les résultats des recherches ne sont pas valorisés à leur
juste mesure. Que de thèses ont été soutenues depuis
l’indépendance, dont les résultats ont été reconnus probants et
qui croupissent dans les bureaux d’un quelconque ministère.
Notre attention a
surtout été attirée par un phénomène contemporain, du plagiat
pour être concret. Le monde est entré dans l’ère du
copier-coller où les auteurs, sans aucun scrupule, s’approprient
les écrits et les réflexions de leurs prédécesseurs. Sansn Il
existe même en Algérie une agence nationale sensés s’occuper de
la valorisation de la recherche scientifique, l’ANDEVERET27.
VI.3
Le paysan et l’agriculteur algérien, acteur incontournables du
développement rural, doivent accéder à un statut régalien :
N’ayant
pas peur des mots. Régalien, souverain ou autre qualificatif
similaire, doivent être le but à atteindre pour les acteurs du
secteur agricole. Très souvent en Algérie, le paysan algérien a
été traité d’une manière qui nous a toujours parue méprisable.
A telle enseigne que lorsque l’on veut blesser une personne on la
traite de berger !… Et pourtant sans le paysan et sans le
berger point de salut. Les « bergers » australiens
rassemblent leur bétail en utilisant l’hélicoptère ou de grosses
motos à puissants cylindres. Les céréaliers du Middle ouest
américain sont les notables du tissu social. Il n’est pas rare que
le propriétaire terrien soit même temps le maire du village ou le
sénateur de la contrée. C’est aussi le premier employeur et le
premier contribuable. Les sucriers du Matto Grosso au Brésil sont
des acteurs incontournables de l’économie. On peut rallonger la
liste à demeure comme par exemple les ces
latifundiaires du Nordeste, du Brésil ou d’Argentine et l’on
constate que toutes les contrées citées sont en fait les puissants
exportateurs de produits agroalimentaires du monde.
En Algérie, à
port de gros bonnets qui gravitent autour de l’UNPA, l’agriculteur,
le paysan ou le berger algérien n’ont très souvent pas droit au
chapitre. Ne serait-ce que pour obtenir un crédit de campagne
pourtant indispensable à la bonne marche de l’exploitation, ils
doivent se soumettre à un parcours du combattant et même quelque
fois se faire chapeauter par un « vernis » du système
qui s’approprie une partie du crédit obtenu. C’est un scandale
sans nom qui contribue à annihiler tous les efforts que l’Etat
prodigue à l’enseigne du secteur agricole.
Les
entrepreneurs individuels constituent le facteur clé de la
croissance hors hydrocarbures, qui manque actuellement au pays. Et
les agriculteurs et les pasteurs algériens sont de véritables
entrepreneurs. Si la situation ne change pas sur ce point précis,
l’agriculture algérienne s’enfoncera inexorablement dans le
marasme dans lequel elle est imbriquée.
VI.4 :
La suppression de la jachère, une solution longtemps oubliée :
Plus
de 3,5 millions d’hectares sont laissés en jachère chaque année
en Algérie. La technique surannée a eu ses adeptes qui
revendiquaient le repos de la terre pour qu’elle puisse
reconstituer la matière organique du sol. Or, depuis plus de 40 ans
des essais ont été effectués en Algérie sur un assolement
céréales-luzerne qui a prouvé son efficacité. Des essais28
sur champ ont même eu lieu au milieu des années 70. Des essais de
charge ont été réalisés en station expérimentale et ont démontré
que les parcelles semées en luzerne annuelle pouvaient supporter
facilement 15 à 20 brebis suitées à l’hectare.
La
technique est d’une facilité déconcertante. En première année
d’assolement, on sème une variété de luzerne -médicago
truncatula jemalong- dotée de pouvoirs singuliers. Elle a la
particularité de fixer l’azote de l’air en l’emprisonnant dans
les nodosités de ses racines. Elle permet un pâturage ovin et
laisse donc un sol riche en azote pour la céréale qui lui succède.
