samedi 11 juin 2016

FEROUKHI : AGIR SUR LES ACCELERATEURS DE DEVELOPPEMENT AGRICOLES

FEROUKHI  A BATNA: AGIR SUR LES ACCELERATEURS DE DEVELOPPEMENT AGRICOLES
Djamel BELAID 4.06.2016 publié le 12.06.2016

Les points essentiels de cet article 
Il existe de nombreux accélérateurs du développement agricole. Un grand nombre concernent les productions végétales. Il s'agit essentiellement de la disponibilité en matériel de semis direct, ensileuses, enrubanneuses et matériel de plantation et récolte de pomme de terre. En steppe, la multiplication des ouvrages pour l'épandage de crues peut permettre un rapide développement des zones irrigables.
Au MADR, ces accélérateurs de développement ne sont pas tous clairement identifiés.


Lors d'un récent déplacement dans la wilaya de Batna, le Ministre de l'agriculture a insisté sur la nécessité de cerner des « accélérateurs » du développement agricole afin d'affronter la crise qui menace l'Algérie.

AU MADR, LA CHARRUE AVANT LES BOEUFS
Ces paroles sont salutaires. Car concernant les productions végétales, nous avons pu remarquer ces temps-ci que de nombreux responsables agricoles sur le terrain ou siège du ministère ne semblent pas identifier de tels accélérateurs. Ainsi, lors de la dernière sécheresse automnale à l'Ouest du pays, le conseil donné aux agriculteurs a été d'irriguer leurs parcelles. A notre connaissance aucun responsable agricole n'a évoqué les possibilité offertes dans ce genre de situation par le semis direct.
Pire, chez certains, il ne semble pas exister de vision à long terme. Vision qui théoriquement devrait déboucher sur des étapes de mi-parcours. L'impression qui est donnée parfois est de gérer l'urgence, de parer au plus pressé. L'exemple nous a été donné lors de la dernière crise laitière. Ce n'est que suite à un mouvement revendicatif des éleveurs laitiers qu'un programme de dynamisation des productions fourragères a été mis en place. Précisons pour sa défense, qu'à peine nommé, l'actuel ministre de l'agriculture a hérité de cette crise. Mais les responsables de la direction des productions animales de ce ministère ne pouvait-elle pas alerter leurs collègues de la direction des productions végétales du besoin croissant de fourrage suite aux récentes importations massives de génisses ?
Autre exemple. L'OAIC a développé un large programme pour assurer une meilleure disponibilité en semences certifiées. Au vu de l'entrée en production des premières stations modernes de traitements de semences, il s'agit là d'un programme de qualité. Mais l'OAIC ne semble pas avoir cerné les prochains accélérateurs de développement sur les quels intervenir.
A de rares exceptions, jusqu'à la nomination de l'actuel titulaire du poste de Ministre de l'agriculture, il semble qu'au MADR on ait mis la charrue avant les bœufs.

Types de mesures
Temps pour avoir des effets
Effet attendu
Coût pour le budget de l'Etat
Observations
Remplacement du labour par le semis-direct (SD)
Progressif à rapide (nécessité de l'acquisition du matériel et de maîtrise du désherbage chimique)
Augmentation des rendements, réduction des coûts de mécanisation
Faible. La production de semoirs est réalisée par CMA-SOLA et des privés.
Production balbutiante de semoirs. Nécessité de vulgarisation. Possibilité d'effet boule de neige.
Développement de l'épandage de crues (steppe)
Rapide
Amélioration de la production fourragère
Faible. Financement modique (gabbions)
Nécessité d'études de faisabilité et d'appels d'offre pour travaux
Ré-affectation de postes budgétaires à des associations professionnelles
Rapide
Meilleur encadrement technique des agriculteurs, plus grande responsabilisation des conseillers (obligation de résultats)
Nul puisqu'il s'agit de transferts sur une base volontaire ou à l'occasion de départ à la retraite par exemple
Nécessité d'associations professionnelles représentatives
Refus et inertie du personnel actuellement en poste
Protection marge agriculteurs
-encourager la transformation des céréales par les producteurs
-attribution dans les marchés d'emplacements à des groupement d'agriculteurs.


Moyen



Rapide


Pour les agriculteurs, amélioration de l'attraction pour les céréales
Réduction de l'inflation


Nul



Nul

Risque de pression des transformateurs


Risque de pression des commerçants
Contractualisation (favoriser l'installation de tranformateurs)
Rapide
Amélioration du niveau technique des agriculteurs, production de cultures nouvelles
Nul. Contre l'accès au marché permis pas l'Etat, le transformateur finance l'encadrement des producteurs
Encadrement technique des agriculteurs par les techniciens du transformateur
OAIC
-refonte du statut des personnels liés à la fonction commerciale
-autorisation de transformation des produits agricoles
-créer une prime pour stockage à la ferme.

