CEREALICULTURE
AVEC MOINS DE 300 MM DE PLUIE. LES MAROCAINS SAVENT FAIRE.
Djamel
BELAID 15.1.2015
Le
réchauffement climatique n'est pas un vain mot en Algérie. Les
agriculteurs de Laghouat en savent quelque chose. Dans la région de
Laghouat, en 2007-2008, il n'est tombé que 198 mm de pluie et 207 mm
l'année suivante contre 300 mm en moyenne. Depuis ces années de
sécheresse la pluie est revenue
comme en 2010. Comment faire de l'agriculture sous moins de 300 mm de
pluie ? Nous ne savons pas encore faire ; mais les
agriculteurs et agronomes marocains eux, savent.
STRATEGIE
DES AGROPASTEURS DE LA COMMUNE DE HADJ MECHRI
Pour
tirer parti du milieu steppique, les agriculteurs de la commune de
Hadj Mechri (Laghouat) ayant les moyens ont diversifié leurs
productions. Ils ont ainsi développé le maraichage lorsqu'ils ont
les moyens d'avoir accès à l'eau. Mais c'est pour les agropasteurs
détenant moins de 100 moutons que la situation est difficile. Dès
2013, une équipe d'universitaires a décrit la situation dans la
commune de Hadj Mechri,
une des plus pauvres d'Algérie. La situation est dramatique. En
année de sécheresse, les céréales locales ne peuvent même pas
être récoltées et les petits éleveurs vendent progressivement
leurs bêtes. Ils le font dans des conditions particulières :
le prix du fourrage s'envole alors que le prix des animaux chute.
Dans
cette région le réchauffement climatique est une réalité. Les
auteurs de l'étude ont relevé à El Bayadh et Aflou l'évolution de
la pluviométrie moyenne annuelle (en mm/an) depuis 1913. Ils
arrivent à des diminutions respectives des quantités de pluie de
20% et de 7%.
Stations
|
1913-1938
|
1926-1950
|
1971-2005
|
Diminution
|
El Bayadh
|
326
|
294
|
261
|
20,00%
|
Aflou
|
342
|
332
|
318
|
7,00%
|
Tableau :
Evolution de la pluviométrie moyenne annuelle (en mm/an) depuis 1913
(Sources : Office National de météorologie).
LA
SOLUTION POURRAIT VENIR DU MAROC VOISIN
On
connait l'agriculture marocaine pour ses capacités d'exportation de
produits agricoles licites ou non vers l'Europe. Mais ce qu'on
connait moins ce sont les succès de la recherche agronomique
marocaine en matière d'aridoculture. Depuis plus d'une dizaine
d'années à Settat, des agronomes marocains, dont certains ont
étudié dans des université américaines, ont développé des
techniques de culture du blé en milieu semi-aride. Leur façon de
faire permet de récolter 10 quintaux de blé les années où les
façons de faire traditionnelles ne permettent aucune récolte. Pire,
dans ces années là, le fellah y perd le capital investi en semences
et labour. Outre, les grains, ces techniques d'aridoculture
permettent de produire de la paille si prisée en zone d'élevage
mais aussi des pois-chiche et lentille. En quoi consistent ces
techniques qui concernent égalemet les régions un peu plus
arrosées par la pluie?
« AL
HARDH , «'ADOU AL ARDH ! »
« Le
labour est l'ennemi de la terre ». C'est ce cri qui revient le
plus souvent parmi les spécialistes en aridoculture. Ce slogan se
traduit par l'abandon du labour. Abandonner le labour afin de ne pas
arracher les touffes d'alfa et de chih (armoise) de la steppe ?
Non, il s'agit d'abandonner le labour dans les zones steppiques
propices à la céréaliculture. Là où le sol est un peu plus
épais, dans les dépressions (dayat) où traditionnellement les
agropasteurs sèment de l'orge pour nourrir leurs bêtes. Le labour
abandonné, le semis est réalisé directement grâce à un semoir
pour semis direct. Ce mode de semis économise l'eau du sol. Si un
sécheresse survient à la fin du printemps, les plants de blé semés
en semis direct mettent à profit l'eau préservée dans le sol afin
de former un épi. Résultat, l'agropasteur peut récolter alors
qu'en conduite traditionnelle il n'y a rien à récolter si ce n'est
amertume désespoir et dettes.
