FEROUKHI
A BATNA: AGIR SUR LES ACCELERATEURS DE DEVELOPPEMENT AGRICOLES
Djamel
BELAID 4.06.2016 publié le 12.06.2016
Les
points essentiels de cet article
Il
existe de nombreux accélérateurs du développement agricole. Un
grand nombre concernent les productions végétales. Il s'agit
essentiellement de la disponibilité en matériel de semis direct,
ensileuses, enrubanneuses et matériel de plantation et récolte de
pomme de terre. En steppe, la multiplication des ouvrages pour
l'épandage de crues peut permettre un rapide développement des
zones irrigables.
Au
MADR, ces accélérateurs de développement ne sont pas tous
clairement identifiés.
Lors
d'un récent déplacement dans la wilaya de Batna, le Ministre de
l'agriculture a insisté sur la nécessité de cerner des
« accélérateurs » du développement agricole afin
d'affronter la crise qui menace l'Algérie.
AU
MADR, LA CHARRUE AVANT LES BOEUFS
Ces
paroles sont salutaires. Car concernant les productions végétales,
nous avons pu remarquer ces temps-ci que de nombreux responsables
agricoles sur le terrain ou siège du ministère ne semblent pas
identifier de tels accélérateurs. Ainsi, lors de la dernière
sécheresse automnale à l'Ouest du pays, le conseil donné aux
agriculteurs a été d'irriguer leurs parcelles. A notre connaissance
aucun responsable agricole n'a évoqué les possibilité offertes
dans ce genre de situation par le semis direct.
Pire,
chez certains, il ne semble pas exister de vision à long terme.
Vision qui théoriquement devrait déboucher sur des étapes de
mi-parcours. L'impression qui est donnée parfois est de gérer
l'urgence, de parer au plus pressé. L'exemple nous a été donné
lors de la dernière crise laitière. Ce n'est que suite à un
mouvement revendicatif des éleveurs laitiers qu'un programme de
dynamisation des productions fourragères a été mis en place.
Précisons pour sa défense, qu'à peine nommé, l'actuel ministre de
l'agriculture a hérité de cette crise. Mais les responsables de la
direction des productions animales de ce ministère ne pouvait-elle
pas alerter leurs collègues de la direction des productions
végétales du besoin croissant de fourrage suite aux récentes
importations massives de génisses ?
Autre
exemple. L'OAIC a développé un large programme pour assurer une
meilleure disponibilité en semences certifiées. Au vu de l'entrée
en production des premières stations modernes de traitements de
semences, il s'agit là d'un programme de qualité. Mais l'OAIC ne
semble pas avoir cerné les prochains accélérateurs de
développement sur les quels intervenir.
A
de rares exceptions, jusqu'à la nomination de l'actuel titulaire du
poste de Ministre de l'agriculture, il semble qu'au MADR on ait mis
la charrue avant les bœufs.
Types de mesures
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Temps pour avoir des effets
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Effet attendu
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Coût pour le budget de l'Etat
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Observations
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Remplacement du labour par le
semis-direct (SD)
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Progressif à rapide (nécessité de
l'acquisition du matériel et de maîtrise du désherbage
chimique)
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Augmentation des rendements,
réduction des coûts de mécanisation
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Faible. La production de semoirs est
réalisée par CMA-SOLA et des privés.
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Production balbutiante de semoirs.
Nécessité de vulgarisation. Possibilité d'effet boule de neige.
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Développement de l'épandage de
crues (steppe)
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Rapide
|
Amélioration de la production
fourragère
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Faible. Financement modique
(gabbions)
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Nécessité d'études de faisabilité
et d'appels d'offre pour travaux
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Ré-affectation de postes
budgétaires à des associations professionnelles
|
Rapide
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Meilleur encadrement technique des
agriculteurs, plus grande responsabilisation des conseillers
(obligation de résultats)
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Nul puisqu'il s'agit de transferts
sur une base volontaire ou à l'occasion de départ à la retraite
par exemple
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Nécessité d'associations
professionnelles représentatives
Refus et inertie du personnel
actuellement en poste
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Protection marge agriculteurs
-encourager la transformation des
céréales par les producteurs
-attribution dans les marchés
d'emplacements à des groupement d'agriculteurs.
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Moyen
Rapide
|
Pour les agriculteurs, amélioration
de l'attraction pour les céréales
Réduction de l'inflation
|
Nul
Nul
|
Risque de pression des
transformateurs
Risque de pression des commerçants
|
Contractualisation (favoriser
l'installation de tranformateurs)
|
Rapide
|
Amélioration du niveau technique
des agriculteurs, production de cultures nouvelles
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Nul. Contre l'accès au marché
permis pas l'Etat, le transformateur finance l'encadrement des
producteurs
|
Encadrement technique des
agriculteurs par les techniciens du transformateur
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OAIC
-refonte du statut des personnels
liés à la fonction commerciale
-autorisation de transformation des
produits agricoles
-créer une prime pour stockage à
la ferme.
|
Rapide
Rapide
Rapide
|
Amélioration du service
Réduction du déficit des CCLS
Améliorer les capacités de
stockage à la ferme.
|
Faible
Nul puisqu'à la charge des CCLS.