Rapide


Rapide


Rapide

Amélioration du service


Réduction du déficit des CCLS

Améliorer les capacités de stockage à la ferme.

Faible


Nul puisqu'à la charge des CCLS.

Faible. Les investissements étant à la charge des producteurs.

Attribution d'une prime liée au volume des ventes ou de collecte.
Risque de pression des transformateurs installés.

Le surcoût de la prime est à comparer aux investissements actuels de stockage de l'OAIC.
Création de coopératives céréalières hors CCLS
Rapide
Augmentation de la production, protection des marges.
Nul
Responsabilisation de la filière céréales.
Utilisation de main d'oeuvre étrangère qualifiée
Rapide
Mise en œuvre de techniques innovantes. Exemples : ouvriers marocains spécialisés en serres canariennes.
Nul
Accroître la durée des titres de séjours.
Ouverture des concessions à des capitaux étrangers (49/51%)
Rapide
Mise en œuvre de techniques innovantes
Nul
Ne permettre cette installation que dans des zones précises et en association à des investisseurs locaux.


« ACCELERATEURS » DU DEVELOPPEMENT ET BAGUETTE MAGIQUE
En quoi consistent des « accélérateurs » du développement agricole ? Il s'agit d'actions susceptibles de parer aux goulots d'étranglement qui empêchent toute augmentation rapide de la production agricole. « Accélérateurs » ne signifie pas baguette magique. L'acte de production agricole est complexe. Comme tout investisseur, l'agriculteur a besoin de lever l'incertitude quant au retour sur investissement. Il s'agit donc de se pencher sur les aspects du statut de la terre, du niveau des subventions agricoles, du crédit et des aspects techniques.
Il faut donc veiller à bien identifier les obstacles à la production agricole. Sinon, les « accélérateurs » ne seront que factices. Lors de sa visite à Batna, Mr Ferroukhi a ouvert un colloque consacré à la promotion et à la valorisation du figuier de Barbarie. Il a clairement indiqué aux participants qu'il comptait sur eux afin de définir les moyens d'arriver à de tels objectifs. Ce type de démarche permet d'impliquer la communauté des chercheurs, des producteurs et des transformateurs. Il nous semble que c'est là un moyen de cerner les « accélérateurs » de développement propres à une culture ou à un échelon régional.
Il nous semble qu'un accélérateur de développement doit, de préférence, consister en une mesure peut coûteuse pour le budget de l'Etat.
Nous souhaiterions pour notre part indiquer quelques uns de ces accélérateurs.

LES PRODUCTIONS VEGETALES, BASE DE TOUT AGROSYSTEME
Tout agrosystème est basé sur une production de biomasse végétale. A ce titre, il nous semble important d'examiner ces productions et en particulier les céréales, les légumes secs, les oléagineux et les fourrages. En zone de déficit hydrique, le facteur limitant de ces productions est l'eau. La solution est donc d'irriguer. Les céréales et les fourrages font déjà l'objet de programmes d'irrigation d'appoint. Quid des surfaces menées sans irrigation ? Celles-ci représentent la majorité des emblavements.
Il nous semble que l'un des accélérateurs de développement des cultures pluviales concerne donc l'optimisation de l'eau de pluie. Traditionnellement, la solution a concerné la pratique de la jachère. Celle-ci est aujourd'hui décriée pour des motifs économiques, agronomiques et écologiques. L'alternative consiste en le non-labour avec semis-direct. Les travaux menés en zones semi-arides montrent que nous avons tout à gagner de cette nouvelle pratique. Là, où en cas de stress hydrique prononcé, les rendements sont de 2 quintaux/hectare, avec le semis-direct, les rendements sont 5 fois supérieurs. Ces dernières années, de grosses exploitations ont d'ailleurs importé des semoirs pour semis-direct. Il reste à équiper les petites et moyennes exploitations. Ceci pourrait être progressivement fait grâce à la production locale de semoir par l'entreprise CMA-SOLA de Sdi Bel-Abbès.
Par les avantages procurés, le semis direct est fondamental. Il permet en effet de semer plus vite et moins cher tout en réduisant les doses de semences et d'engrais utilisées. Le semis-direct ne concerne pas seulement le blé, mais également l'orge, les pois-chiche, les lentilles, les fourrages et demain de nouvelles cultures dont les oléagineux. Par une amélioration de la production fourragère, le semis-direct concerne également l'élevage ovin et bovin laitier.