En fait,
les agronomes marocains, dont Rachid Mrabet, ont ramené très tôt
des USA une technique employée contre l'érosion des sols. Très tôt
les grandes plaines américaines ont été touchées par l'érosion
éolienne et hydrique. Cet épisode est d'ailleurs raconté dans le
livre de Stenbeick, les Raisins de la colère. L'Ecole Algérienne
d'agronomie, plus tournée vers l'autre côté de la Méditerranée,
n'a pas su s'approprier à temps cette approche novatrice. Mais
l'idée du non-labour progresse en Algérie. Et le Pr Rachid Mrabet
était l'un des invités d'honneur du séminaire international de
l'agriculture de conservation qui s'est tenu à Sétif en 2010.
Depuis, de plus en plus d'exploitations céréalières de la région
de Constantine et Sétif adoptent le semis direct. Les semoirs
utilisés sont actuellement importés. Ils coûtent 3 fois plus cher
qu'un semoir classique et de ce fait le semis direct reste l'apanage
de grosses exploitations privées et fermes pilotes. Ce procédé de
semis pourrait même être utilisé pour des sur-semis des jachères
pâturées dans les régions céréalières plus arrosées.
LE MAROC
PRODUCTEUR DE MATERIEL POUR ARIDOCULTURE
Décidemment,
le Maroc ne fini pas de nous étonner. Nous seulement, des agronomes
marocains du centre d'aridoculture de Settat ont réussi à adapter
aux conditions locales la technique du semis direct, mais en plus
ceux de l'Ecole D'agronomie de Meknès participent avec des ONG
française à la mise au point d'un prototype de semoir pour semis
direct. Ce semoir maintenant produit en quelques exemplaires par un
petit industriel local – les établissements ATMAR – commence à
équiper la campagne. Il présente l'intérêt d'être trois fois
moins cher que les semoirs pour semis direct étrangers. Ces derniers
sont sophistiqués et demandent des tracteurs de forte puissance pour
être tractés. Or, le modèle marocain peut être tiré par des
tracteurs de 80 chevaux. On peut, en passant, imaginer ce qu'une
coopération PMAT-ATMAR apporterait...
En Syrie,
avant les évennements que connait actuellement ce pays, il a été
également construit un semoir local pour semis direct. Cela a été
fait avec l'aide d'experts internationaux du centre d'aridoculture
d'Alep. Le semoir Aschbel mis ainsi au point avait permis à ce pays
de semer 60 000 ha de céréales en semis direct alors que chacun des
pays du Maghreb n'en semait pas plus de 6 000.
L'OAIC,
PARTENAIRE DES AGROPASTEURS
L'OAIC, à
travers ses CCLS apporte un soutien capital à la céréaliculture
locale et aux agropasteurs. Mais le réchauffement climatique, la
dégradation des parcours et l'augmentation de la demande en viande
militent en faveur d'une autre stratégie d'aide à l'agriculture en
milieu steppique.
La
technique de l'aridoculture est parvenue jusqu'à l'OAIC. A défaut
d'une communication sur son site, des informations font état de
l'achat d'une vingtaine de semoirs de marque SOLA pour semis direct
par cet office qui a la charge de nourrir 38 000 000 Algériens. Ces
semoirs auraient été répartis au niveau des unités motoculture
des différentes CCLS. Rappelons qu'après la dissolution des CAPCS
issues de la Révolution Agraire des années 70, est apparu dans les
campagnes un déficit en moyens de location de tracteurs. A l'époque
coloniale existaient des SIP que ont été remplacées par des SAP.
Ces structures permettaient un minimum d'approvisionnement des
fellahs en intrants agricoles. S'appercevant de ce manque en moyens
de traction, les tenants d'une politique libérale ont fait machine
arrière et ouvert des unités motoculture au niveau des CCLS. Ces
unités rendent un service conséquent pour les emblavements et les
opérations de récolte. Par leur présence, ces unités ont
également un effet sur les tarifs de location de matériel agricole
privé.