Faible. Les investissements étant à
la charge des producteurs.
|
Attribution d'une prime liée au
volume des ventes ou de collecte.
Risque de pression des
transformateurs installés.
Le surcoût de la prime est à
comparer aux investissements actuels de stockage de l'OAIC.
|
Création de coopératives
céréalières hors CCLS
|
Rapide
|
Augmentation de la production,
protection des marges.
|
Nul
|
Responsabilisation de la filière
céréales.
|
Utilisation de main d'oeuvre
étrangère qualifiée
|
Rapide
|
Mise en œuvre de techniques
innovantes. Exemples : ouvriers marocains spécialisés en
serres canariennes.
|
Nul
|
Accroître la durée des titres de
séjours.
|
Ouverture des concessions à des
capitaux étrangers (49/51%)
|
Rapide
|
Mise en œuvre de techniques
innovantes
|
Nul
|
Ne permettre cette installation que
dans des zones précises et en association à des investisseurs
locaux.
|
« ACCELERATEURS »
DU DEVELOPPEMENT ET BAGUETTE MAGIQUE
En
quoi consistent des « accélérateurs » du développement
agricole ? Il s'agit d'actions susceptibles de parer aux goulots
d'étranglement qui empêchent toute augmentation rapide de la
production agricole. « Accélérateurs » ne signifie pas
baguette magique. L'acte de production agricole est complexe. Comme
tout investisseur, l'agriculteur a besoin de lever l'incertitude
quant au retour sur investissement. Il s'agit donc de se pencher sur
les aspects du statut de la terre, du niveau des subventions
agricoles, du crédit et des aspects techniques.
Il
faut donc veiller à bien identifier les obstacles à la production
agricole. Sinon, les « accélérateurs » ne seront que
factices. Lors de sa visite à Batna, Mr Ferroukhi a ouvert un
colloque consacré à la promotion et à la valorisation du figuier
de Barbarie. Il a clairement indiqué aux participants qu'il comptait
sur eux afin de définir les moyens d'arriver à de tels objectifs.
Ce type de démarche permet d'impliquer la communauté des
chercheurs, des producteurs et des transformateurs. Il nous semble
que c'est là un moyen de cerner les « accélérateurs »
de développement propres à une culture ou à un échelon régional.
Il
nous semble qu'un accélérateur de développement doit, de
préférence, consister en une mesure peut coûteuse pour le budget
de l'Etat.
Nous
souhaiterions pour notre part indiquer quelques uns de ces
accélérateurs.
LES
PRODUCTIONS VEGETALES, BASE DE TOUT AGROSYSTEME
Tout
agrosystème est basé sur une production de biomasse végétale. A
ce titre, il nous semble important d'examiner ces productions et en
particulier les céréales, les légumes secs, les oléagineux et les
fourrages. En zone de déficit hydrique, le facteur limitant de ces
productions est l'eau. La solution est donc d'irriguer. Les céréales
et les fourrages font déjà l'objet de programmes d'irrigation
d'appoint. Quid des surfaces menées sans irrigation ? Celles-ci
représentent la majorité des emblavements.
Il
nous semble que l'un des accélérateurs de développement des
cultures pluviales concerne donc l'optimisation de l'eau de pluie.
Traditionnellement, la solution a concerné la pratique de la
jachère. Celle-ci est aujourd'hui décriée pour des motifs
économiques, agronomiques et écologiques. L'alternative consiste en
le non-labour avec semis-direct. Les travaux menés en zones
semi-arides montrent que nous avons tout à gagner de cette nouvelle
pratique. Là, où en cas de stress hydrique prononcé, les
rendements sont de 2 quintaux/hectare, avec le semis-direct, les
rendements sont 5 fois supérieurs. Ces dernières années, de
grosses exploitations ont d'ailleurs importé des semoirs pour
semis-direct. Il reste à équiper les petites et moyennes
exploitations. Ceci pourrait être progressivement fait grâce à la
production locale de semoir par l'entreprise CMA-SOLA de Sdi
Bel-Abbès.
Par
les avantages procurés, le semis direct est fondamental. Il permet
en effet de semer plus vite et moins cher tout en réduisant les
doses de semences et d'engrais utilisées. Le semis-direct ne
concerne pas seulement le blé, mais également l'orge, les
pois-chiche, les lentilles, les fourrages et demain de nouvelles
cultures dont les oléagineux. Par une amélioration de la production
fourragère, le semis-direct concerne également l'élevage ovin et
bovin laitier.