EN STEPPE, AMELIORATION DE L'OFFRE FOURRAGERE
En zone steppique l'expérience du HCDS en matière d'épandage des crues est à mieux valoriser. En effet, la steppe comporte d'innombrables zone où cette technique peut permettre d'augmenter les surfaces irrigables pour de faibles coûts. La construction de gabions représente un coût nettement inférieur aux infrastructures hydrauliques traditionnelles.

MECANISER POUR REDUIRE LA PENIBILITE DU TRAVAIL AGRICOLE
Dans certaines productions, la mécanisation représente un accélérateur de développement. Cela a été le cas avec la modernisation du parc de moissonneuses-batteuses, de la récolte en vrac des céréales et l'utilisation des bennes Marell. Concernant les fourrages, une étude fine des goulots d'étranglement est à dresser. En première approche, il apparaît qu'un accélérateur de développement de ces productions concerne les ensileuses puis les enrubanneuses. Concernant la production de pomme de terre, la fabrication de planteuses, buteuses et arracheuses de tubercules s'avère primordiale. A noter les subventions publiques à la création de chambres froides. Celles-ci ont permis une nette augmentation des capacités de stockage.
Concernant le matériel d'irrigation, il s'agit de recenser les besoins en matériel. Les choix devraient être orientés vers les matériels les plus économes en utilisation de l'eau d'irrigation.
Afin de susciter plus de coordination dans la filière, il s'agit également de favoriser la création d'un syndicat des importateurs, monteur et constructeurs de matériel agricole.

NOS AGRONOMES COMME CES MEDECINS AUX PIEDS NUS
Afin d'apporter une aide technique aux agriculteurs et de diffuser les meilleurs pratiques mises en œuvre sur le terrain, les ingénieurs et techniciens doivent être au plus près du terrain et avoir « obligation de résultats ». Dans les années 60-70, en matière de santé, la population chinoise doit beaucoup aux soins prodigués par les « médecins aux pieds nus ». A l'époque, ces médecins et infirmiers parcouraient les campagnes. Avoir plus d'ingénieurs et techniciens sur le terrain peut être atteint en :
-procédant à un transfert de postes budgétaires depuis le secteur public au secteur de la profession agricole,
-en instituant une taxe symbolique sur les productions agricoles afin de co-financer les instituts techniques dépendant du MADR,
-en instituant au sein des instituts techniques dépendant du MADR des conseils d'administration où seraient représentés des représentants des filières concernées,
-déléguant (par contractualisation) à des transformateurs privés (locaux ou étrangers) ou à des regroupements d'agriculteurs engagés dans la transformation le soin d'encadrer les producteurs,
-accorder des concessions mixtes à des agriculteurs locaux associés à des agriculteurs étrangers,
-faciliter les conditions d'exercice en Algérie de la main d'oeuvre spécialisée étrangère (ouvriers marocains spécialisés dans les serres canariennes, chef de culture européens, …).

COMMERCIALISATION, PROTEGER LA MARGE DES AGRICULTEURS
A plusieurs occasions, Mr Freeoukhi a évoqué de l'intérêt des producteurs à se regrouper pour acquérir des moyens pour transporter leur production ou alimenter dans un marché couvert un carreau (emplacement) qui leur aurait été attribué. Il s'agit là d'idées très intéressantes.
Les céréaliers n'ont aucun droit dans la transformation première et secondaire de leur production. La facilitation de leur entrée dans ce secteur réservée à une minorité d'opérateurs permettrait d'améliorer leurs marges et ainsi les encourager à moderniser leurs pratiques.

CONCLUSION
En matière d'accélérateurs de développement, il existe des réussites : politique de concessions agricoles, subvention des intrants et matériel, prix à la production (qu'on se rappelle la « grève des labours »), subvention à la construction de chambres froides. Le MADR n'accorde cependant pas assez d'importance à des dossiers technique tel le semis-direct ou la réforme nécessaire des CCLS. Il faut dire également qu'on ne peut agir et réformer qu'en fonction des moyens dont on dispose.
Les accélérateurs de dévelopement sont nombreux. Certains sont identifiés par le MADR. Il s'agit d'opérer au plus vite une classification entre les mesures a effet immédiat et au ratio coût/production le plus intéressant. Le plus grave serait de ne pas identifier ces accélérateurs. Mais la politique de recherche d'accélérateurs de dévelopement ne doit cependant pas cacher la nécessité de profondes réformes dans le secteur agricole et d'efforts patients portant sur le long terme. La stabilité des réglements et la sécurité des investissements sont aussi des facteurs essentiels pour tout investisseur potentiel.

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