ARIDOCULTURE,
LE DIRIGISME ADMINISTRATIF DE L'OAIC
Les
semoirs SOLA achetés par l'OAIC seraient des semoirs portés et non
pas tractés. Ce qui suppose des tracteurs de 200 chevaux pour
utiliser de tels monstres. Résultats, dans certaines CCLS, les
semoirs importés sont restés plusieurs mois emballés sur des
palettes faute de disponibilité en tracteur de forte puissance. On
peut s'étonner de cette stratégie pour un Office qui, selon le
Ministre de l'Agriculture, dispose de 400 ingénieurs agronomes.
N'aurait-il pas fallu des semoirs moins lourds tels les semoirs
Semeato déjà utilisés localement ou une politique de rapprochement
entre PMAT avec la société marocaine Atmar ou encore la fabrication
de semoirs syriens de type Aschbel ?
A travers
ses CCLS, l'OAIC développe également une politique de production de
semences certifiées. Il a été procédé à l'importation de
matériel de tri et de traitement des semences. Il s'agit là d'un
moyen puissant de faire pénétrer le progrès agronomique dans les
exploitations. En effet, il s'agit le plus souvent de variétés
adaptées au déficit hydrique, de variétés pures génétiquement,
de variétés débarassées de graines de mauvaises herbes et de
graines traitées contre les insectes et maladies. Cependant, dans la
commune de Hadj Mechri, 80% des semences sont des semences
autoproduites, des semences de ferme. Si l'effort des CCLS en matière
de semences certifiées est louable, ne faudrait-il pas en parallèle
encourager la mordernisation de la production de semences de ferme en
favorisant l'installation en milieu steppique de petites unités
mobiles de traitement des semences ? En effet, acheter des
semences certifiées représente une dépense. Il faut ensuite
transporter les semences depuis les dépôts de la CCLS jusqu'à la
parcelle mais également disposer des semences à temps, ce qui est
loin d'être le cas actuellement. Le drame de la céraliculture
algérienne est qu'une partie des emblavements a lieu encore au mois
de décembre ; cela est trop tardif. La plante n'a pas le temps
de boucler son cycle végétatif.
AIDE TOI,
LE CIEL T'AIDERA...
Quelles
solutions pour le développement des petits agropasteurs de la
commune de Hadj Mechri ? « Aide toi, le ciel t'aidera »
a-t-on coutume de dire. Il est évident qu'ils ne peuvent attendre
éternellement des décisions prises dans des tutelles éloignées
des réalités locales. Certes, ces agropasteurs bénéficient des
retombées des PPDRI, des subventions divers (orge pour bétail,
carburants). Jusqu'à présent ces dispositions ont permis un certain
équilibre. Le réchauffement climatique avec l'apparition de
sécheresses plus fréquentes et le surpaturage imposent de nouvelles
stratégies. Parmi elles, le recours aux coopératives de services
constitue une alternative. A condition que ces groupements de
producteurs proviennent d'initiatives locales. Le bilan des
expériences en ce domaine reste à faire.
Toute
production agricole ne peut être durable sans préserver la
fertilité de l'agrosystème. A ce titre, la gestion des parcours
mérite d'être revue. De même que toute céréaliculture implique
des restitutions organiques au sol. A cet égard, la question du
statut du foncier est décisive. En effet, les opérations de
conservtion du milieu s'échelonne sur le moyen et long terme. Il
s'agit donc de trouver le meilleur équilibre entre ces objectifs et
la gestion des parcours et le statut des terres consacrées à la
céréaliculture.
LA SOLUTION POURRAIT
VENIR DE PMAT
Nous
avons une industrie du machinisme agricole que nos voisins maghrébins
nous envient. Nous savons produire, grâce à la politique de feu
Houari Boumediene, des tracteurs, charrues et remorques agricoles.
Ces productions se sont aujourd'hui diversifiées. Le groupe PMAT
produit des semoirs, épandeurs d'engrais, déchaumeuses, herses,
pulvérisateurs, moissonneuses-batteuses. Mais ce groupe ne produit
pas de semoirs pour semis direct. Pire, il tourne le dos à cette
technique d'agriculture de conservation avec la signature l'an passé
d'un accord avec le portugais Galucho pour produire plus de charrues.