EN
STEPPE, AMELIORATION DE L'OFFRE FOURRAGERE
En
zone steppique l'expérience du HCDS en matière d'épandage des
crues est à mieux valoriser. En effet, la steppe comporte
d'innombrables zone où cette technique peut permettre d'augmenter
les surfaces irrigables pour de faibles coûts. La construction de
gabions représente un coût nettement inférieur aux infrastructures
hydrauliques traditionnelles.
MECANISER
POUR REDUIRE LA PENIBILITE DU TRAVAIL AGRICOLE
Dans
certaines productions, la mécanisation représente un accélérateur
de développement. Cela a été le cas avec la modernisation du parc
de moissonneuses-batteuses, de la récolte en vrac des céréales et
l'utilisation des bennes Marell. Concernant les fourrages, une étude
fine des goulots d'étranglement est à dresser. En première
approche, il apparaît qu'un accélérateur de développement de ces
productions concerne les ensileuses puis les enrubanneuses.
Concernant la production de pomme de terre, la fabrication de
planteuses, buteuses et arracheuses de tubercules s'avère
primordiale. A noter les subventions publiques à la création de
chambres froides. Celles-ci ont permis une nette augmentation des
capacités de stockage.
Concernant
le matériel d'irrigation, il s'agit de recenser les besoins en
matériel. Les choix devraient être orientés vers les matériels
les plus économes en utilisation de l'eau d'irrigation.
Afin
de susciter plus de coordination dans la filière, il s'agit
également de favoriser la création d'un syndicat des importateurs,
monteur et constructeurs de matériel agricole.
NOS
AGRONOMES COMME CES MEDECINS AUX PIEDS NUS
Afin
d'apporter une aide technique aux agriculteurs et de diffuser les
meilleurs pratiques mises en œuvre sur le terrain, les ingénieurs
et techniciens doivent être au plus près du terrain et avoir
« obligation de résultats ». Dans les années 60-70, en
matière de santé, la population chinoise doit beaucoup aux soins
prodigués par les « médecins aux pieds nus ». A
l'époque, ces médecins et infirmiers parcouraient les campagnes.
Avoir plus d'ingénieurs et techniciens sur le terrain peut être
atteint en :
-procédant
à un transfert de postes budgétaires depuis le secteur public au
secteur de la profession agricole,
-en
instituant une taxe symbolique sur les productions agricoles afin de
co-financer les instituts techniques dépendant du MADR,
-en
instituant au sein des instituts techniques dépendant du MADR des
conseils d'administration où seraient représentés des
représentants des filières concernées,
-déléguant
(par contractualisation) à des transformateurs privés (locaux ou
étrangers) ou à des regroupements d'agriculteurs engagés dans la
transformation le soin d'encadrer les producteurs,
-accorder
des concessions mixtes à des agriculteurs locaux associés à des
agriculteurs étrangers,
-faciliter
les conditions d'exercice en Algérie de la main d'oeuvre spécialisée
étrangère (ouvriers marocains spécialisés dans les serres
canariennes, chef de culture européens, …).
COMMERCIALISATION,
PROTEGER LA MARGE DES AGRICULTEURS
A
plusieurs occasions, Mr Freeoukhi a évoqué de l'intérêt des
producteurs à se regrouper pour acquérir des moyens pour
transporter leur production ou alimenter dans un marché couvert un
carreau (emplacement) qui leur aurait été attribué. Il s'agit là
d'idées très intéressantes.
Les
céréaliers n'ont aucun droit dans la transformation première et
secondaire de leur production. La facilitation de leur entrée dans
ce secteur réservée à une minorité d'opérateurs permettrait
d'améliorer leurs marges et ainsi les encourager à moderniser leurs
pratiques.
CONCLUSION
En
matière d'accélérateurs de développement, il existe des
réussites : politique de concessions agricoles, subvention des
intrants et matériel, prix à la production (qu'on se rappelle la
« grève des labours »), subvention à la construction de
chambres froides. Le MADR n'accorde cependant pas assez d'importance
à des dossiers technique tel le semis-direct ou la réforme
nécessaire des CCLS. Il faut dire également qu'on ne peut agir et
réformer qu'en fonction des moyens dont on dispose.
Les
accélérateurs de dévelopement sont nombreux. Certains sont
identifiés par le MADR. Il s'agit d'opérer au plus vite une
classification entre les mesures a effet immédiat et au ratio
coût/production le plus intéressant. Le plus grave serait de ne
pas identifier ces accélérateurs. Mais la politique de recherche
d'accélérateurs de dévelopement ne doit cependant pas cacher la
nécessité de profondes réformes dans le secteur agricole et
d'efforts patients portant sur le long terme. La stabilité des
réglements et la sécurité des investissements sont aussi des
facteurs essentiels pour tout investisseur potentiel.
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