Elle a aussi une particularité de réensemencement en 3ème
année. En effet, les gousses qui tombent dans le sol et qui
contiennent les graines ne s’ouvrent qu’après avoir été bien
ameublies par les pluies de la seconde année. Et le cycle se
perpétue indéfiniment au bonheur des troupeaux de moutons qui
viendront enrichir les sols avec leurs déjections et surtout servir
à améliorer la ration alimentaire en protéines animales.
Il
est plus qu’urgent de sensibiliser quelques fermes pilotes à cette
technique révolutionnaire qui a prouvé son efficacité.
VI.5 :
La technique du semis direct :
La
technique du semis direct est déjà utilisée à grande échelle
dans certaines régions des États-Unis ou du Brésil. Il a été
constaté que le facteur de l’érosion des sols, si prégnant dans
ces latitudes, le sol s’en va et tout espoir de cultiver avec.
La
technique qui paraissait farfelue il ya de cela quelques années,
commence à rassembler des adeptes de plus en plus nombreux.
Elle se distingue par
une absence totale de travail du sol (ni retournement, ni
décompactage, ni préparation de lit de semence). Les
caractéristiques physiques du sol favorables au développement des
cultures sont obtenues uniquement par l’action du climat et de
l’activité biologique du sol (racines, animaux, micro-organismes)
et préservées par un couvert permanent.
En
Algérie, des agriculteurs-céréaliers se sont déjà avec plus ou
moins de bonheur. La technique du semis direct relèvera sans doute
dans notre pays plus certainement par une motivation économique. La
réduction des charges de mécanisation sera sans doute la motivation
qui incitera nos agriculteurs à l’appliquer.
VI.6 :
Une prise en charge innovante de la jeunesse paysanne :
Cette
idée a été générée par un constat accablant. Les campagnes se
vident de leur jeunesse et la main d’œuvre manque cruellement dans
nos campagnes. Des récoltes pourrissent sur champ faute de
main-d’œuvre. Les jeunes sont attirés par les sirènes de la
ville à tel point que des jeunes de l’immigration algérienne,
confrontés aux problèmes d’emploi en France, commencent à
étudier sérieusement les pistes pour retourner au pays et proposer
leurs services aux agriculteurs. Quelques-uns ont déjà tenté
l’expérience durant les longues vacances scolaires.
Le
problème a été exacerbé par la transmission des héritages où
très souvent lorsque le propriétaire initial nous quittait, les
enfants désintéressés par le travail de la terre proposent
l’exploitation à la vente et très souvent c’est un opportuniste
entrepreneur qui se porte candidat pour acquérir le lopin de terre
pour y ériger sa fortune en coulant le béton sur la terre
nourricière. Des jacqueries ont déjà eu lieu dans diverses régions
du pays où des riverains se sont opposés à l’avancée des
bulldozers.
Les
mesures à prendre d’urgence :
*
La préemption de l’Etat sur
la vente des terres agricoles doit être mise en place sans délai.
*
Un nouveau Code foncier doit
voir le jour où les terres agricoles devraient être interdites à
toute construction à part celles dévolues à l’activité agricole
(hangars, silos, bassin d’irrigation et autres.)
*
La formation de la jeunesse algérienne aux métiers de l’agriculture
doit être une priorité. La
COOPSEL de Sétif est à l’avant garde dans ce secteur. H. Zitouni29
nous apprend qu’une ferme école est devenue depuis près d’une
année une réalité dans le paysage de l’agriculture de la wilaya
de Sétif. Un partenariat avec le CFPA de Ras El Ma a été
particulièrement fructueux. Et l’on apprend qu’au terme d’une
sue année la ferme école compte déjà à son actif la formation de
3 promotions de stagiaires totalisant 300 jeunes investisseurs dans
le domaine de l’élevage ovin inscrits au titre de l’ANSEJ et de
la CNAC. Pourquoi ne pas généraliser cet exemple à l’ensemble
des wilayas ?
VI .7.
Coopération agricole et mutualisation des facteurs de production,
deux conditions émulatrices du monde paysan.
Il
est de tradition en Algérie de tout attendre de l’Etat. Aucune
initiative ne peut être entreprise si elle n’a pas été générée
dans les bureaux feutrés des ministères. Pourtant il en existe une
qui n’a nul besoin de l’agrément de quiconque pour foisonner
dans le monde rural. La coopération agricole a tout temps représenté
une chance pour les agriculteurs de nombreux paysans de par le monde.