On peut
rêver à ce que ce fleuron du machinisme agricole consente un jour à
s'intéresser à la production d'outils spécifiques à
l'aridoculture. Le travail du groupe PMAT est positif dans la mesure
où depuis des dizaines d'années les cadres et ouvriers ont permis
l'équipement de l'agriculture algérienne. Au plus profond des
campagnes ont trouve du matériel agricole Made in DZ, matériel
robuste et accessible financiérement comme les derniers épandeurs
de fumier produits localement. Les conditions de développement du
groupe PMAT ne sont pas faciles actuellement face à la politique
d'importation tout azimuth de matériel agricole. Ce groupe doit
cependant rapidement se pencher sur la production de matériel pour
l'aridoculture dont les semoirs directs.
CONCLUSION
Le
développement harmonieux des activités des agropasteurs de Hadj
Mechri est possible. Le réchauffement climatique est certes
problématique. Leur activité est possible à la condition qu'ils
s'approprient des techniques d'aridoculture pour produire une partie
de leurs besoins en fourrages.
Le
développement de ces techniques passe par un abandon du paradigme du
labour. Abandon de la part des agropasteurs mais également des
urbains : ingénieurs agronomes et dirigeants des entreprises de
matériel agricole. Pour cela, les décideurs algériens montrent un
déficit criant de communication quand il ne s'agit pas d'errements
dans le choix d'une politique stratégique. L'analyse des choix de
l'OAIC et de PMAT en témoigne. Manque de communication entre
décideurs mais également manque de communication avec des
investisseurs privés (agriculteurs et artisans). Les typologies
d'investisseurs liés au mileiu agricole réalisées à travers
diverses études montrent un dynamisme certain. C'est notamment le
cas dans le domaine de la production de maraichage sous serre dans le
Sud : développement de système de goutte à goutte avec mini
château d'eau, système de fertigation, fabrication de rampes
pivots. En grande culture, des innovations techniques apparaissent
également : fabrication de herses dans un atelier de ferme pour
biner des lentilles, utilisation d'une pompe et d'une rampe pour
traiter des pommes de terre en remplacement de matériel à dos. Il
est à espérer que d'ingénieux investiseurs s'emparent de la
question du matériel d'implantation des céréales en aridoculture.
De part le grand nombre d'hectares concernés en Algérie
(hauts-plateaux, steppe et pivots du grand Sud), il s'agit là de la
« mère des batailles ».
Djamel
BELAID 15.1.2015
Le
réchauffement climatique n'est pas un vain mot en Algérie. Les
agriculteurs de Laghouat en savent quelque chose. Dans la région de
Laghouat, en 2007-2008, il n'est tombé que 198 mm de pluie et 207 mm
l'année suivante contre 300 mm en moyenne. Depuis ces années de
sécheresse la pluie est revenue
comme en 2010. Comment faire de l'agriculture sous moins de 300 mm de
pluie ? Nous ne savons pas encore faire ; mais les
agriculteurs et agronomes marocains eux, savent.
STRATEGIE
DES AGROPASTEURS DE LA COMMUNE DE HADJ MECHRI
Pour
tirer parti du milieu steppique, les agriculteurs de la commune de
Hadj Mechri (Laghouat) ayant les moyens ont diversifié leurs
productions. Ils ont ainsi développé le maraichage lorsqu'ils ont
les moyens d'avoir accès à l'eau. Mais c'est pour les agropasteurs
détenant moins de 100 moutons que la situation est difficile. Dès
2013, une équipe d'universitaires a décrit la situation dans la
commune de Hadj Mechri,
une des plus pauvres d'Algérie. La situation est dramatique. En
année de sécheresse, les céréales locales ne peuvent même pas
être récoltées et les petits éleveurs vendent progressivement
leurs bêtes. Ils le font dans des conditions particulières :
le prix du fourrage s'envole alors que le prix des animaux chute.
Dans
cette région le réchauffement climatique est une réalité. Les
auteurs de l'étude ont relevé à El Bayadh et Aflou l'évolution de
la pluviométrie moyenne annuelle (en mm/an) depuis 1913. Ils
arrivent à des diminutions respectives des quantités de pluie de
20% et de 7%.
Stations
|
1913-1938
|
1926-1950
|
1971-2005
|
Diminution
|
El Bayadh
|
326
|
294
|
261
|
20,00%
|
Aflou
|
342
|
332
|
318
|
7,00%
|
Tableau :
Evolution de la pluviométrie moyenne annuelle (en mm/an) depuis 1913
(Sources : Office National de météorologie).
