Les
dessous de l'ascension fulgurante de l'industriel Issad Rebrab.
La
première fortune du pays a disposé d'un compte offshore au début
des années 199à, à l'époque où la loi algérienne l'interdisait.
Le
Monde 27.7.2016 Lyas Hallas.
Le
patron du groupe Cevital, I Rebrab, compte parmi les plus anciens
clients du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, mis en cause
dans le scandale des « Panama Papers ». En juin 1992,
alors que le pays s'enfonçait dans la tourmente de la « décennie
noire » entre Etat et terroristes djihadistes, I Rebrab, alors
importateur de ronds à béton, a recouru au service de M Fonseca
pour créer une société offshore, Dicoma Entreprise Ltd.
L'entreprise, domiciliée aux îles Vierges Britaniques devait gérer
un portefeuille placé chez l'Union des banques suisses (UBS) à
Genève. A l'époque, Rbrab n'avait pas d'activités à l'étranger.
La loi algérienne interdit la possession à l'étranger d'avoirs
issus d'une activité en Algérie.
Selon
les documents obtenus par le Consortium International des
journalistes d'investigations et le quotidien allemand Süddeutsche
Zeitung, I Rebrab restera l'ayant droit de cette société au
capital de 50 000 dollars jusqu'au mois de mars 1996, date à
laquelle elle sera dissoute à sa demande. « Je soussigné, M.
Issad Rebrab, actionnaire unique de la société Dicoma Enterprise
Ltd, vous prie de bien vouloir procéder à la liquidation de cette
dernière, après paiement des frais », a recommandé M. Rebrab
dans un courrier adressé en date du 15 décembre 1995à l'antenne
genevoise de Mossack Fonseca.
En
fait, le cabinet panaméen a transféré les activités, - en
particulier
la
gestion du compte à l'UBS – de la société dissoute à une autre
structure offshore, Anilson Management Ltd, domiciliée dans un autre
paradis fiscal, l'île de Niue, dans le Pacifique sud.
Contacté
par son secrétariat et directement au téléphone, Issad R n'a pas
souhaité commenté l'information. Jointe par tél, sa chargée de
communication, Soraya Djermoune, a nié l'existence de cette
société : « M. R vous dit qu'il n'a jamais eu de société
aux îles Vierges britanniques. »
Activité
d'import-export
Première
fortune d'Algérie, I R est à la tête d'un groupe dont le chiffre
d'affaires a dépassé3 milliards de $ (2,7 milliards €) en 2015.
Les acquisitions qu'il a réalisées ces dernières années – les
groupes français Oxxo et Brandt, l'usine espagnol d'aluminium Alas
et les aciéries italiennes Lucchini – lui donnent une envergure
résolument internationale.
Mais
si Cevital, créé en 1998, est devenu ce qu'il est, c'est parce que
le patron du groupe a bénéficié pendant très longtemps de
monopoles sur les importations de produits de grande consommation.
D'abord le rond à béton, puis le sucre et l'huile. C'est cette
activité d'import-export qui a d'ailleurs alimenté ce compte suisse
d'I. Rebrab, mis à jour dans les « PP ». L'argent
provisionnant ce compte proviendrait de l'importation de ronds à
béton d'Italie et de l'exportation de ronds à béton de l'usine
Metal Sider vers le Maroc et de déchets ferreux vers la Russie.
C'est
aussi ce flux d'argent qui a permis à M Rebrab de se lancer dans
l'agro-alimentaire en France (Délice Mondial et Isla Mondial) où il
s'est installé après le sabotage de l'usine Metal Sider d'Ouled
Moussa par un groupe armé au milieu des années 1990. Et de financer
les importations du sucre à son retour en Algérie, en 1993.
En
1991, la SACE, organisme italien de couverture des exportations, a
mis à disposition de l'Algérie un crédit de 300 millions $pour
l'exportation de ronds à béton italiens vers l'Algérie, que le
gouvernement Hamrouche avait répartis sur cinq banques. Metal Sider
a obtenu deux quotas pour 100 millions $. Les autres quotas ont
bénéficié aux entreprises publiques SNS (60 millions) et Cosider,
ainsi qu'un privé Koninef.
Une
polémique avait éclaté à l'époque, lorsque les responsables de
la SNS avaient accusés M. R qui achetait moins cher par le biais
d'un trader algérien installé en Italie dont la société s'appelle
Prodeco, d'importer en fait de l'acier ukrainien irradié transitant
par la Péninsule. Parallèlement, Metal Sider a effectué des
opérations d'exportation de ronds à béton vers Sonasid au Maroc,
en 1993. Les opérations de commerce extérieur de M. Rebrab ne se
limitaient néanmoins pas aux ronds à béton, à cette époque-là.
Au prétexte de transformer en ronds à béton, il achetait
d'importantes quantités de déchets ferreux. Puisque les quantités
drainées dépassaient les capacités de l'usine, une bonne partie de
ces déchets était exportée, malgré un arrêté interministériel
de 1992, interdisant ce type d'exportations.
M.Rebrab
s'est trouvé en situation de monopole pour la récupération de ces
déchets comme pour leurs exportations, car il bénéficiait d'une
dérogation. L'arrêté a été abrogé début 1994. Entre-temps, IR
a eu le temps de décoller, et de gêner ceux, qui au sein du
pouvoir, lui ont donné d'indispensables coups de pouce.
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