Alors, inventons les coopératives de demain qui seront porteuses de
richesses dans nos campagnes. L’entreprise
coopérative agricole est une organisation économique d’agriculteurs
qui ont décidé de mutualiser les moyens de production, de
transformation et de commercialisation de leurs produits agricoles.
L’agriculteur
seul dans son coin ne peut peser sur son destin que s’il sollicite
la participation de l’ensemble de ses confrères installés à
proximité de son exploitation. La coopération existait depuis très
longtemps dans nos campagnes sous fore de touiza. Les paysans se
rassemblaient pour creuser le puits d’un voisin qui à son tour
répondait à un autre pour l’aider à construire un hangar ou
ramasser sa récolte. Pourquoi ne pas institutionnaliser dans nos
campagnes ce genre d’entre aide qui ne peut être que bénéfique
pour l’ensemble. ?
L’illustration
la plus probante de ce mode de mutualisation peut être appliquée
aux moyens de mécanisation des champs. Au lieu que chaque
agriculteur se saigne aux quatre veines pour acquérir un tracteur ou
une moissonneuse batteuse, une dizaine d’agriculteurs se
rassemblent en une coopérative qui se charge d’acquérir le
matériel et assurer les travaux chez les uns et chez les autres.
Cela permettrait un gain de temps, une substantielle économie de
moyens et même serait une source génératrice d’emplois pour les
jeunes de nos campagnes.
Une
seconde initiative est à mettre en place sans délai. Il n’existe
en Algérie que quelques importateurs, triés sur le volet, qui
semble t-il, font la loi et déterminent les prix des intrants
agricoles. Pourquoi ne pas créer une organisation paysanne qui se
charge d’importer les facteurs de production qui font défaut au
pays et les distribue au juste prix aux agriculteurs ? L’U.N.P.A
devrait songer à exploiter cette piste qui sera bénéfique pour
tout le monde rural.
VI.8 :
Le Conseil Supérieur de l’agriculture ou un observatoire des
céréales !...
L’installation
d’un Conseil supérieur de l’agriculture est sur le point d’être
installé en Algérie. Confortons-nous d’abord par une déclaration
de bon sens du Professeur Slimane Bedrani qui a tenu à marquer les
limites d’un tel Conseil :
« Un tel conseil est nécessaire pour
conseiller les décideurs et orienter les politiques agricoles vers
une meilleure efficacité. Composé –on n’en doute pas – de
membres d’une grande probité et d’une compétence certaine, il
ne se contentera pas d’applaudir aux décisions du ministre de
l’agriculture du moment en échange de quelques prébendes
distribuées à quelques exploitants agricoles bien placés dans les
rouages administratifs et politiques, ni de défendre des intérêts
corporatistes étroits aux dépens de l’intérêt général30. »
Il
ne s’agit pas de créer un nouvel conseil supérieur qui sera sans
doute sous les ordres du M.A.D.R et qui fera doublure avec une
direction centrale déjà existante. On ne fera que perpétuer les
erreurs du passé.
L’idée
serait de créer un observatoire autonome qui ne s’occupe que de la
céréaliculture. Les instituts des Grandes cultures (I.D.G.C) y
seraient rattachés et un travail de fond est à initier sans délai.
Les céréaliers qui produisent plus de 50 quintaux à l’hectare
existent en Algérie. D. Belaid31,
ingénieur agronome a déjà répertorié un céréalier qui produit
80 quintaux à l’hectare. Pourquoi ne pas fédérer toutes ces
heureuses initiatives au sein de cet observatoire ou pourquoi ne pas
créer un ministère des céréales qui sera souverain et qui aura
une portée efficiente pour l’expansion de cette branche
nourricière indispensable au pays.
VII. CONCLUSION :
L’Algérie,
pays rural et agricole au lendemain de l'indépendance, est devenue
un pays citadin à l'économie fortement tertiarisée. L’économie
algérienne est condamnée de ce fait à une croissance modeste qui
ne répondra sans doute pas à une croissance démographique
soutenue. On parle de 55 millions d’habitants à l’horizon 2050.