LA
SOLUTION POURRAIT VENIR DU MAROC VOISIN
On
connait l'agriculture marocaine pour ses capacités d'exportation de
produits agricoles licites ou non vers l'Europe. Mais ce qu'on
connait moins ce sont les succès de la recherche agronomique
marocaine en matière d'aridoculture. Depuis plus d'une dizaine
d'années à Settat, des agronomes marocains, dont certains ont
étudié dans des université américaines, ont développé des
techniques de culture du blé en milieu semi-aride. Leur façon de
faire permet de récolter 10 quintaux de blé les années où les
façons de faire traditionnelles ne permettent aucune récolte. Pire,
dans ces années là, le fellah y perd le capital investi en semences
et labour. Outre, les grains, ces techniques d'aridoculture
permettent de produire de la paille si prisée en zone d'élevage
mais aussi des pois-chiche et lentille. En quoi consistent ces
techniques qui concernent égalemet les régions un peu plus
arrosées par la pluie?
« AL
HARDH , «'ADOU AL ARDH ! »
« Le
labour est l'ennemi de la terre ». C'est ce cri qui revient le
plus souvent parmi les spécialistes en aridoculture. Ce slogan se
traduit par l'abandon du labour. Abandonner le labour afin de ne pas
arracher les touffes d'alfa et de chih (armoise) de la steppe ?
Non, il s'agit d'abandonner le labour dans les zones steppiques
propices à la céréaliculture. Là où le sol est un peu plus
épais, dans les dépressions (dayat) où traditionnellement les
agropasteurs sèment de l'orge pour nourrir leurs bêtes. Le labour
abandonné, le semis est réalisé directement grâce à un semoir
pour semis direct. Ce mode de semis économise l'eau du sol. Si un
sécheresse survient à la fin du printemps, les plants de blé semés
en semis direct mettent à profit l'eau préservée dans le sol afin
de former un épi. Résultat, l'agropasteur peut récolter alors
qu'en conduite traditionnelle il n'y a rien à récolter si ce n'est
amertume désespoir et dettes.
En fait,
les agronomes marocains, dont Rachid Mrabet, ont ramené très tôt
des USA une technique employée contre l'érosion des sols. Très tôt
les grandes plaines américaines ont été touchées par l'érosion
éolienne et hydrique. Cet épisode est d'ailleurs raconté dans le
livre de Stenbeick, les Raisins de la colère. L'Ecole Algérienne
d'agronomie, plus tournée vers l'autre côté de la Méditerranée,
n'a pas su s'approprier à temps cette approche novatrice. Mais
l'idée du non-labour progresse en Algérie. Et le Pr Rachid Mrabet
était l'un des invités d'honneur du séminaire international de
l'agriculture de conservation qui s'est tenu à Sétif en 2010.
Depuis, de plus en plus d'exploitations céréalières de la région
de Constantine et Sétif adoptent le semis direct. Les semoirs
utilisés sont actuellement importés. Ils coûtent 3 fois plus cher
qu'un semoir classique et de ce fait le semis direct reste l'apanage
de grosses exploitations privées et fermes pilotes. Ce procédé de
semis pourrait même être utilisé pour des sur-semis des jachères
pâturées dans les régions céréalières plus arrosées.
LE MAROC
PRODUCTEUR DE MATERIEL POUR ARIDOCULTURE
Décidemment,
le Maroc ne fini pas de nous étonner. Nous seulement, des agronomes
marocains du centre d'aridoculture de Settat ont réussi à adapter
aux conditions locales la technique du semis direct, mais en plus
ceux de l'Ecole D'agronomie de Meknès participent avec des ONG
française à la mise au point d'un prototype de semoir pour semis
direct. Ce semoir maintenant produit en quelques exemplaires par un
petit industriel local – les établissements ATMAR – commence à
équiper la campagne. Il présente l'intérêt d'être trois fois
moins cher que les semoirs pour semis direct étrangers. Ces derniers
sont sophistiqués et demandent des tracteurs de forte puissance pour
être tractés. Or, le modèle marocain peut être tiré par des
tracteurs de 80 chevaux. On peut, en passant, imaginer ce qu'une
coopération PMAT-ATMAR apporterait...
En Syrie,
avant les évennements que connait actuellement ce pays, il a été
également construit un semoir local pour semis direct. Cela a été
fait avec l'aide d'experts internationaux du centre d'aridoculture
d'Alep. Le semoir Aschbel mis ainsi au point avait permis à ce pays
de semer 60 000 ha de céréales en semis direct alors que chacun des
pays du Maghreb n'en semait pas plus de 6 000.
L'OAIC,
PARTENAIRE DES AGROPASTEURS
L'OAIC, à
travers ses CCLS apporte un soutien capital à la céréaliculture
locale et aux agropasteurs. Mais le réchauffement climatique, la
dégradation des parcours et l'augmentation de la demande en viande
militent en faveur d'une autre stratégie d'aide à l'agriculture en
milieu steppique.
La
technique de l'aridoculture est parvenue jusqu'à l'OAIC. A défaut
d'une communication sur son site, des informations font état de
l'achat d'une vingtaine de semoirs de marque SOLA pour semis direct
par cet office qui a la charge de nourrir 38 000 000 Algériens. Ces
semoirs auraient été répartis au niveau des unités motoculture
des différentes CCLS. Rappelons qu'après la dissolution des CAPCS
issues de la Révolution Agraire des années 70, est apparu dans les
campagnes un déficit en moyens de location de tracteurs. A l'époque
coloniale existaient des SIP que ont été remplacées par des SAP.
Ces structures permettaient un minimum d'approvisionnement des
fellahs en intrants agricoles. S'appercevant de ce manque en moyens
de traction, les tenants d'une politique libérale ont fait machine
arrière et ouvert des unités motoculture au niveau des CCLS. Ces
unités rendent un service conséquent pour les emblavements et les
opérations de récolte. Par leur présence, ces unités ont
également un effet sur les tarifs de location de matériel agricole
privé.
ARIDOCULTURE,
LE DIRIGISME ADMINISTRATIF DE L'OAIC
Les
semoirs SOLA achetés par l'OAIC seraient des semoirs portés et non
pas tractés. Ce qui suppose des tracteurs de 200 chevaux pour
utiliser de tels monstres. Résultats, dans certaines CCLS, les
semoirs importés sont restés plusieurs mois emballés sur des
palettes faute de disponibilité en tracteur de forte puissance. On
peut s'étonner de cette stratégie pour un Office qui, selon le
Ministre de l'Agriculture, dispose de 400 ingénieurs agronomes.
N'aurait-il pas fallu des semoirs moins lourds tels les semoirs
Semeato déjà utilisés localement ou une politique de rapprochement
entre PMAT avec la société marocaine Atmar ou encore la fabrication
de semoirs syriens de type Aschbel ?
A travers
ses CCLS, l'OAIC développe également une politique de production de
semences certifiées. Il a été procédé à l'importation de
matériel de tri et de traitement des semences. Il s'agit là d'un
moyen puissant de faire pénétrer le progrès agronomique dans les
exploitations. En effet, il s'agit le plus souvent de variétés
adaptées au déficit hydrique, de variétés pures génétiquement,
de variétés débarassées de graines de mauvaises herbes et de
graines traitées contre les insectes et maladies. Cependant, dans la
commune de Hadj Mechri, 80% des semences sont des semences
autoproduites, des semences de ferme. Si l'effort des CCLS en matière
de semences certifiées est louable, ne faudrait-il pas en parallèle
encourager la mordernisation de la production de semences de ferme en
favorisant l'installation en milieu steppique de petites unités
mobiles de traitement des semences ? En effet, acheter des
semences certifiées représente une dépense. Il faut ensuite
transporter les semences depuis les dépôts de la CCLS jusqu'à la
parcelle mais également disposer des semences à temps, ce qui est
loin d'être le cas actuellement. Le drame de la céraliculture
algérienne est qu'une partie des emblavements a lieu encore au mois
de décembre ; cela est trop tardif. La plante n'a pas le temps
de boucler son cycle végétatif.
AIDE TOI,
LE CIEL T'AIDERA...