La
diversification économique et la réduction de la dépendance à
l’égard du secteur des hydrocarbures sont deux conditions
essentielles pour assurer une croissance forte et équilibrée et
surtout acquérir une indépendance alimentaire tant souhaitée.
Hélas, à la lumière des résultats constatés lors des dernières
années, il est évident que le programme de développement
actuellement mené par le gouvernement n’a pas été à la hauteur
des attentes.
Les
importations de produits agroalimentaires ont été assurées
jusque-là par la rente pétrolière qui ne va pas perdurer. On
estime qu’à l’horizon 2030, c'est-à-dire demain, que la
production des hydrocarbures suffira à peine à couvrir les besoins
internes. Le
revers de l’aisance financière sera terrible pour le pays.
L’importation
massive des produits alimentaires au détriment d’un programme
efficace de revalorisation et de modernisation de l’agriculture est
le talon d’Achille du développement économique en Algérie. Et
tout le monde s’accorde pour dire que cela ne peut plus durer.
Notre
constat est sans concession dès lors que l’agriculture algérienne
est totalement dépendante des
importations de produits alimentaires et des différents intrants,
qu’elle se distingue par une mauvaise gestion, une vétusté des
systèmes d’irrigation, une dégradation des infrastructures, des
pénuries de produits de large consommation, une détresse chronique
des agriculteurs, etc. Tels sont les maux qui rongent l’agriculture
algérienne, engouffrée dans une sorte de somnolence et pesant pour
seulement 11% du PIB.
Confortés
par le cri d’alarme du professeur Abdelhak
Lamiri32
qui est convaincu que le challenge de l’émergence économique est
à la portée de l’Algérie, pour peu que la volonté politique de
rupture avec les choix et politiques du passé soit fortement
affirmée, dès l’année prochaine. « C’est
la décennie de la dernière chance pour l’Algérie.»
Et il porte un constat accablant sur : «
La situation présente l’exige. Nous sommes sur un fil de rasoir.
Quelques décisions malencontreuses plus tard et nous basculerons
vers un enfer qu’on n’a jamais vécu, même durant la décennie
noire. Tout le monde y laissera des plumes. Surtout ceux qui ont
amassé des fortunes mal acquises placées sous d’autres cieux. Ils
seront les premiers visés. Le citoyen moyen sera durement et
durablement touché, victime innocente de décisions qu’il n’a
jamais prises. Par contre, la décennie de la dernière chance si par
bonheur, des choix judicieux sont faits ; alors, les quelques petits
sacrifices éphémères consentis induiront quiétude et bien être
pour tous. Tel est le message de cet ouvrage. Il est porté sur
l’action ».
Le
conseil des ministres du 6 octobre 2015 a enfin apporté la preuve
que la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures est devenue un danger
pour le pays et c’est même une chimère que de se baser sur les
hydrocarbures pour espérer un avenir meilleur pour le pays. Il est
précisé à cet effet que : « La
production d’hydrocarbures qui avait plafonné en 2007, à 233
millions de tonnes équivalent pétrole (TEP), a, par la suite, connu
une régression continue pour atteindre 187 millions de TEP en 2012,
avant d’amorcer une légère hausse l’année suivante, et surtout
que la consommation nationale de produits
énergétiques a quasiment doublé entre 2000 et 2014, et atteint 51
millions de TEP33.»
En clair, nous consommons déjà le 1/3 des
hydrocarbures produits en Algérie et toutes les projections tendent
à montrer que la part de la consommation interne ne va faire
qu’augmenter !...
De
ce fait, l’Algérie se trouve en fait à la croisée des chemins.
Si l’agriculture ne se réforme pas en profondeur pour atteindre
une participation efficiente dans la formation de richesses, sans nul
doute que le pays se dirige vers un avenir hasardeux qui ne laissera
aucune chance pour les générations futures. Il est de notre devoir
de tirer le cri d’alarme, espérant qu’il sera entendu par les
décideurs du pays.
Sigles,
acronymes et abréviations par ordre d’apparition dans le texte.