Quelles
solutions pour le développement des petits agropasteurs de la
commune de Hadj Mechri ? « Aide toi, le ciel t'aidera »
a-t-on coutume de dire. Il est évident qu'ils ne peuvent attendre
éternellement des décisions prises dans des tutelles éloignées
des réalités locales. Certes, ces agropasteurs bénéficient des
retombées des PPDRI, des subventions divers (orge pour bétail,
carburants). Jusqu'à présent ces dispositions ont permis un certain
équilibre. Le réchauffement climatique avec l'apparition de
sécheresses plus fréquentes et le surpaturage imposent de nouvelles
stratégies. Parmi elles, le recours aux coopératives de services
constitue une alternative. A condition que ces groupements de
producteurs proviennent d'initiatives locales. Le bilan des
expériences en ce domaine reste à faire.
Toute
production agricole ne peut être durable sans préserver la
fertilité de l'agrosystème. A ce titre, la gestion des parcours
mérite d'être revue. De même que toute céréaliculture implique
des restitutions organiques au sol. A cet égard, la question du
statut du foncier est décisive. En effet, les opérations de
conservtion du milieu s'échelonne sur le moyen et long terme. Il
s'agit donc de trouver le meilleur équilibre entre ces objectifs et
la gestion des parcours et le statut des terres consacrées à la
céréaliculture.
LA SOLUTION POURRAIT
VENIR DE PMAT
Nous
avons une industrie du machinisme agricole que nos voisins maghrébins
nous envient. Nous savons produire, grâce à la politique de feu
Houari Boumediene, des tracteurs, charrues et remorques agricoles.
Ces productions se sont aujourd'hui diversifiées. Le groupe PMAT
produit des semoirs, épandeurs d'engrais, déchaumeuses, herses,
pulvérisateurs, moissonneuses-batteuses. Mais ce groupe ne produit
pas de semoirs pour semis direct. Pire, il tourne le dos à cette
technique d'agriculture de conservation avec la signature l'an passé
d'un accord avec le portugais Galucho pour produire plus de charrues.
On peut
rêver à ce que ce fleuron du machinisme agricole consente un jour à
s'intéresser à la production d'outils spécifiques à
l'aridoculture. Le travail du groupe PMAT est positif dans la mesure
où depuis des dizaines d'années les cadres et ouvriers ont permis
l'équipement de l'agriculture algérienne. Au plus profond des
campagnes ont trouve du matériel agricole Made in DZ, matériel
robuste et accessible financiérement comme les derniers épandeurs
de fumier produits localement. Les conditions de développement du
groupe PMAT ne sont pas faciles actuellement face à la politique
d'importation tout azimuth de matériel agricole. Ce groupe doit
cependant rapidement se pencher sur la production de matériel pour
l'aridoculture dont les semoirs directs.
CONCLUSION
Le
développement harmonieux des activités des agropasteurs de Hadj
Mechri est possible. Le réchauffement climatique est certes
problématique. Leur activité est possible à la condition qu'ils
s'approprient des techniques d'aridoculture pour produire une partie
de leurs besoins en fourrages.
Le
développement de ces techniques passe par un abandon du paradigme du
labour. Abandon de la part des agropasteurs mais également des
urbains : ingénieurs agronomes et dirigeants des entreprises de
matériel agricole. Pour cela, les décideurs algériens montrent un
déficit criant de communication quand il ne s'agit pas d'errements
dans le choix d'une politique stratégique. L'analyse des choix de
l'OAIC et de PMAT en témoigne. Manque de communication entre
décideurs mais également manque de communication avec des
investisseurs privés (agriculteurs et artisans). Les typologies
d'investisseurs liés au mileiu agricole réalisées à travers
diverses études montrent un dynamisme certain. C'est notamment le
cas dans le domaine de la production de maraichage sous serre dans le
Sud : développement de système de goutte à goutte avec mini
château d'eau, système de fertigation, fabrication de rampes
pivots. En grande culture, des innovations techniques apparaissent
également : fabrication de herses dans un atelier de ferme pour
biner des lentilles, utilisation d'une pompe et d'une rampe pour
traiter des pommes de terre en remplacement de matériel à dos. Il
est à espérer que d'ingénieux investiseurs s'emparent de la
question du matériel d'implantation des céréales en aridoculture.
De part le grand nombre d'hectares concernés en Algérie
(hauts-plateaux, steppe et pivots du grand Sud), il s'agit là de la
« mère des batailles ».