OGM :
Organismes
génétiquement modifiés.
PMA :
Programme
alimentaire mondial.
S.A.U :
superficie
agricole utile.
UNPA :
Union
nationale des paysans algériens
EAC :
exploitation
agricole collective.
EAI :
exploitation
agricole individuelle.
CFPA :
centre
de formation pour adultes.
AFPA :
Accession
à
la propriété foncière agricole.
PNUD :
Programme
des Nations Unies pour le Développement.
CCOPSEL :
coopérative
agricole de services.
M.A.D.R :
ministère
de l’agriculture et du développement rural.
ANVREDET
-Agence
nationale de valorisation des résultats de la recherche et du
développement technologique.
Bibliographie
et auteurs cités :
René
Lévesque, ancien
premier ministre du Canada ;
Professeur
Chems-Eddine CHITOUR, professeur
de thermodynamique à l'École nationale polytechnique d'Alger ;
Thomas
Malthus, économiste
britannique – 1766-1834 ;
Programme
alimentaire mondial -P.M.A-
wfp.org.fr ;
Robert
Badouin, économie
rurale, Paris, Armand Colin, 1971, Collection « U »
Sciences économiques et Gestion ;
Centre
national de l'informatique et des statistiques des Douanes (Cnis) ;
A.P.S
- Algérie
Presse Service du 10/08/2015
M.E.
BENISSAD, l’économie
algérienne contemporaine, p36 ;
Gauthier
De Villiers, pouvoir
et question agraire en Algérie, volume I, p. 194 ;
Dominique
Badillo, Stratégie
agro-alimentaire pour l’Algérie, p.44 ;
Houari
Boumediene, 1932-1978,
Président de l’Algérie -1965-1978
ONS
et
statistiques de la Banque Mondiale
Slimane
Bedrani - Professeur
à l’école nationale supérieure d’agronomie d’Alger - in
interview d’El Watan du 22 septembre 2015.
Jacques
Fontaine, MCF
honoraire de géographie, Université de Franche-Comté, février
2013
Abdessamad
DRIS (2005) in
« L'eau
matière stratégique et enjeu de sécurité au 21ème siècle »
- Université
Paris 10 - DEA Sciences Politiques
B.Benyoucef
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in El Watan économie-9 juillet 2012.
Hamid
Aït Amara, université
d’Alger. Cahiers
Options Méditerranéennes La transition de l’agriculture
algérienne vers un régime de propriété individuelle et
d’exploitation familiale. (Cahiers Options Méditerranéennes; n.
36)
Pattullo
H., 1758. Essai
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Durand, Paris, 1758, 287 p.
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Benadjila, ingénieur
agronome- membre de la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme-
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Hamoud
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(1976) : Processus
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de Montpellier I,
Badreddine
Benyoucef (1975). Essai
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Truncatula Jemalong. Station expérimentale de l’IDGC. El Khroub
1975.
Riad
Bensouiah (2003)
Doctorant
en sociologie au LADYSS, Université Paris X – Nanterre in La lutte
contre la désertification dans la steppe algérienne : les
raisons de l’échec de la politique environnementale.
Badreddine
Benyoucef (1980) - Thèse
en économie rurale : l’association céréales-élevage dans
le développement agricole en Algérie- Université Montpelier I
Dr
Khaldi Abdelkader, docteur
ès sciences économiques et enseignant à l’université Ibn
Khaldoun de Tiaret, in El Watan du 23/09/2015.
André
Sanson
(1826 - 1902)- vétérinaire-professeur
de zootechnie
à l’École
nationale supérieure d'agronomie
de Grignon
Djamel
Belaid, ingénieur
agronome ENSA d’Alger, Agrégé de Sciences-Paris.
http://www.djamel-belaid.fr/
Pr
Abdelhak Lamiri Enseignant
chercheur à l'Ecole Supérieure de commerce d'Alger
– La décennie de la dernière chance – émergence ou déchéance
de l’économie algérienne. Fév 2014-Chihab Editions.
Ministère
de l’Agriculture :
Statistiques
agricoles (2000-2010)
1
Inspirée de M. René Lévesque, ancien premier ministre du Canada,
qui a tant œuvré pour l’indépendance du Québec, en vain.
2
Professeur Chems-Eddine CHITOUR, professeur de thermodynamique à
l'École nationale polytechnique d'Alger, dans le Soir d’Algérie
du 20/07/2015.
4
Organismes génétiquement modifiés.
5
Thomas Malthus, économiste britannique – 1766-1834
6
Programme alimentaire mondial -P.M.A- wfp.org.fr
7
Robert Badouin, économie rurale, Paris, Armand Colin, 1971,
Collection « U »
Sciences
économiques et Gestion
8
Centre national de l'informatique et des statistiques des Douanes
(Cnis)
9
Algérie Presse Service du 10/08/2015
10
Houari Boumediene, 1932-1978, Président de l’Algérie -1965-1978-
lors de l’inauguration du village socialiste Guelta Zergua le
21/11/1974.
11
Slimane Bedrani - Professeur à l’école nationale supérieure
d’agronomie d’Alger - in interview d’El Watan du 22 septembre
2015.
12
Bencherki Otsmane- CHLEF: Les engrais plus chers, des agriculteurs
désorientés- Le Quotidien d’Oran-6/10/2015
13
Aït-Amara H. La transition
de l’agriculture algérienne vers un régi me de propriété
individuelle et d’exploitation familiale. In: Jouve A.-M. (ed.),
Bouderbala N. (ed.). Politiques foncières et aménagement des
structures agricoles dans les pays méditerranéens : Montpellier :
CIHEAM, 1999. p. 127-137 (Cahiers Options Méditerranéennes; n. 36)
14
Pattullo H., 1758. Essai sur l’amélioration des terres.
Durand, Paris, 1758, 287 p.
15
Sofiane Benadjila, Ingénieur agronome, membre de la Ligue
Algérienne des Droits de l’Homme.
16
Hamoud Zitouni, ingénieur agronome, ancien Directeur des Services
Agricoles.
17
B.Benyoucef in El Watan économie du 9 juillet 2012.
18
Cité par Abdessamad DRIS in « L'eau
matière stratégique et enjeu de sécurité au 21ème siècle »
- Université Paris 10 - DEA Sciences
Politiques 2005
19
Cotation du 6 octobre 2015 et conversion Euro-Dollar du même jour.
20
Dr Khaldi Abdelkader, docteur ès sciences économiques
et enseignant à l’université Ibn Khaldoun de Tiaret, in El Watan
du 23/09/2015.
21
B. Benyoucef 1980- Thèse en économie rurale : l’association
céréales-élevage dans le développement agricole en Algérie-
Université Montpelier I
22
H.Zitouni-(1976) :
Processus
de dégradation de la steppe et crise du pastoralisme en
Algérie : Esquisse d’une analyse des actions de
développement,
Mémoire de DESS en sciences économiques. Université de
Montpellier I, Montpellier.
23
André Sanson (1826 - 1902)- vétérinaire qui fut professeur de
zootechnie
à l’École
nationale supérieure d'agronomie de Grignon cité
dans in El Watan du 14-06-2015
24
Ogmat Rabah, Président des éleveurs bovins de la wilaya de Tizi
Ouzou- in El Watan du 14-06-2015
25
Déjà cité, in El Watan du 23/09/2015.
26
Rabah
CHELLIG 1921-2012-
L‘amélioration de la production
ovine. Paul Lavallée et Rabah Chellig.
(1958).
27
Agence nationale de valorisation des résultats de la
recherche et du développement technologique.
28
B Benyoucef. Essai de charge sur une prairie de luzerne annuelle
Médicago Truncatula Jemalong. Station expérimentale de l’IDGC.
El Khroub 1975.
29
Déjà cité
30
S. Bedrani déjà cité in El Watan du 28 septembre 2015.
31
D.Belaid, ingénieur agronome ENSA d’Alger, Agrégé de
Sciences-Paris.
32
Abdelhak Lamiri – La décennie de la dernière chance –
émergence ou déchéance de l’économie algérienne. Chihab
Editions.
33
http://www.tsa-algerie.com/20151006/le-communique-du-conseil-des-ministres-2/
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